Maroc : Recherche d'un nouveau "rempart"

Le Rif est une de ces contrées escarpées du Maroc qu’aucun pouvoir n’a réussi à soumettre. Réfractaire à toute autorité centrale, le Rif a de tout temps fait honneur à sa réputation de bastion de la résistance.

Le Rif, peuplé par les grandes confédérations des tribus berbères du Moyen Atlas, n’a de cesse de donner du fil à retordre aussi bien au Makhzen qu’aux envahisseurs espagnols et français. Non sans subir à chaque fois leurs châtiments les plus barbares. Les plus récents sont l’œuvre de la monarchie alaouite. En 1984, plusieurs villes du Nord (Tétouan, Nador, Al Hoceima, Tanger, etc) feront les frais d’une répression à grande échelle. Entre 1956 et 1959, le prince Moulay Hassan (futur Hassan II) prendra lui-même la tête d’une expédition punitive contre les rebelles rifains, les « Apaches » comme il les désignait à l’époque. La révolte « républicaine » des Rifains, née des purges opérées au lendemain de l’indépendance en 1956 par le parti de l’Istiqlal contre les membres de l’Armée de libération nationale (ALN) est écrasée dans le sang. Le roi donnera l’ordre de bombarder au napalm les villages et les souks des insurgés rifains. Le massacre fera entre 5000 et 8000 morts, selon les données compilées par l’Instance Equité et Réconciliation, en 2005.

Dans l’espoir de tourner cette page noire du régime, au lendemain de son intronisation, en juillet 1999, le roi Mohammed VI avait consacré son premier déplacement aux « provinces du Nord » pour faire oublier l’idéal incarné dans les années 1920 par Abdelkrim Al Khettabi, fondateur de la République du Rif. Mais les prétentions autonomistes (ou séparatistes) du Rif font toujours trembler le trône alaouite. Le Parti Démocratique Amazigh Marocain, PDAM, a tenu son Congrès constitutif le 31 juillet 2005 et a déposé son dossier auprès de la Wilaya de Rabat le 10/08/05. Le Ministère de l’Intérieur a déposé, le 06/08/2007, à la veille des élections législatives, une plainte auprès du Tribunal Administratif de Rabat pour la dissolution de ce parti. Ce dernier a décidé d’annuler la constitution du PDAM jugé en situation illégale. La décision du tribunal repose sur les dispositions de l’article 4 de la loi sur les partis qui considère comme « nulle et de nul effet » toute constitution de formation politique fondée sur une cause ou en vue d’un objet contraire à la Constitution ou sur une base religieuse, linguistique et ethnique. Chakib Ben Moussa, a déclaré que le PDAM est un parti « illégal et raciste », et que ce genre de parti n’est pas acceptable selon les lois Marocaines. Il a utilisé tous les moyens pour interdire la constitution du PDAM. Ses autorités ont refusé de donner les récépissés aux sections du PDAM partout au Maroc. Ils ont attaqué ses membres à Tiznit après l’interdiction de la conférence de M. Adgherni. Ils ont interdit le congrès national du PDAM à Marrakech. Ce qui signifie que l’action de M. Ben Moussa est une action envers les Imazighens et leurs droits de constituer des partis politiques surtout après la déclaration historique du PDAM demandant le boycot des dernières élections.

Malgré l’interdiction des partis identitaires, des nombreuses associations amazighes occupent le terrain politique et prêchent lors de meetings, marches imposantes et séminaires, les vertus de l’autonomie. Surtout que la conjoncture s’y prête. Les militants pour l’autonomie du Rif prennent au mot le roi Mohammed VI, qui proposait dans sa tablette des réformes territoriales une « régionalisation avancée » pour les provinces du Maroc et le statut d’autonomie pour le Sahara occidental.

Les militants du mouvement amazigh sont convaincus de la justesse de la revendication autonomiste. Les raisons sont d’abord économiques : Chômage, drogue, contrebande, répression policière… Le quotidien des Rifains est loin d’être enviable.

