C’est, en effet, grâce à l’effort de nos élus, à l’assemblée nationale française, que notre projet d’état-nation prit initialement corps ; et ce, avant même le vote de la Loi-cadre devant mener les pays de la sous-région à l’autonomie interne.
Qualités si bien incarnées par le tempérament et l’esprit de conciliation de notre premier président, Mokhtar Ould Daddah, et la compétence de ses divers collaborateurs.
Pour ce faire, ils mirent à profit leur meilleur atout intellectuel en la matière : l’alliage de la verve bédouine à la sagesse africaine. En effet, l’osmose des valeurs de notre culture nomade avec les vertus de nos traditions africaines sédentaires cimentait notre unité de rang devant nos adversaires et stimulait notre désir de libération et notre pouvoir de conviction.
La finesse d’hommes comme Ahmed Baba Ould Miske, Abdellahi ould Daddah et Bocar Alpha Ba cristallisaient ces valeurs intrinsèques, indispensables en diplomatie, de notre vaste répertoire culturel : la culture de la patience, la douceur du tempérament, la subtilité du verbe et le sens de l’entregent. La longue parenthèse militaire, l’’interlude Ould Tayaa en particulier, a, hélas, gravement abîmé ce trésor national.
Trois épisodes de notre histoire récente illustrent ce déficit de bon sens et cette dégradation du niveau de nos diplomates :
· L’attitude de Monsieur Jebril Ould abdellahi en 1989 au Sénégal.
· Le comportement, plutôt ingrat, de notre mission diplomatique au Caire lors de la réunion de la ligue arabe consacrée à l’invasion du Kuwait par l’Iraq.
· La reconnaissance injustifiée de l’état d’Israël par le gouvernement de Maouiya Ould Tayaa.
Les directives de notre leadership politique à l’époque, aggravées par les turpitudes de ses diplomates, ont sérieusement porté atteinte à l’intérêt national de notre pays en lui causant des torts inutiles. Eussions-nous eu, à l’époque, un ministre des affaires étrangères de l’envergure d’un Hamdi Ould Mouknass que les choses auraient tourné en un sens moins défavorable à notre peuple !
Si la lutte contre la corruption et le népotisme constitue une nécessité pour la reforme de notre Administration, une élévation du niveau général de notre corps diplomatique s’impose de rigueur.
En partant de la présomption qu’une reforme des structures de l’état est en cours de réalisation, on peut émettre le vœu de voir incluse, dans cette effort de modernisation institutionnelle, une stratégie de professionnalisation de notre corps diplomatique et sa mise en adéquation par rapport aux exigences de la modernité. Laquelle nécessite, bien sur, au préalable, une amélioration des méthodes de formation disponibles (L’ENA en particulier) et une élévation des critères de sélection de nos représentants à l’extérieur.
Entretemps, il est nécessaire d’élaborer une nouvelle stratégie pour notre diplomatie pour mieux l’aider à affronter les défis multiples d’aujourd’hui. Pour commencer, en voici une ébauche succincte de plan qui mérite, toutefois, d’être approfondie :
Un ambassadeur sera d’autant plus productif et enclin à faire son travail s’il sait, d’avance, que sa nomination (ou affectation) n’est pas sujette à un critère d’évaluation subjectif. En d’autres termes, elle ne relève pas du caprice ou de l’humeur erratique d’un supérieur hiérarchique, mais procède plutôt du choix stratégique et raisonné d’un gouvernement qui réfléchit et planifie sur le long terme.
Accorder aux diplomates une certaine marge de manœuvre dans l’accomplissement de leurs tâches est une mesure à même de leur donner de l’assurance en leur permettant d’agir, en toute confiance, de manière proactive, sans obstacle psychologique. Ils appliqueraient d’autant mieux les prescriptions ou directives de leur tutelle s’ils se sentent libres de prendre de l’initiative sans restriction ni contrainte hiérarchique.
Motiver les raisons de limogeage et de disgrâce pour permettre aux diplomates de réviser les erreurs et prendre conscience de leurs limites.
2. Une meilleure coordination entre les ambassades et leur autorité de tutelle.
Encourager l’échange et la communication entre les différents cabinets et services concernées sans faire entorse aux règles protocolaires et hiérarchiques car une meilleure coordination entre nos ambassadeurs et leurs autorités de tutelle (Ministère des affaires étrangères etc.), en matière de choix d’affectation ou de nomination des conseillers et autres collaborateurs, est de nature aider à stimuler les capacités de travail de nos chancelleries et en accroitre l’efficacité.
