Les détenus dAl Adl Wal Ihsane racontent les détails de leur torture

Sommaire

Bouali Lemnewer (Docteur en Pharmacie)

Hicham SABBAH (Officier dEtat Civil)

Azzeddine Slimani (Professeur Agrégé)

Hicham Didi Elhouari (Cadre Fonctionnaire à la Délégation du Ministère de lEquipement)

Points communs entre les frères détenus

Séquelles encore apparentes

_____________________________________________________

Bouali Lemnewer (Docteur en Pharmacie)

Jai été enlevé de chez moi à laube du lundi 28 juin 2010 par un groupe de 6 personnes.

* Ont été réquisitionnés : un ordinateur portable, un ordinateur de bureau (desktop), un grand nombre de CDs, un téléphone portable, une caméra numérique, dautres affaires ;

* On a menacé ma femme par un pistolet ;

* On a terrorisé mon fils âgé dune année et sept mois ;

* On ma emmené sans que je sache pourquoi. Quand jai posé la question, ils mont répondu quils cherchaient deux CDs. Jai découvert que quatre autres étaient avec eux.

* On ma emmené dans une Peugeot Partner ;

* On ma mis les menottes et emmené vers une destination inconnue. Jai découvert après que nous étions à Casablanca, au quartier Roches Noires près du Lycée Abou Lkacem Chabi. Ils mont fait monter, toujours menotté, à létage de limmeuble.

Ils ont pris mon nom et quelques informations, puis ils mont fait descendre à la cave où jai trouvé des policiers en uniforme qui ont saisi mon nom, ont enlevé mes menottes avant de me mettre dans une cellule où il ny avait ni eau, ni toilettes, mais seulement une fine éponge et une couverture ; point doreiller.

Une heure et demi après, les tortures commencent. Une voix sélève pour mappeler : «Bouali Lemnewer ». Jai répondu : « Oui ». On me fait monter là haut et on me mit les menottes à nouveau. On me banda les yeux pour que je ne voie rien.

Ils me firent monter à un étage et on me fit entrer dans une pièce dont le plancher était couvert dun tapis. Jai su que jétais devant leur supérieur. Il minterrogea sur la date du 21 mai 2010 et lorsque je lui répondis que je ne men souviens pas, il me cria au visage : « Si nous voulon
s attraper quelquun, nous lattrapons et si nous voulons savoir ce quil a dans la maison, nous le saurons, rien quavec la technologie ». Puis, il cria : « Prends ce gars et montre à sa mère qui nous sommes ».

Ensuite, ils me firent descendre dans une chambre en bas où je reçus toutes sortes de coups, dinjures et dinsultes. Ils criaient tous : « Dis-nous, fils de p& , ce qui sest passé à cette date». Je ne savais pas de quoi ils parlaient, et le flux dinjures et de coups narrêtaient pas. Mes yeux étaient toujours bandés et mes mains menottées .Je ne parvenais à respirer quà grande difficulté. Les coups se succédaient et, avec eux, les accusations (formation dune bande de malfaiteurs, enlèvement, tabassage et viol dun avocat à Fès). Je risquais, selon eux, une peine de 20 années au moins. Je ne cessais de nier et daffirmer que je ne savais rien mais ils narrêtaient pas de me battre et de minsulter.

Ils me firent descendre à la cave dans un état lamentable et enlevèrent le bandeau que javais sur les yeux. Je découvris quil y avait dautres frères de notre jamaa avec moi, dans le même état.

A peine rentré, jentendis à nouveau mon nom et les menottes me firent remises, le bandeau aussi. Le même scénario se répéta avec les mêmes moyens. Je fus redescendu une deuxième fois à la cave, dans la même cellule où régnait un obscurité totale.

Deuxième jour

A environ 8h, un policier arriva et cria mon nom. Le scénario reprit. Je compris quils

voulaient nous faire endosser des crimes dont nous étions innocents. Ils disaient quils allaient détruire ma famille, que ma femme, médecin, allait perdre son poste et se prostituer pour nourrir mes enfants, quils allaient menterrer dans un lieu secret et que ma tombe restera inconnue. Ils racontaient comment que des officiers et des ministres ont été torturés là et et quils avaient subi le supplice de la bouteille pour quils avouent, que même Jettou, ex-premier ministre, était passé aux aveux&

A chaque fois que je disais que je ne savais rien, les coups et les insultes sabattaient de toute part sur moi. Puis lordre était donné de me faire descendre à ma cellule avant de mappeler à nouveau, et ainsi de suite. Mais cette fois, ils essayèrent de me violer. Ils ont enlevé mon pantalon, mont étendu par terre et ont introduit un stylo dans mon anus. Puis, ils me firent monter à un étage supérieur et menacèrent de me faire passer aux électrochocs, aux suspensions, à létouffement et à dautres tortures que ces bourreaux connaissaient très bien.