Récemment, le 24 juin 2009, Chakib Khayari, le militant associatif et président de l’Association Rif des Droits de l’Homme emprisonné depuis le 18 février, a été condamné à 3 ans de prison, et 735.000 Dhs d’amende. Il était poursuivi pour « atteinte à corps constitués, infraction au code des changes et dépôt de fonds dans une banque étrangère sans autorisation ». Il avait « surtout discrédité les efforts déployés par l’état dans la lutte anti-drogue ».

Cependant, il y a une association récemment créée qui bénéficie, curieusement, des faveurs du palais: L’Association Souss Alaalima pour l’Amitié entre Juifs et Amazighs. Ses preparatifs ont commencé en 2007 et son congrès constitutif célébré le 24 juillet 2009 avec la participation de plusieurs acteurs de la société civile au Maroc. Son but: renforcer les liens d’amitié et de coopération existants entre les amazighs et les Juifs. D’après l’un des initiateurs de ce projet, Boubaker Oudaadid, un enseignant de langue allemande vivant à Casablanca, le principal objectif de cette Association judéo-berbère sera de “lutter contre l’antisémitisme régnant au Maroc et développer la culture amazighe chez les Juifs berbères résidant en Israël”.

Dans une interview avec Al Jazeera TV, le Secrétaire général du PDAM interdit, Ahmed Dgharni, a déclaré qu’il « ne voit aucun motif qui pourrait empêcher de normaliser les relations avec Israël ». D’autre part, l’Activiste Amazigh Abdellah Oubari de l’Association Souss Al Alima voit que la création d’une association juive amazigh est un accomplissement de l’appel des Etats-Unis aux pays islamiques pour normaliser leurs relations avec Israël et insiste pour que le Maroc le fasse.

La date des préparatifs de cette association, début 2007, dit long sur le but de sa création qui a dû attendre 2009 pour sortir à la lumière.

En 2007, selon RITIMO, un réseau d’information pour le développement et la solidarité internationale, c’était le dernier rebondissement de la diplomatie marocaine qui a été provoqué par la nouvelle du projet américain de mettre en place un Commandement Militaire Unifié pour l’Afrique (Africom). Voulu par G. Bush, Africom devrait constituer le rempart contre les groupes terroristes qui commencent à inquiéter les intérêts américains dans le continent africain. Les responsables militaires ont déjà pressenti plusieurs pays pour y installer Africom, ce qui suppose des centaines de soldats et des installations militaires. Certains pays, tels l’Algérie et l’Afrique du Sud, ont refusé catégoriquement alors que, selon des sources américaines, le Maroc se serait porté volontaire contre un soutien au plan marocain pour le Sahara Occidental. Mais Bush, à la fin de son mandat ne pouvait pas accepter une telle demande.

La Guerre Froide finie, la guerre de Bush contre le terrorisme discréditée, le Maroc n’est plus un rempart ni contre le communisme ni contre le terrorisme. Il s’avère vital de trouver une autre couverture pour attirer le soutien américain à l’autonomie marocaine. L’échec de l’idée de l’Africom a poussé les autorités marocaines à penser à d’autres « offres » : « Le Maroc rempart contre le courant chiîte et le Chavisme vénézuélien ». De là, la décision de rompre les relations diplomatiques avec ces deux pays. La création de cette nouvelle association amazigho-juive vient dans le contexte de cette aproche destinée à renvoyer l’image d’un Maroc capable de jouer un rôle trascendental dans le conflit arabo-israélien.

La missive adressée par Barack Obama au roi Mohamed VI indique clairement que le nouveau locataire de la Maison Blanche tourne le dos à la politique traditionnelle de son pays dans le dossier du Sahara occidental.

Le seul soutien qui reste au Maroc sont les lobbys juifs qui devront s’activer dans les prochains jours à Washington dans le but de forcer la main à l’administration d’Obama dans l’affaire du Sahara Occidental. La nouvelle association devrait s’activer dans ce but, surtout si on tient compte que les militants amazighs ont peu de sympathie pour le Front Polisario et les sahraouis qu’ils considèrent comme des amazighs renégats.

Les militants amazighs ne doivent pas se laisser emballer par cette association. Une fois son but atteint, la répression contre le courant amazigh reprendra de nouveau et, comme d’habitude, sans pitié.

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