Lors d’un discours solennel, le roi du Maroc Mohammed VI avait annoncé le 3 janvier 2010 à Marrakech le chantier d’une « régionalisation avancée » du pays. C’était un discours non programmé, de ceux qui sont rares, pour annoncer l’installation d’une commission annoncée six mois avant.
Certains milieux, parmi eux la mouvance amazigh, ont commencé à rêver d’un modèle de landes allemand, cantons suisses ou de gouvernement locaux avec une large autonomie comme en Espagne ou même d’un modèle à l’américaine. Ils se voyaient les précurseurs des « Etats-Unis du Maroc ».
Quarante-cinq jours après, le Cabinet Royale leur sort que « Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, a bien voulu accéder à la requête de la Commission consultative de la régionalisation (CCR) et décidé de proroger jusqu’à la fin de l’année en cours le délai qui lui a été accordé pour conclure ses travaux ». Quelle générosité ! Quelle grandeur d’âme !
Décidément, les autorités de Rabat prennent les citoyens marocains pour des imbéciles. C’est une nouvelle qui a failli passer inaperçue. Evidemment, la presse marocaine qui ne sait qu’applaudir au rythme des chansons du palais royal, n’en fera aucun commentaire.
Rappelons que le timing choisi pour l’installation de la CCR n’est pas hasardeux. Le discours est arrivé juste après la débâcle produite par l’expulsion d’Aminatou Haidar dans le but de cacher sa défaite dans cette affaire et esquiver la demande de plus en plus pressante du peuple marocain pour la réforme de la Constitution et la démocratisation véridique du pays.
La théorie des conseillers du roi Mohamed VI stipule que « si vous voulez pourrir n’importe quel projet, n’importe quelle aspiration légitime du peuple, il faut lui créer une commission ou mieux encore une multitude de commissions mais qu’elle soient surtout consultatives et non décisionnelles et qui produisent une littérature abondante et redondante confectionnée dans des rapports makhzéniens interminables ».
C’est l’enjeu principal du Makhzen : Gagner du temps exactement comme faisait Shéhérazade en inventant les contes des Milles et Une Nuits.
Les promesses du Makhzen sont innombrables, des commissions pour les droits de l’homme, IER, IRCAM…qui n’ont rien donné sur le terrain. Comme des tours de magie, on les ressort à chaque fois que le Makhzen ressent le besoin.
La rapidité avec laquelle on a annoncé la prorogation du délai de la commission est la preuve que les conseillers du roi Mohamed VI, se sont, encore une fois, précipités. Le, comme dans l’affaire Haidar, se trouve sous la totale emprise de ses conseillers jusqu’au point de bouleverser l’image qu’il avait donnée de son règne.
Personne ne peut diriger un pays sans avoir des conseillers qui ont de compétences dans les différents domaines. Personne ne peut avoir toutes les compétences du monde par science infuse et prétendre pouvoir décider de tout sans l’avis de quiconque, mais avoir les mêmes conseillers que son père, c’est rester dans l’âge révolu.
Ces conseillers sont de brillants psychologues et 35 ans de travail avec feu le roi Hassan II leur ont fait bien connaître les cœurs des marocains, leur bonne foi, leur innocence et leur amour pour leur pays. Des belles qualités bien exploitées par les gouvernants de Rabat pour laisser le peuple plongé dans un monde de rêve, loin de la réalité.
Le Makhzen a perdu la partie du Sahara et il n’a aucun moyen de se défendre si ce n’est la fuite en avant. L’autre partie, celle de l’image d’un Maroc prospère et moderne, capable de jouer un rôle dans la région, s’est effondré sous l’effet des mauvais conseils donnés au roi : la répression, les violations des droits de l’homme, la corruption, la pauvreté, l’analphabétisme…
L’ambassadeur de l’UE au Maroc, Eneko Landaburu, l’a dit clairement : »Il est temps de s’atteler à définir un mode opératoire pour atteindre les objectifs du statut avancé signé entre le Maroc et l’UE ». En d’autres termes, le Maroc n’a rien accompli de ses promesses. Rabat n’a même pas daigné participer à la conférence Euromed / Médias pour la liberté d’expression, qui s’est tenue à Marrakech les 8 et 9 février 2010, avec la présence de plus de 80 journalistes en provenance du monde entier, alors qu’il venait de fermer un journal qui était le symbole de la liberté de presse. Les responsables marocains préfèrent maintenir l’éternel discours stérile du débat sur le code et la présumée déontologie de la presse. »
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