Ils me firent subir des électrochocs puis, à bout de forces, ils me firent descendre à la cave pour quon mappelle à nouveau et memmène à la chambre 75, lieu des supplices et dinterrogatoires.

Troisième jour :

Les tortures deviennent plus légères. Lun deux vient pour me dire quils ne veulent pas ça mais quils suivent les instructions données au sujet de interrogatoires.

Hicham SABBAH (Officier dEtat Civil)

Lagression de la maison fut menée à laube, sans aucune autorisation du Procureur Général.

Toutes les chambres ont été fouillées, avec hystérie. Lorsque je leur fis savoir que mon fils Souleimane était endormi et que ma femme était enceinte, ils mont répondu quils faisaient leur devoir , ce qui terrorisa ma petite famille.

Ils me poussèrent vers une Partner blanche .Jai remarqué que leur accent était différent des gens de Fès. Ils ne me dirent rien de notre destination, ni du service sécuritaire auquel ils appartiennent, ni de quoi ils nous accusaient. Puis ils se ont pris lautoroute en direction de casablanca. Auparavant, ils mavaient bandé les yeux et mis les menottes. Arrivés à destination, ils mont fait entrer dans un bâtiment inconnue où ils mont enlevé toutes mes affaires et mis dans la cellule individuelle N=02.

Après, un policier mappela. On me bandit les yeux et on me mit les menottes avant de me faire pénétrer dans la salle 65. Lorsque je demandai la raison de ma détention et de linterrogatoire, je fus tabassé de toute part, avec les mains et les pieds et les insultes de toute sorte pleuvaient à abondance. Ce scénario se répéta durant trois journées entières.

Premier jour :

On dressa pour moi une liste de tous les crimes traités par la loi pénal : constitution dune bande de malfaiteurs, enlèvement, séquestration, assassinat et torture. On me menaça dêtre poursuivi en vertu de la loi anti-terroriste et que nous allons être condamnés dans les meilleurs des cas à 20 ans , que ce lieu a vu passer des lions qui ont été dressés et soumis, que je vais perdre mon fils et que ma « femme allait se prostituer pour pouvoir tamener de quoi te nourrir en prison ».

Ils ont dit aussi quils ne sont pas pareils aux policiers de Fès, quils sont de vrais policiers alors que ceux de Fès ne sont que des femmelettes.

Lorsque jai protesté contre la torture et les insultes ,ils mont dit quil ne me sert à rien de faire la forte tête , quils vont casser mon courage, que si je navoue pas, jaurai le même sort que les autres frères. Ils mont dit quils « ont commencé à les faire descendre en bas » pour les torturer. Jai commencé à entendre des cris et des claquements de fouet. Ils mont dit quils vont me faire descendre tout de suite après à 24h après le remplacement de léquipe actuelle par une autre bien plus impitoyable, que des ministres et des généraux étaient passés par là,quils ont été humiliés et quils étaient passés aux aveux.

Ils menaçaient denlever mon pantalon et de faire de moi un homosexuel.

Le même scénario se répéta durant le deuxième et le troisième jour, ils mont obligé à signer les procès verbaux, les yeux bandés.

Azzeddine Slimani (Professeur Agrégé)

A laube, 8 ou 10 personnes en civil ont fait intrusion dans la maison, sans présenter aucune autorisation à perquisitionner ou à pénétrer.

Ils ont commencé à saccager nos affaires en mon absence, semant la terreur dans le coeur de mon père et ma mère, très âgés. Des personnes anonymes mont emmené vers une destination inconnue alors que lun souillait les murs de ses fèces, après avoir tiré violemment mon père et rudoyé ma mère. Dans la Partner qui nous emmena vers lautoroute, on me banda les yeux.

Notre destination était inconnue pour moi.

Après avoir pénétré dans le lieu où jétais emmené, on menleva mes affaires personnelles (montre,&) et on me poussa dans une cellule. On mappela, ensuite, on me menotta et on me fit monter dans un étage supérieur. Dans le bureau où on me fit entrer, plusieurs personnes minterrogèrent sur mon identité, les yeux bandés et les mains menottés. Lorsque je demandai pourquoi jétais là et de cette manière, on me fit sortir puis entrer dans un autre lieu où il y avait plus de sept personnes qui ont commencé à minterroger de la manière suivante :

Le tabassage, les injures, les humiliations, les coups de poing à la figure, les gifles, les

blasphèmes à lencontre de Dieu,&Menaces de viol, Tiraillement de la barbe, Coups de pieds&..

