Moubarak est venu à Alger apaiser les relations de son pays avec le nôtre. Rien ne vaut l’entente. C’est l’Egypte qui s’est montrée belliqueuse, il lui appartenait de faire le premier pas. C’est désormais fait, n’allons pas plus loin. Inutile de tomber dans les bras l’un de l’autre, ça ferait mauvais genre. D’autant que l’entente a un prix aussi. Si l’hypothèse d’une malveillance égyptienne à l’encontre de l’Algérie motivée par des considérations internes est fondée, la faute persiste. L’Egypte ne peut pas faire la guerre et la paix à sa guise. Bouteflika n’est pas un monarque qu’il suffirait d’attendrir par un geste d’amabilité diplomatique pour le voir céder sur toute la ligne. D’accord pour l’entente, il y va de l’intérêt de tous, mais restons-en là. Qu’il s’agisse de Djezzy-Orascom, des produits égyptiens qui profitaient des largesses algériennes à travers la zone d’échanges arabes, de l’UPM à travers laquelle le Caire entend affirmer un certain leadership moyen- oriental et arabe, ainsi de suite, la politique algérienne est bâtie sur des considérations d’intérêts qui vont bien au-delà des boussboussades de circonstances et des humeurs personnelles. Est-ce à dire que, apaisés, les rapports entre les deux pays ne connaîtront aucun changement ? Pour répondre à cette question, il faut rappeler une ou deux vérités essentielles. L’Egypte a tout de même plus à gagner dans cet «apaisement» que l’Algérie. A tous points de vue. Et inversement, elle a plus à perdre dans la tension. Pour des raisons simples, à la fois politiques et économiques sans parler de la culture, du tourisme etc. L’Egypte est dans des dynamiques qui ne sont pas similaires avec les nôtres et qui ont des amplitudes plus fortes. Consolider politiquement son rôle au sein de la Ligue arabe, le conflit occidental avec l’Iran, le problème palestinien ou Israël, l’UPM etc., ou consolider son économie à travers les multiples avantages que lui offrent sa position politique et le dynamisme (relatif) de son secteur privé, dans un cas comme dans l’autre l’Algérie lui est utile. Inscrite dans des stratégies de repli et du compter sur soi (le pétrole aidant), l’Algérie par contre peut se passer peu ou prou de l’Egypte, qu’y perdra-t-elle ? Il faut bien comprendre que l’Egypte a davantage à gagner que l’Algérie dans cette réconciliation, pourtant nécessaire aux deux pays. Il s’agit donc de ne pas la payer au-dessus de sa valeur réelle. Le pire, c’est d’en rajouter en oubliant les enseignements tirés des relations tumultueuses récentes. Un peuple entier, incité par ses dirigeants, s’est mobilisé contre nous de la façon la plus inouïe qui soit. Il a révélé sa haine profonde pour tout ce qui nous concerne. Et ce n’est pas parce que deux ou trois gazettes nationales ont adopté la même attitude et répliqué, que nous sommes quittes. Mais la page semble tournée à présent. Va pour la paix et la fraternité, va pour le spectacle honteux qu’offrent régulièrement les salamalecs de nos dirigeants arabes, lors de leurs réunions inutiles, va pour l’incroyable inconséquence politique que le pouvoir égyptien affiche en toute impunité, à l’égard de Ghaza comme d’Alger, comme à l’égard de son propre peuple, va pour tout, mais sachons raison garder. Ne soyons pas les dupes de nous-mêmes. Entre l’Algérie et l’Egypte, il ne saurait y avoir que des relations entre deux Etats. Les Débats
Par Aïssa Khelladi
Soyez le premier à commenter