La volte-face du roi du Maroc

Après avoir ouvert les portes du palais aux négociateurs sahraouis, le souverain chérifien les traite aujourd’hui d’ennemis de l’intégrité territoriale.
Lorsque le défunt roi Hassan II avait chargé le prince héritier de mener des négociations secrètes au mois de septembre 1996, le ton était à la courtoisie. Si l’histoire ne dit pas si la délégation menée à l’époque par Bachir Mustapha Sayed, membre du secrétariat national du Polisario, chargé des organisations politiques, (frère cadet du chahid El-Ouali Moustapha Sayed, premier secrétaire général du Front Polisario, tombé au champ d’honneur la 9 juin 1976) avait été reçue avec tous les honneurs, il n’en demeure pas moins qu’il ressortait des discussions un respect réciproque évident même si, déjà, l’heure n’était pas aux concessions. «Pour le peuple sahraoui, les acquis, c’est le sentiment national, chaque famille a consenti des sacrifices…Notre organisation politique – quelle que soit sa dimension – il y a aussi des acquis diplomatiques…

C’est une réalité nationale, régionale et internationale. Soyez confiant, Prince Héritier, de notre volonté de travailler avec vous…Nous offrons une indépendance dans l’interdépendance, construire le Maghreb, à travers lequel les questions de souveraineté seront réglées…pour franchir des étapes ensemble. Si on trouve une garantie de vous et de votre père et si les réalités précitées sont prises en compte et non marginalisées, on peut céder dans tout le reste», avait proposé Bachir Mustapha Sayed au futur souverain marocain. «Je n’ai pas de prérogatives pour prononcer le mot «indépendance «pour être franc. Les discours de S.M. (Hassan II, Ndlr) diffusés dans différentes occasions rapportent que le Maroc est dans une phase de régionalisation. On ne sait pas ce qui arrivera dans cette régionalisation. Et ensuite, je ne peux pas parler d’indépendance», lui avait rétorqué le prince héritier. «Si vous me dites d’abandonner nos acquis, c’est me dire de me rendre et de lever les mains. Mais avec votre grande intelligence, votre sagesse et si nous partons de cette recette: le Plan des Nations unies (indépendance ou intégration), si on les réunit, donne indépendance dans l’interdépendance. C’est l’offre la plus généreuse. Une nouvelle fois, je respecte votre point de vue mais on peut raccourcir la route. S’il n’y a pas de barrière, d’exclusion à l’indépendance, le reste, on peut le donner…relations spécifiques. Si c’est possible, je demande que le côté amitié, franchise et confiance, ne soit pas altéré», a fait remarquer le responsable de la délégation sahraouie. «Je connais vos problèmes et, de votre côté, vous devez prendre en considération les réalités de notre pays. On a discuté hier de la région. Celui qui n’a pas quelque chose ne peut pas le donner. Je ne peux pas parler d’indépendance. Mais on doit continuer», a suggéré le futur Mohammed VI qui a laissé ouvertes les portes du dialogue. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts.

Le roi du Maroc a fait volte-face. Il a décidé d’annexer et de mettre sous son aile le Sahara occidental. «Nous avons présenté une initiative audacieuse pour régler le conflit régional suscité autour de la marocanité de notre Sahara, en l’occurrence, la proposition d’autonomie de nos provinces du Sud, dans le cadre de la souveraineté du Royaume du Maroc, de son unité nationale et de son intégrité territoriale», a déclaré Mohammed VI dans un message adressé aux participants au Forum économique mondial pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient qui s’est déroulé à Marrakech au mois d’octobre 2010. Les portes du dialogue sont-elles définitivement closes? On le saura à partir de demain. Le Front Polisario et le Maroc entameront un quatrième round de négociations informelles le 16 décembre à Greentree dans la banlieue de New York sous l’oeil attentif de Christopher Ross.

En participant à une réunion secrète avec le Front Polisario, Mohammed VI lui a reconnu, de fait, le statut incontournable de représentant légitime du peuple sahraoui.
Mohamed TOUATI
L’Expression, 15/12/2010 

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