L’Observatoire de Ceuta et Melilla a tenu une réunion ce mardi pour analyser les relations bilatérales entre l’Espagne et le Maroc. Selon cette entité, le conflit restera plus ou moins souterrain, étant donné les positions irréconciliables sur la souveraineté de Ceuta et Melilla.
Le Maroc utilise des tactiques de guerre hybride contre l’Espagne » depuis un certain temps déjà, et dans ce contexte, il faut comprendre qu’il a « attaqué les frontières de l’UE » comme une manière de « détourner son échec en politique intérieure par ces actions en politique étrangère ».
C’est l’une des principales conclusions du webinaire Le Maroc et l’Espagne, un cas de guerre hybride ? organisé ce mardi par l’Institut pour la Sécurité et la Culture et auquel ont participé Manuel R. Torres Soriano, professeur à l’Université Pablo de Olavide (UPO) ; Guillem Colom Piella, professeur à l’UPO et auteur du rapport Le Maroc, le Détroit de Gibraltar et la menace militaire pour l’Espagne ; et Carlos Echeverría Jesús, directeur de l’Observatoire de Ceuta et Melilla.
Comme l’a rappelé Manuel R. Torres Soriano, en parlant de guerre hybride, « nous parlons du comportement d’un acteur qui décide de dépasser les limites de l’acceptable lorsqu’il s’agit de promouvoir ses intérêts, même si cela signifie compromettre la sécurité et le bien-être d’un autre pays ». Dans ce sens, Torres Soriano considère que le Maroc promeut depuis un certain temps « un type de conflit de basse intensité » qui, prévient-il, « continuera probablement pendant longtemps avec des moments de détente et d’autres d’accélération lorsque l’agresseur considère que de nouvelles fenêtres d’opportunité s’ouvrent ».
Car c’est ce qui s’est passé ces dernières semaines, selon ces experts. Comme l’a expliqué Guillem Colom Piella, « le Maroc comprend qu’il doit profiter de la situation actuelle pour faire plier la position de certains pays européens concernant le Sahara Occidental », car la fenêtre d’opportunité n’est pas tant la controverse que Rabat entend soulever sur l’admission de Brahim Gali dans un hôpital espagnol que la reconnaissance par les Etats-Unis des aspirations marocaines sur le Sahara Occidental.
M. Colom Piella a réaffirmé que « ce type de décisions [en référence à ce qui s’est passé à Ceuta la semaine dernière] n’est pas pris dans le vide, il y a un contexte et un modus operandi ». En fait, « elle peut être comprise comme des représailles pour l’accueil sanitaire de Ben Ghali ou comme une autre action dans le cadre du conflit territorial que le Maroc soulève et développe par rapport à la souveraineté espagnole de certains territoires », a-t-il souligné.
Et qu’est-ce qui se cache derrière tout ça ? D’une part, selon ces experts, l’agenda du Maroc, dans lequel le Sahara occidental est désormais une priorité mais dont Ceuta et Melilla ne peuvent être extraites. Comme l’a souligné Colom Piella, « Ceuta et Melilla sont des sujets très brûlants dans la mentalité et l’histoire du Maroc. Le devoir de tout sultan du Maroc a toujours été de mener le djihad contre les deux enclaves espagnoles ».
Mais, d’autre part, il ne faut pas perdre de vue que « le contexte actuel est déterminé par les conséquences économiques de la pandémie, les relations avec des États tiers comme les États-Unis, Israël et l’Allemagne, et la perception d’une dissuasion insuffisante de la part de l’Espagne ».
Comme l’a souligné Carlos Echeverría, « le Maroc entend détourner son échec en politique intérieure par ce type d’actions de politique étrangère », et pour ce faire « il n’a pas hésité à s’attaquer aux frontières de l’Union européenne », ce qui situe le conflit dans un cadre très clair. Malgré l’insistance et les efforts de Rabat pour prouver le contraire, « il ne s’agit pas d’une question bilatérale, mais d’une nouvelle violation du droit international ».
Echeverría a rappelé que « le Maroc est une dictature qui a envahi le Sahara occidental et qui a maintenant l’intention de faire de même avec Ceuta et Melilla », que « c’est un régime qui n’a pas hésité à tromper sa population en diffusant des idées fausses comme celle que Ceuta et Melilla sont marocaines » et qu' »il fait passer ses intérêts politiques avant la vie de ses citoyens, y compris des milliers de mineurs ».
Face à ce scénario, la réaction doit aller de pair avec « le maintien d’une position ferme et crédible face à ce que l’Espagne considère comme un comportement inacceptable », selon Manuel R. Torres Soriano, afin de « montrer à Rabat que nous pouvons également exploiter ses vulnérabilités, qui sont nombreuses ».
Mais il faut aussi « continuer à approfondir la dissuasion militaire, qui envoie un message clair sur le danger que peut représenter l’utilisation de ce type de stratégie ». Cependant, il existe un problème sur lequel les trois experts ont voulu mettre en garde et qui, selon les mots de Torres Soriano, signifie que « malheureusement, nous avons assisté à une dégradation ininterrompue de la capacité de dissuasion militaire de l’Espagne vis-à-vis du Maroc en raison d’un manque d’investissements, un écart qui s’est également réduit en raison de la politique continue d’acquisitions du Maroc ».
Vous pouvez regarder, en intégralité, le colloque en dessous de ces lignes.
Ceuta TV, 25 mai 2021
Etiquettes : Maroc, Espagne, Ceuta, migration, Melilla, conflit, Observatoire de Ceuta et Melilla,
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