Réfugiés dans leur propre pays

En dressant un camp de toile pour plus de 10 000 personnes à la périphérie d’Al Ayoune, les populations des territoires sahraouis sous occupation marocaine ont tenu à lancer un message à la communauté internationale sur leur état de réfugiés dans leur propre pays.

Rabat minimise le sens du camp de toile
Les autorités marocaines ne s’attendaient visiblement pas à cette nouvelle forme de protestation qui risque une fois de plus de mettre leur pays au ban de la communauté internationale, un peu comme l’a fait Aminatou Haider par la grève de la faim qu’elle avait observée durant 33 jours à la fin 2009.

Prises de court, elles ont essayé de minimiser la portée de cette manifestation originale qu’elles veulent voir comme une simple revendication sociale. C’est là toute l’erreur de Rabat dont la gendarmerie, à la gâchette facile, n’a pas hésité à tirer sur un groupe de jeunes dont elle n’ignorait pas le sentiment indépendantiste qui est, du reste, celui de tous occupants du camp de toile mis sous état de siège permanent.

La propagande officielle qui tente de réduire l’événement, comme l’a fait maladroitement le porte-parole du gouvernement marocain, à un simple climat de tension sociale, n’a pas porté.

Beaucoup de journalistes espagnols se sont déplacés sur place pour relater l’assassinat du jeune adolescent sahraoui de 15 ans, tué dimanche par la gendarmerie marocaine au moment où il tentait de pénétrer dans le camp de toile, mais ont été, comme ils s’y attendaient, bloqués ou carrément refoulés de l’aéroport d’Al Ayoune.

Réaction de Christopher Ross

La brutalité marocaine n’est pas passée inaperçue puisque les premières réactions ont commencé à être enregistrées un peu partout à travers le monde. Parmi celles-ci, l’appel lancé visiblement à l’adresse du Maroc, par Christopher Ross, invitant les autorités marocaines à «l’urgente nécessité de ne pas raviver la tension au Sahara» pour ne pas compromettre la tenue de pourparlers informels qui devront avoir lieu du 3 au 5 novembre à New York.

Certaines «sources diplomatiques» s’interrogent sur l’usage de la force au lendemain même du retour de M. Ross de sa tournée maghrébine. Des observateurs de la situation dans la région estiment, quant à eux, que le recours à la violence par les forces de sécurité marocaines apporte la preuve que le mouvement de protestation de ces milliers de Sahraouis n’a rien d’exclusivement social, même si pour éviter la répression policière les organisations du camp de toile ont évité de trop mettre en avant la question de l’indépendance.

Dénoncer, cependant, le pillage des ressources sahraouies est en soi le slogan le plus politique qui soit, estime-t-on dans les milieux parlementaires européens, où le renouvellement de l’accord de pêche UE-Maroc est plus jamais remis en cause par la Commission européenne.

Ils ne sont pas rares, au moment où le mouvement de protestation prend de l’ampleur et plus de signification nationaliste, ceux qui en Espagne pensent que l’incident de dimanche aurait été prémédité par les Marocains, de moins en moins motivés à aller vers de nouvelles négociations avec le Front Polisario à New York.

Rabat aurait perdu tout espoir de faire de son plan d’autonomie pour le Sahara occidental la seule base de travail, parce que ses deux principaux alliés ne peuvent plus rien pour lui. La France est trop occupée avec sa crise sociale, alors que l’Espagne est sous haute surveillance par les influentes ONG pro-Front Polisario.

Madrid lance un appel à Rabat

En Espagne, les premières réactions de condamnation de cette nouvelle vague de répression marocaine contre les populations civiles sont virulentes. Outre les organisations civiles, le Parti populaire a qualifié, hier, de très grave l’assassinat du jeune Sahraoui et la répression qui s’est abattue depuis lundi sur les populations locales.

La brutalité de Rabat a mis mal à l’aise la nouvelle ministre espagnole des Affaires étrangères, Mme Trinidad Jimenez, aussi pro-marocaine son prédécesseur à ce poste, Miguel Angel Moratinos. Depuis le Luxembourg, où elle assistait aux travaux du Conseil européen des MAE, Mme Jimenez, «a demandé aux autorités marocaines d’entretenir des contacts avec les organisateurs du camp de protestation sociale pour éviter toute dérive de violence».

Un appel qui est intervenu trop tard, apparemment, puisque le climat de tension ne cesse d’augmenter à Al Ayoune, d’où il risque de s’élargir à tout le territoire sahraoui. «Il faut s’attendre à présent à ce que le Maroc sortira alors sa vieille recette du complot» algérien, fait observer un militant de Ceas, l’ONG qui milite activement pour la cause sahraouie. A cette campagne, Mourad Medelci semble avoir déjà répondu par anticipation, lundi, lors de l’émission «Questions d’actu» de Canal Algérie :

«Le processus de décolonisation du Sahara occidental continue de se heurter à de graves obstacles (dressés par le Maroc), malgré la pertinence des résolutions du Conseil de sécurité.» Pour Efe, l’Algérie a des arguments qui se tiennent puisqu’elle «a toujours soutenu le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, un principe que les autorités algériennes ont rappelé, une fois de plus, à Christopher Ross, lors de sa dernière tournée maghrébine».
Par Hamid A

Le Temps d’Algérie, 26/10/2010

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