Lorsque jai exprimé mon indignation contre les accusations adressées à moi, ils mont

répondu que cette torture nétait quun apéritif et que « nous allons te faire passer à une équipe qui na aucun scrupule et qui vient la nuit ». Après mavoir laissé une heure tout seul, ils mont ramené à la même place et une personne a donné ses consignes pour que je passe aux mains dun groupe de gens. Aussitôt arrivé, les yeux bandés, une rafale de coups de poing, de pied et de gifles me tomba dessus. Ils me disaient que les généraux , les ministres et les gens puissants sont passés par là. Après, ils memmenèrent en haut où jeus droit au même régime. Ils me déshabillèrent complètement et me dirent : « Tu sortiras dici femme. Nous allons te violer » .Je nai pas répondu, alors ils mont dit : « Tu vas être suspendu ». Les yeux bandés, je fus mis sur une table où ils me ligotèrent les jambes, après les avoir enveloppées de tissu pour ne pas laisser les cordes entamer ma peau. Mes mains étaient menottées derrière le dos et ma tête pendue en bas. Ils ont commencé à me frapper aux pieds alors quun autre me mettait le chiffon dans la bouche pour métouffer. Un autre mettait ses pieds sur mes mains pour me torturer et me faire souffrir davantage, tout en me giflant. Ils me disaient : « Tu ne vas pas résister, nous allons tenterrer vivant i
ci. Personne ne va entendre parler de toi. Crie. Tu ne sais pas où tu es. Si tu savais où tu es, tu perdrais connaissance. Tu crois que nous sommes comme la police de Fès ? Nous sommes lélite ». Ils enroulèrent, ensuite, deux fils électriques sur deux de mes orteils, après les avoir mouillés et mouillé ma tête aussi. Je reçus des électrochocs en série. Un autre fil fut mis sur mon pénis et ils me harcelèrent plusieurs fois au niveau des cuisses.

Cette opération fut répétée plusieurs fois. Et, à bout de forces, je meffondrai complètement. Ils me mirent alors à terre et me piétinèrent de leurs pieds. Ils mont remis sur pieds, versèrent de leau par terre et me dirent de frapper le sol de mes pieds. Quand je refusais parce que épuisé, ils me giflaient Ils me forçaient à le faire plusieurs fois. Et lorsque je disais : « Dieu seul nous suffit .Nest-il pas le Meilleur des protecteurs ? », ils me répliquaient que Dieu ne te sera daucun recours ici.

Cette opération finie, on me mit de la pommade sur les pieds, les mains et les genoux. Ils me lavèrent le visage et memmenèrent vers un autre lieu où ils mirent devant moi des papiers dont jignorais le contenu et quils me contraignirent à coup de gifles, dinsultes et dhumiliations à signer. Ils sefforcèrent aussi de me provoquer en attaquant nos dirigeants et en minterrogeant sur la nature de notre organisation. Je passai cette nuit dans une cellule où les moindres conditions humaines sont inexistantes, sous une surveillance très serrée. Le lendemain, deux individus soccupèrent de moi : tabassages, humiliations, déshabillements. Je fus laissé, les mains menottées, les yeux bandés, à lintérieur de la cellule, dans la cave. Ils mont dit ensuite : « Tu sortiras dici sans travail, ta famille sera détruite si tu ne te soumets pas ». Ils me demandèrent aussi de signer une autorisation de perquisitionnent de ma maison datée du jour de lagression. Devant mon refus, ils reprirent le même traitement avec moi.

Hicham Didi Elhouari (Cadre Fonctionnaire à la Délégation du Ministère de léquipement)

Les violations auxquelles jai, moi Hicham Didi Elhouari, été soumis pendant et après mon arrestation à laube du lundi 28 juin 2010 :

1. Des personnes anonymes en civil ont forcé la porte avant six heures sans autorisation.

2. On a terrorisé les habitants en les menaçant avec des pistolets, enfants, femmes et vieillards compris.

3. Alors que jétais enlevé, nos biens personnels ont été saccagés et nos affaires, dont le nombre reste encore imprécis, ont été réquisitionnées.

4. Ma fille de trois ans et mon neveu de dix ans ont tous deux subi un interrogatoire.

5. Au cours de ma détention, jai été contraint de métendre sur le ventre, sous la menace des revolvers. Après avoir passé les menottes bien serrées à mes mains, placées derrière le dos, ils ont commencé à me frapper sauvagement sur le dos, le visage et la tête avec les bâtons, les coups de poing et les gifles.

