Complot à la française !
La situation sécuritaire dans le Sahel risque de se dégrader encore plus qu’elle ne l’est aujourd’hui. C’est ce que prévoient des experts qui suivent de près ce dossier. Alors qu’après les terribles faux pas de la France dans la région, il eut été plus sage de faire front de nouveau face au terrorisme et au grand banditisme, cela dans le cadre de la réactivation du commandement unifié de Tamanrasset, voilà que le Mali vient de surprendre tout le monde en abritant une bien curieuse réunion des responsables des services de renseignement de six pays sahélo sahariens. Il s’agit, outre le pays hôte, du Niger, du Tchad, du Sénégal, du Burkina Fasso et du Nigeria. Les deux grands absents sont, comme de juste, l’Algérie et la Mauritanie. Cela sans oublier la Libye, mise sur la touche depuis que son leader a essayé de manipuler les tribus locales, pour créer ce qu’il a appelé un » grand Etat sahélo saharien « , et le Maroc, dont les velléités expansionnistes et colonialiste lui ont toujours fait passer ses intérêts avant le règlement de la crise sécuritaire dans la région. C’est ainsi que Rabat, apprend-on, a bien souvent mis la main sur de dangereux terroristes avant de les relâcher contre la simple promesse qu’ils tentent d’infiltrer et d’impliquer le Front Polisario dans leurs actions subversives. Mais là n’est pas le propos du moment.
Principal, pour ne pas dire unique pivot de la lutte contre le terrorisme et le grand banditisme dans toute cette région, mais aussi un peu partout dans le monde, le fait que l’Algérie n’ait pas été conviée à cette rencontre, expliquent encore nos sources, représente une maladresse de plus qui risque de peser lourd sur la balance des rapports de force entre les pays menacés et les groupes terroristes et de criminels, qui sont de plus en plus nombreux à écumer toute la bande sahélo saharienne. L’absence de la Mauritanie, en outre, ne saurait passer inaperçue, sachant que ce sont des troupes de Nouakchott, secondées par quelque 150 commandos d’élite français, qui avaient » opéré » en territoire malien, sous le fallacieux prétexte de libérer l’otage, Michel Germaneau. S’agit-il d’une » punition » infligée à la Mauritanie pour l’échec de cette opération qui, au lieu de permettre le sauvetage de l’otage français, a au contraire scellé définitivement sa mort ? Difficile de répondre à cette délicate question dans l’état actuel des choses, d’autant que Nouakchott et Bamako sont tous deux réputés très proches de la France. Or, il ne fait pratiquement aucun doute, aux yeux de nos sources, que c’est, une fois de plus, Paris qui continue de tirer les ficelles pour des raisons qui restent encore à expliciter. En effet, si au début Paris avait cherché à mettre le pied militairement dans la région, en profitant du meurtre de son otage, qu’elle avait elle-même provoqué, les choses ont nettement évolué depuis, puisque le » lâchage » américain, déjà échaudé par les amères expériences irakienne et afghane, a contraint les Français à revoir leurs ambitions à la baisse. D’où la discrète visite à Alger d’une délégation française à Alger. Paris, qui a tenté de faire cavalier seul, tentant au passage de faire d’une pierre deux coups en détournant l’attention des scandales qui touchent le clan sarkozien, a fini par se rendre à cette évidence que rien de concret, d’efficace et de durable, ne saurait être fait sans le concours de l’Algérie. Notre pays, au prix d’énormes sacrifices, jouit d’une expérience hors pairs dans le domaine de la lutte contre le terrorisme.
Mais il ne pouvait y avoir de discussions constructives entre Alger et Paris. Comme nous l’écrivions déjà, et comme nous le confirment une fois de plus nos sources, Alger maintient mordicus que la lutte contre les phénomènes du terrorisme et du grand banditisme, qui ont fait jonction au Sahel, mais aussi dans les maquis du nord, ne doit en aucune manière échapper au contrôle direct des pays concernés. Les exemples irakien et afghan, pour ne citer que ceux-là, renseignent assez sur les résultats contraires obtenus. De fait, si la France s’impliquait directement dans la lutte contre le terrorisme et le grand banditisme au Sahel, elle légitimerait en quelque sorte le GSPC, jetant dans ses bras des milliers de frustrés et de laissés pour compte, et lui procurant, à bon marché, ce » label » Al Qaïda qu’il a toujours recherché sans jamais pouvoir l’obtenir. Alger ne pouvait donc raisonnablement pas accepter que des opérations militaires communes puissent être organisées. Non plus que des troupes françaises puissent s’installer dans cette région. C’est ce qui pourrait expliquer, en grande partie, que la France tente de » zapper » l’Algérie, en amenant le restant des pays sahélo sahariens à s’organiser en dehors du seul cadre légal créé et installé il y a de cela deux mois dans la ville sud algérienne de Tamanrasset.
Il s’agit là d’une manSuvre qui risque de se retourner contre ses initiateurs. Aucun pays, en effet, ne connaît mieux que l’Algérie le GSPC, et ne sait le combattre. Sa mise à l’écart peut ainsi donner un nouveau souffle et un regain de dynamisme à ce phénomène. D’autant que celui-ci a fini par se développer bien loin de nos frontières, quelque part dans le nord du Mali, à ses frontières avec le Niger. Peut-être que c’est là l’objectif recherché par la France. Paris, en effet, souhaite peut-être que la situation sécuritaire se dégrade beaucoup plus dans le Sahel, afin de justifier et de » légitimer » une intervention internationale sous l’ » égide » des Nations-Unies.
Attendons pour voir&
La Tribune des Lecteurs, 9/8/92010
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