Encourager nos hauts diplomates à s’imbiber des cultures locales, à en connaitre les us et coutumes, à en apprendre les langues, les traditions en même temps que les systèmes de production économiques et modes de fonctionnement politiques.
Mieux, les initier aux méthodes modernes de collecte et de vérification de l’information. Leur faire comprendre que le sésame en matière de renseignement est : la méthode de diversification des contacts. Se fier à une source unique, même bien placée, est souvent un handicap car une information, pour être crédible, a besoin d’être bien filtrée et intelligemment recoupée. D’où l’importance d’un service d’intelligence qualifié.
Valoriser l’expérience de nos doyens diplomatiques en faisant appel parfois à leurs conseils, en sollicitant, si besoin est, leurs avis sans considération aucune pour leurs allégeances politiques antérieures pourvu que leurs contributions puissent servir l’intérêt du pays.
4. Adopter une attitude de neutralité dans les conflits régionaux.
Il est de notre intérêt suprême d’adopter une position de neutralité dans les conflits sous-régionaux, celui du Sahara occidental en particulier. On doit, en permanence, se rappeler qu’on ne fait pas partie de ce conflit. Une position pa
rtisane est, donc, ici, contraire aux intérêts vitaux de notre pays. Comme par le passé, il importe de concevoir nos relations par rapport à cette épineuse question dans une optique d’équilibre équidistant entre les belligérants.
On doit mettre à profit nos rapports d’affinités culturelles et ethniques avec nos frères Sahraouis et nos bonnes relations avec le Maroc pour servir de courroie de transmission et si, besoin est, d’intermédiaire dans cette dispute fratricide. Le maintien de bons rapports avec nos voisins algériens est une condition sine qua non pour pouvoir jouer ce rôle de liaison.
Rapprocher les points de vue de nos deux grands voisins sans ouvertement prendre partie pour l’un ou l’autre, telle, me semble, la meilleure stratégie à adopter pour notre pays. Nous n’avons pas les moyens d’agir autrement.
Respecter la souveraineté de nos voisins et leur intégrité territoriale en escomptant la réciprocité, c’est là, aussi, une loi cardinale des rapports internationaux entre états qu’il importe de respecter et promouvoir dans notre voisinage immédiat et au-delà.
Qu’il s’agisse de la lutte contre le terrorisme, l’immigration clandestine, la drogue ou la criminalité transfrontalière en général, il convient, absolument, d’opter pour une stratégie de lutte collective. A ce titre, il est nécessaire de gagner la confiance et la solidarité des autorités maliennes pour relever certains des défis auxquels nous faisons face ensemble en ce moment. Entreprendre des expéditions militaires sur leur territoire sans leur aval constitue une maladresse qu’il importe d’éviter dans l’avenir.
Travailler à consolider la coopération sous-régionale, inter-islamique et interafricaine en promouvant, avec force, le principe de subsidiarité entre le monde arabe et africain dans les instances internationales.
Sensibiliser nos hauts diplomates sur l’importance de la coopération Sud-sud et son importance pour le développement économique et l’indépendance politique de notre univers arabo-africain ; œuvrer, en particulier, au renforcement de nos liens politiques et économiques avec les nouveaux pôles de développement du Sud : Turquie, Brésil, Malaisie, Afrique du Sud, Iran…
Dans cette logique, il convient de faire sienne la devise extraordinaire du ministre des affaires étrangères de Turquie Ahmet Davutoglu : « zéro problème avec les voisins » ; et de méditer, avec intérêt, la remarquable vision panafricaine de l’ex- président sud-africain Thabo Mbeki.
Last but not least : veiller à la sécurité de nos ressortissants et de leurs biens est une priorité à inscrire au chapitre des préoccupations de nos ambassades. Pour ce faire, il convient de maintenir un contact permanent avec les membres de la diaspora, à travers un meilleur usage des moyens de communication modernes, la publication, si possible, de bulletins de liaisons, la créature de sites internet et surtout les tournées de prospection auprès des compatriotes pour s’informer de leurs problèmes, s’enquérir de leurs situations et, le cas échéant, leur offrir l’aide possible.
Telles sont quelques suggestions, incomplètes, certes, mais importantes pour donner à notre diplomatie les outils nécessaires à même de lui permettre d’accomplir de la meilleure façon la mission qui est la sienne et de nous aider plus efficacement à relever les défis énormes auxquels nous faisons face aujourd’hui.
Mohamed El Mokhtar Ould Sidi Haiba
ouldsidihaiba2000@yahoo.fr
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