Abdelilah Issou : « J’ai fui le système absolutiste du Makhzen ! »

Abdelilah Issou. Officier marocain devenu transfuge pour les Espagnols
« J’ai fui le système absolutiste du Makhzen ! »

Par
Chahredine Berriah
Que s’est-il passé dans l’esprit de ce jeune lieutenant de Mohammed VI ce jour où il décida de se retourner contre son pays en offrant ses services au contre-espionnage espagnol ? Il se livre en exclusivité à El Watan Week-end. Vous êtes ce qu’on appelle un transfuge. Pourquoi avez-vous décidé de « vendre » votre pays aux étrangers ?

Comme tout le monde sait, le Maroc est gouverné par une monarchie absolutiste, féodale et anachronique. Et son armée est une institution pourrie et définitivement corrompue qui reflète ce qu’est le système makhzénien. Ayant servi durant presque toute ma courte carrière (1988-2000) en Zone Sud (ex-Sahara occidental), j’ai été témoin de ce que souffre dans sa chair la troupe affectée là-bas, et de ce qu’est (ou était), la situation opérationnelle. Troupe mal nourrie, mal vêtue, mal équipée, mal instruite, démotivée, droguée…, et ce, malgré l’énorme budget et les moyens colossaux mis à la disposition du général Abdelaziz Bennani.
J’ai essayé, dans la mesure du possible, de dénoncer cette situation en demandant, par voie hiérarchique, audience aux commandants des sous-secteurs où j’ai servi (Amgala et Gueltet Zemmour), du secteur de Saguia El Hamra, de la Zone Sud, et finalement, même une audience au roi, mais sans suite. Et pour avoir osé demander à voir le général ensuite le roi, je fus harcelé sans motif par mes chefs de corps, retardé dans mon avancement et ma carrière sabotée. Bref, un enfer. C’est alors que l’idée de donner un grand coup de boutoir au système commença à germer dans ma tête. J’étais convaincu que ce que j’allais faire ne serait pas une trahison sinon une résistance légitime contre un régime dictatorial, donc illégitime.
Lors d’une permission, j’ai contacté un officiel du consulat d’Espagne à Tétouan, ma ville natale. Il a accepté de me rencontrer et ainsi commença l´épisode de ma collaboration avec Centro National de Intelligencia, les services de renseignement espagnols.
Oui mais, après avoir choisi de travailler pour le compte des services secrets espagnols, vous vous êtes retrouvé seul sans protection, ni ressources…
Je dirais simplement que l’attitude du CNI est due essentiellement à un manque de professionnalisme, et le fait qu’ils aient perdu par la suite sept agents en Irak en une seule embuscade le démontre clairement… Ils auraient mieux fait de m’éliminer, je vous assure… Juste avant d’abandonner le Maroc, nous nous sommes réunis avec mon contact, l’attaché de presse au consulat de Tétouan à l’époque, José Maria De Liñers (d’origine basque, marié et père de 2 enfants), accompagné d’un autre agent, dans une chambre à l’hôtel Ulisses, à Ceuta, pour les convaincre du fait que la Sécurité militaire et la DST me tenaient dans leur ligne de mire. J’avais été informé par un ami intime, officier de la DST. C’estt grâce au courage de cet homme que je suis toujours vivant… C’est la première fois que je dévoile cette information. J’ai donc expliqué à ces messieurs ma situation, mais ils ont cru que je paniquais et m’ont conseillé de rentrer au Maroc et de rejoindre mon unité, sans plus. J’ai donc dû passer de Ceuta à Algesiras par mes propres moyens, et une fois ici en Espagne, demandé l’asile politique, qui me fut octroyé sans problème…
Vous avez fini par être démasqué, avez-vous une idée sur celui qui vous a donné ?
J’ai été informé de l’identité de celui qui m’a vendu au 2e bureau (contre-espionnage militaire). Il s’agit d’un certain sous-lieutenant, affecté au Centre d’instruction de Kasbet Tadla, neveu d’un haut gradé de la Garde royale, et qui faisait partie du réseau que j´avais commencé à construire.

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