6.La tête abaissée, on memmena dans une grande voiture et , 1000 m après, on me mit dans une autre voiture, petite cette fois, dont le matricule comprenait 1D. On me fit masseoir sur les sièges arrière entre deux individus, très gros, qui mont bandé les yeux et mont obligé à mettre la tête entre mes genoux, en me noyant de coups, dinsultes, dinjures, de menaces de liquidation et dannihilation pour conclure : «Vous croyez que nous sommes comme ces femmelettes de la police de Fès. Par Dieu, tu vas regretter le jour où tu es né. Tu vas savoir qui nous sommes ».

Durant tout notre parcours vers notre destination inconnue, le flux de menaces et de pressions psychiques ne cessait pas : « Regarde ce que ta famille endure à cause de toi. Ils ne cessent de te maudire. Même ton père et ta mère te maudissent. »

A notre arrivée, qui nétait autre que le siège de la Brigade Nationale de la police Judiciaire de Casablanca, javais les pieds nus, vêtu seulement dun short et un sous-vêtement.

Pendant les trois jours de détention :

1. On narrêtait pas de me gifler, de me cracher dessus, de me frapper violemment sur la tête et le dos.

2. Mes yeux étaient bandés durant les interrogatoires et
les mains menottées. Les accusations nétaient pas définies. Des allusions du genre : nous sommes des terroristes, nous faisons la grande fête, nous constituons un état à lintérieur de létat, nous formons un gang.

3. On insultait les figures de Justice et Spiritualité et on leur attribuait les pires des qualificatifs.

4. Ils sont agacés et réagissent violemment lorsque , à bout de forces, jinvoque la protection divine ou le nom de Dieu ou encore lorsque je remercie le Créateur .

5. Ils ont fait exprès de me priver de sommeil et de repos , aussi peu quil soit. Ils mont laissé assis pendant de longues heures sur une chaise, les yeux bandés, les mains en menottes, au milieu dune bande de bourreaux et denquêteurs qui se relayaient sur moi. Et à chaque fois, ils memmenaient devant quelques uns de leurs supérieurs pour leur faire savoir où ils en étaient.

6. jai été flagellé sauvagement et pendant longtemps avec des bâtons, après avoir fixé mes mains et mes jambes à une barre. Ils ont utilisé une variété de bâtons et ,à chaque fois, ils mouillaient mes pieds.

7. Ils métouffaient en me mettant dans une position verticale, la tête en bas, et en attachant un chiffon mouillé sur ma tête et sur ma bouche puis en versant de leau sur ce chiffon jusquà asphyxie.

8. Ils ont envoyé des décharges électriques sur mon pénis, après avoir attaché mes pieds à des fils électriques et mavoir mouillé.

9. Ils ont menacé de me violer.

10. Ils ont menacé de me laisser dans cette position jusquà ce que je périsse. Puis ils feront publier un communiqué où ils prétendraient que je métais enfui.

11. Ils mont contraint de signer des papiers sans en connaître le contenu.



Points communs entre les frères détenus

1. Leurs maisons ont été assaillies et les serrures forcées à une heure non légale (avant six heures).

2. Leurs familles ont été terrorisées et ont subi des agressions, des insultes et des injures impudiques ( fils de & Nous allons te &)

3. leurs biens et affaires ont été fouillés, saccagés et réquisitionnés.

4. leurs mains ont été menottées, leurs yeux bandés et on les mena vers une destination inconnue.

5. Ils ont été battus à mort avec des gourdins, des coups de poing, de pieds, des gifles&

6. On les jeta par terre et on les déshabilla complètement.

7. On menaça de les violer.

8. On leur mit des stylos et dautres objets dans le derrière.

9. On essaya de les intimider par la loi antiterrorisme.

10. on prétendit que des ministres et de hauts responsables sont passés par là et quils sont passés aux
aveux pour nous intimider et nous arracher des aveux.

11. On méprisa la police de Fès qui, selon eux, na pas réussi à nous dresser.

12. On essaya de nous faire peur en évoquant la Brigade Nationale, très connue et médiatisée et en provoquant les détenus : « Fils de & Tu nen as pas peur ou quoi ? »

13. Lun deux prétendit quil nétait autre que le tristement célèbre Hajjaj venu pour nous torturer à fond ou bien quil était un colonel militaire ayant toutes les prérogatives pour venir à bout de nous.

14. Ils nous apprirent que nous sommes maintenant en fuite et que personne ne sait où nous sommes, quils peuvent en toute quiétude nous enterrer, sans que personne ne le sache.

15. Ils ont menacé de nous tuer et de nous jeter très loin.

16. Ils nous ont contraints, par la violence, à signer des procès verbaux sans en connaître le contenu.

Séquelles encore apparentes

1. Des douleurs, des boursouflures et des enflures au niveau de la tête.

2. Des troubles au niveau de la vision et de louïe ;

3. Hémorragie au niveau de lanus.

4. Contusions dermiques.

5. Blessures et enflures au niveau des jambes.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*