Sahara occidental Les «marchands de canons»

Par A. Hamid
Le rapport annuel présenté le mois dernier par la secrétaire dEtat espagnole devant le Congrès des députés sur les ventes darmes à létranger a été vivement critiqué par les organisations civiles et humanitaires qui sont traditionnellement opposées par principe au «marché des canons».
Les exportations de matériel de guerre par lEspagne sont par leur montant certes modestes puisquelles sont plafonnées à moins dun milliard deuros, rarement plus. Ces limites sont le fait, cependant, des capacités de production de son industrie militaire et paramilitaire et de la demande extérieure.
Cest vrai que lEspagne nest pas inscrite en tête de liste des «marchands de canons» dans le monde. Or, la particularité de ces transactions engagées par lEspagne, au caractère pas toujours transparent dans cette démocratie parlementaire, réside davantage dans la particularité que présente ce commerce qui a le triste privilège de sinscrire dans la demande en matériel à usage militaire et policier pour des pays classés, eux, parmi les régimes les plus répressifs et dignorer sa propre loi en la matière.
Des armes pour Tel-Aviv et Rabat

Israël a acheté pour des centaines de millions deuros en armes légères dont lutilisation a été prouvée durant linvasion militaire de Ghaza, en décembre 2009. Des organisations humanitaires, Amnesty International et Human Right Watch, lont attesté et ont apporté aussi la preuve que ces armes ont été utilisées dans des conflits armés en Afrique. Interpellé à loccasion par des parlementaires, le gouvernement Zapatero a nié que les armes vendues à Israël aient servi durant linvasion de Ghaza.
Zapatero aura cependant bien du mal en 2009 puis en 2010 à justifier la vente de matériel de guerre au Maroc pour une valeur de 300 millions deuros. En 2007, ces ventes avaient battu tous les records avec plus de 800 millions deuros. Des véhicules blindés adaptés au désert, des camions citernes à double usage pour les approvisionnements du front en carburant et en eau potable, des engins tout-terrain, en plus dun important lot varié darmes de guerre proprement dit qui servent à réprimer les régulières manifestations des indépendantistes.
En 2008, le Maroc a été classé premier client de lEspagne en achat darmement. Ces opérations commerciales ont été dénoncées en leur temps par le Front Polisario et les associations pacifistes. Elles le sont aujourdhui.  Six organisations civiles pro-sahraouies ont déposé, la semaine dernière, une plainte contre le gouvernement Zapatero pour les exportations darmes vers le Maroc, une opération qui «constitue une violation de la législation en matière de commerce des armes».
Ces ONG ont fait valoir que le royaume alaouite occupe militairement et, illégalement, depuis 35 ans, lancienne colonie espagnole où il se livre à une répression féroce des droits de lhomme et se refuse à appliquer les résolutions du Conseil de sécurité sur le droit du peuple sahraoui à lautodétermination.
Madrid viole sa loi sur le commerce des armes Lun des auteurs de cette plainte, lavocat Luis Mangranne, considère que «le gouvernement espagnol a violé délibérément larticle 8 de la loi 53-2007»
portant régulation du commerce extérieur en matière de défense à double usage militaire et civil qui interdit lexportation de ce genre de produits vers des pays en guerre, comme cest le cas du Maroc. «La loi est claire là-dessus et tout le monde sait que le Maroc viole les droits de lhomme au Sahara occidental, le HCR et les organisations humanitaires en tête.»
Dautres membres du collectif des avocats espagnols font observer quau plan politique, le gouvernement Zapatero a violé également la traditionnelle position de «neutralité» sur son ancienne colonie occupée par le Maroc qui est l«une des deux parties en conflit». Pour toute réponse à ces accusations, la secrétaire
dEtat espagnole sest limitée à avancer comme argument l«engagement» des pays importateurs à respecter le cahier des charges. Quelle garantie peut offrir le régime marocain quant à la destination des ces armes ?, se sont indignés avec ironie les plaignants qui étaient accompagnés de victimes de la répression marocaine.
Commission denquête de lOnu ?

De son côté, le représentant du Front Polisario à New York, Ahmed Boukhari, a invité la semaine dernière le comité de décolonisation des Nations unies à dépêcher sur place une commission denquête en vue d«actualiser» ses rapports sur la situation des droits de lhomme au Sahara occidental. «Ni le Front Polisario, ni lONU, ni lAfrique, ni la communauté internationale nacceptent le fait accompli «que Rabat veut perpétuer dans la région maghrébine, a-t-il dit devant la IVe commission.
Si le principe de lenvoi de cette commission denquête ne pose pas problème pour le président du comité de décolonisation, lambassadeur de Santa Lucia, Donatus Keith, des «sources» sur place à New York craignent que se pose lobstacle majeur à lenvoi dune telle commission «lattitude de refus» du roi Mohammed VI qui compte sur lappui de la France, pays membre influent du Conseil de sécurité, pour bloquer ce genre dinitiative.
Christopher Ross qui était de passage jeudi à Madrid où il a eu des entretiens avec le chef de la diplomatie espagnole sur la tenue dune troisième réunion informelle entre le Front Polisario et le Maroc, a du pain sur la planche. Les puissances occidentales, la France et lEspagne en tête, sont peu motivées pour faire pression sur le régime marocain afin de lamener à respecter la légalité internationale «lorsquelles-mêmes se refusent à respecter leurs propres lois qui interdisent dencourager les conflits armés», fait observer un célèbre avocat espagnol 
Le Temps d’Algérie, 3/7/2010

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