Tel Quel : Ecran de fumée

Malgré les pathétiques dénégations du gouvernement, le constat est simple : lINDH ne marche pas.
Selon notre valeureux gouvernement, le PNUD manque de rigueur et de professionnalisme. Oui, mesdames et messieurs. En cause : lIndice multidimensionnel de pauvreté (IMP), un nouvel outil de mesure mis en place par luniversité dOxford, et que le PNUD envisagerait dagréer. Le problème, cest quà en croire cet IMP, 28% des Marocains vivraient sous le seuil de pauvreté, là où notre Haut commissariat au plan nen compte que 9%. Lenjeu est dimportance : selon quon retienne la première ou la seconde statistique, lINDH(*), grand-Suvre sociale de Sa Majesté, a lamentablement échoué ou a merveilleusement fonctionné. Rassurons-nous : les affreux nihilistes étrangers ont tort, et les preux chevaliers du trône ont raison. Largument de ces derniers (lIMP du Maroc se base sur des données datant de 2004, soit un an avant le lancement de lINDH, dont il nie les effets) est pertinent et confirmé. Pour le coup, ce sont les chercheurs dOxford qui ont fait preuve de légèreté, en calculant la performance du Maroc sur la base de données non actualisées. Sils avaient fondé leurs calculs sur les chiffres de 2007, disent nos officiels, le taux de pauvreté au Maroc naurait plus été de 28%, mais seulement de 11%. Honte à Oxford, gloire au gouvernement de Sa Majesté ! 
Vous penserez : puisque nous avons raison (pour une fois), quest-ce qui justifie le ton ironique de cet éditorial ? Ceci : lagitation autour de cet IMP, un nouvel indice manifestement en phase de test et que personne ne connaît, est éminemment suspecte. Combien détudes hasardeuses sont-elles produites par combien dinstituts universitaires, chaque année dans le monde, sans que personne ny fasse attention ? Pourquoi le gouvernement marocain a-t-il fait une montagne de celle-ci en particulier ? Parce que, nous informe le communiqué de protestation outragée du ministère des Affaires étrangères, elle a été validée par le PNUD, institution de l’ONU, (ce qui) porte préjudice au Maroc et à ses efforts soutenus et méritoires en termes de développement humain. Ah daccord.
Sauf que le PNUD, après vérification& na rien validé du tout ! Létude dOxford ne reflète en aucun cas (notre) position, affirme catégoriquement le bureau de Rabat de lagence onusienne. Qui rappelle quen revanche, il y a toujours lIndice de développement humain (IDH), outil officiel du PNUD agrégeant des indicateurs de santé, déducation et de pouvoir dachat, et dont le sérieux et la pertinence sont reconnus par le monde entier&
Le voilà, le vrai problème : lIDH, et le démenti international cinglant quil apporte chaque année à nos efforts méritoires. En 2009, le Maroc était classé 130ème pays sur 182 en termes de développement humain. Nettement moins bien que lAlgérie, lEgypte, le Botswana, le Gabon& et même les territoires palestiniens occupés et sous embargo ! Et tout cela, avec des données actualisées que personne ne conteste !!
Quà cela ne tienne : le gouvernement du royaume du Maroc considère que les critères détablissement de lIDH sont largement dépassés, clairement sélectifs et certainement insuffisants ! Le hic, cest que nous sommes le seul pays au monde à considérer cela, et que cela renvoie de nous une image assez pitoyable. Comme un enfant qui na pas fait ses devoirs, et qui justifie son forfait par des raisons fallacieuses. Cest ainsi quil faut lire cette histoire dOxford : un argument saisi au vol pour donner de lépaisseur à un déni de réalité. Quand, dans quelques semaines, paraîtra notre classement IDH 2010 (il y a fort à craindre quencore une fois, il ne soit pas flatteur), notre gouvernement affectera le mépris : Tout cela nest pas crédible, souvenez-vous dOxford&
Les pathétiques gesticulations de nos officiels, qui font de nous la risée du monde, ne parviendront pas à occulter cette vérité toute nue : après 5 ans dINDH, la santé publique, léducation nationale et le niveau de revenu des Marocains sont toujours lamentablement bas. Tout cela, certes, sest un peu amélioré depuis 2005. Mais un peu, cela ne suffit pas. Pas quand les autres pays du monde font beaucoup, plus vite, et que nous reculons chaque année dans la compétition mondiale à laquelle personne néchappe. En deux mots comme en mille : la politique royale ne marche pas.
Le drame, vous savez ce que cest ? Cest quau lieu den faire le constat lucide et de corriger ce qui doit lêtre (il nest jamais trop tard), nos officiels perdent leur temps et leur énergie à dresser de piteux écrans de fumée qui ne trompent personne. Le PNUD manque de rigueur et de professionnalisme ? Le gouvernement marocain, lui, manque de maturité. Cest beaucoup plus grave. 
(*)Initiative nationale pour le développement humain
Source : Tel Quel, 4/9/2010

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