Quand on attend du criminel qu’il enquête sur son crime

Les pays occidentaux dont des ressortissants faisant partie du convoi de l’organisation humanitaire World Central Kitchen anéanti par une frappe israélienne, il y a de cela deux jours, ont protesté auprès du gouvernement d’Israël, d’autant plus vivement qu’ils sont des alliés de celui-ci. Leurs responsables ont convoqué les représentants d’Israël sur leur sol, dans un geste qui se voulait fracassant, mais qui en réalité était seulement pour la galerie, autrement en effet leurs propres opinions ne comprendraient pas que des citoyens du monde libre soient tués à Ghaza comme s’ils étaient des Palestiniens. Si World Central Kitchen n’employait que des Palestiniens, et qu’Israël se soit appliqué à les sortir du tableau, comme il a fait des travailleurs d’autres organisations humanitaires, ceux de l’UNRWA en particulier, dont il a déjà liquidé 400, cela serait déplorable sans doute, critiquable même, mais qu’il n’épargne pas même les ressortissants de pays plus qu’amis, alliés, voilà qui est troublant ; mieux, révoltant. Ces pays très mécontents d’avoir été ciblés par Israël en la personne de leurs ressortissants assassinés, car en l’occurrence c’est là le mot qui convient, n’ont pas fait que convoquer les représentants israéliens, ils ont exigé une enquête rapide et rigoureuse sur les circonstances du crime, sur ses tenants et ses aboutissants.

Des Etats en principe très à cheval sur les questions de droit, mais qui trouvent normal de demander au criminel d’enquêter sur son crime, et de leur faire connaître ses conclusions, dont ils se contenteront, parce qu’elles seront celles d’un Etat de droit comme eux. Vous voulez une enquête ? Qu’à cela ne tienne, en voici déjà le résultat : l’attaque a été une tragique erreur, et Israël fera en sorte qu’elle ne se reproduise pas. Telles ont été en substance les premières, et probablement les dernières leçons tirées de ce douloureux incident, formulées en toute transparence par le chef d’état-major de l’armée d’Israël dans l’heure qui a suivi. Maintenant, on peut toujours se demander quelle aurait été la réaction des Etats-Unis si au nombre des morts il y avait aussi des Américains. Cette question se pose d’autant plus que le président américain a été plus critique envers Israël, en disant que celui-ci n’avait rien fait pour la protection des travailleurs de l’aide humanitaire, que les pays frappés par le crime. Il n’a pas été jusqu’à suggérer qu’en fait c’était le coupable qui les a tués, mais enfin, c’est ce que serait tenté d’entendre un antisioniste ordinaire de ses propos. Biden, en effet, n’a pas dit qu’Israël était entièrement étranger à ce crime. Il n’a pas fait suffisamment pour la protection des humanitaires, cela peut vouloir dire qu’il les a laissés à la merci d’une erreur sanglante, qui à Ghaza ne peut être commise que par lui. Si même en n’ayant pas de ressortissants dans le nombre des victimes, le président américain n’a somme toute pas entièrement mis hors de cause Israël dans cette affaire, de quoi ne l’aurait-il pas accusé si des citoyens américains en faisaient partie ? Une éventualité d’autant moins lointaine que World Central Kitchen est basée aux Etats-Unis. Les responsables israéliens ont assuré leurs alliés que des «erreurs» de ce genre ne se reproduiront pas. Et pour cause, les organisations humanitaires autres que l’UNRWA ont déjà quitté Ghaza. La dernière à s’y trouver encore vient de décider de s’en aller à son tour.

Erreur

COMMENTAIRE PAR FOUZIA MAHMOUDI

Alors que de plus en plus de voix s’élèvent en Occident, même parmi les plus fervents soutien d’Israël pour dénoncer les méthodes de l’État hébreu, en guerre frontale avec le Hamas suites aux attentats du 7 octobre dernier, le gouvernement israélien semble décidé à maintenir le cap coûte que coûte. Toutefois, la mort ce lundi d’humanitaires occidentaux à fait réagir l’executif hébreu. L’armée israélienne a ainsi qualifié de «grave erreur» hier, la frappe qui a tué sept collaborateurs de l’ONG humanitaire World Central Kitchen (WCK) dans la bande de Ghaza, un drame qui suscite la consternation internationale. C’est «une grave erreur qui n’aurait pas dû se produire», a déclaré le chef de l’état-major israélien, Herzi Halevi, dans un message vidéo, évoquant «une mauvaise identification» dans des «conditions très complexes». Mardi, le président d’Israël, Isaac Herzog, avait présenté ses «excuses sincères» et fait part de sa «profonde tristesse» pour cette frappe, que le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, a qualifiée de «non intentionnelle» et de «tragique». Basée aux États-Unis, l’ONG World Central Kitchen, l’une des rares qui opéraient encore dans le territoire palestinien dévasté par près de six mois de guerre entre Israël et le Hamas palestinien, a annoncé «suspendre ses opérations dans la région» après la frappe survenue lundi à Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Ghaza. Plusieurs pays et organisations, dont l’ONU qui a dénoncé un «mépris du droit humanitaire international», ont condamné cette frappe, la plus mortelle à avoir touché du personnel humanitaire international depuis le début de la guerre. Le président américain, Joe Biden, s’est même dit, mardi, «indigné» et «le cœur brisé», estimant qu’Israël ne protège «pas assez» les volontaires venant en aide à la population palestinienne «affamée». «C’est inadmissible. Mais c’est le résultat inévitable de la façon dont la guerre est menée», a relevé pour sa part le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, répétant son appel à un cessez-le-feu immédiat, à la libération des otages et à l’entrée de l’aide humanitaire à Ghaza. La mort des sept membres de World Central Kitchen porte le nombre total de travailleurs humanitaires tués lors de ce conflit à 196. «J’ai le cœur brisé et je suis consternée que nous, World Central Kitchen et le monde, ayons perdu de belles vies aujourd’hui à cause d’une attaque ciblée des forces israéliennes», a déclaré la présidente de WCK, Erin Gore. Depuis le début de la guerre, WCK a participé aux opérations humanitaires en fournissant des repas dans le territoire palestinien, où la majorité des quelque 2,4 millions d’habitants sont menacés de famine, selon l’ONU. Elle a aidé à l’envoi d’un premier bateau d’aide depuis Chypre via un couloir maritime vers Ghaza mi-mars. Alliés historiques d’Israël, les États-Unis ont réclamé une enquête «rapide et impartiale». Le Royaume-Uni a convoqué, mardi, l’ambassadeur d’Israël pour exprimer sa «condamnation sans équivoque». Le Premier ministre australien, Anthony Albanese, a pour sa part indiqué, hier, avoir fait part à Benyamin Netanyahu de la «colère» du peuple australien «face à cette tragédie». Toutefois, l’exécutif américain n’a pas utilisé ce tragique évènement pour demander à Israël de procéder à un cessez-le-feu, même temporaire, alors que de nombreux responsables politiques démocrates tentent de faire pression sur l’administration Biden pour réclamer un arrêt de l’offensive israélienne. La question de la guerre au Proche-Orient risque ainsi d’être pour l’équipe de Biden un sujet épineux, beaucoup parmi le jeune électorat qui l’a aidé à gagner en 2020 faisant désormais de la cause palestinienne une des clés de voûte de leur engagement présent.

Le Jour d’Algérie

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