«Le baiser de la mort»

Chaabane BENSACI

L’adoption en France du projet controversé de loi sur l’immigration, dont le président Emmanuel Macron avait fait un enjeu crucial de son second mandat, apparaît comme une «victoire idéologique» de l’extrême droite sans le soutien de laquelle le texte n’aurait pu revenir sur le pupitre de l’Assemblée nationale. Rejeté la semaine dernière et objet d’un feuilleton législatif agité pendant des mois, il a obtenu l’aval du Parlement, mardi, après un durcissement brutal des conditions d’accueil des étrangers en France. Il a de quoi justifier l’enthousiasme de Marine Le Pen qui considère, non sans légitimité, que son parti obtient «une victoire idéologique» lourde de conséquences pour le pays. Le problème est que ce vote inattendu a aussitôt provoqué une grave crise politique au sein même de la majorité présidentielle dont les divers courants commencent déjà à s’invectiver. Largement validé au Sénat, le projet a obtenu 349 voix pour sur 573 à l’Assemblée nationale, 186 élus ayant voté contre. Parmi ces derniers, 59 ont signifié leur rejet de la démarche de sorte que la majorité commence à traverser une période douloureuse, de plus en plus de députés estimant que le soutien du Rassemblement national (RN, extrême droite) n’est rien d’autre qu’un «baiser de la mort», selon un macroniste chevronné. Conscient des risques annonciateurs d’une tempête sans précédent, Emmanuel Macron devait prendre la parole hier soir tandis que son ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin, se félicitait de l’adoption d’une loi «forte et ferme» de nature, selon lui, à garantir «la protection des Français». Les diverses mesures contenues dans ce nouveau texte de loi sont, en effet, autant de couperets pour les communautés immigrées qui doivent faire face, désormais, à la «préférence nationale», notamment en matière de droits sociaux. Plusieurs de ces mesures sont, cependant, sujettes à caution dans la mesure où elles se heurtent aux dispositions constitutionnelles, auquel cas il est plus que probable que le texte adopté risque fort de revenir à la case départ au terme de son examen par le Conseil constitutionnel! Compte tenu du fait que plusieurs ministres avaient déjà menacé de quitter le gouvernement en cas d’adoption du projet de loi, la Première ministre a du souci à se faire, même si elle estime qu’il « n’y a pas de crise» au sein de la majorité. Quant au chef de l’État dont la France, toutes tendances confondues, attendait hier soir le discours sur une victoire empoisonnée, il lui faudra répondre à tous ceux qui l’accusent de faire voler en éclats le front républicain, lui qui avait promis de «faire barrage à l’extrême droite».

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