Noam Chomsky : «Un Gorbatchev manque à l’appel»

Evidence contemporaine : la démocratie dans le monde arabe n’est possible que dans la mesure où elle obéit aux objectifs stratégiques et économiques des puissances occidentales. 
Selon un article paru récemment sous le la plume de Noam Chomsky, un linguiste et politologue spécialiste du monde arabe, un Mikhaïl Gorbatchev manquerait à l’appel pour une perestroïka dans le monde arabe.

Dans la crise qui ébranle l’Egypte, la Tunisie, la Jordanie, le Yémen et d’autres pays de la zone arabe, Washington semble tirer les leçons de l’histoire pour élire le fameux général Omar Souleymane au rang qui, autrefois, fut celui de Gorbatchev. Les raisons du soulèvement du monde arabe aujourd’hui sont pratiquement les mêmes que celles de l’URSS de la décennie 1980. 300 millions de Russes, – c’est pratiquement le même chiffre de la population du monde arabe – ne connaissaient que la misère et les interminables files d’attente, la cherté de la vie, le manque de soins et de logements, les inflations, les crises… Mikhaïl Gorbatchev aux commandes, son plan d’instaurer la démocratie en créant un Parlement a abouti, même si le pouvoir a atterri aux mains de son rival, Boris Eltsine, d’une manière démocratique. Même si Gorbatchev n’a pas voulu réformer l’URSS, il a été à l’origine de l’implosion d’un régime solide qui tenait la population d’une main de fer. S’appuyant sur des atouts économiques, Boris Eltsine a, par la suite, tenté une transition axée essentiellement sur l’économie. 

D’aucuns diront que la réforme du système soviétique est l’œuvre de Washington, de la CIA et de Gorbatchev. Mêmes données pour les mêmes résultats. Dans le cas de l’Egypte, la formule reste simple à appliquer : Souleymane à défaut d’un Gorbatchev. Soutenant en douce l’opposition, imposant à Moubarak de préparer sa sortie en nommant le néocommandeur, déjà au parfum des dossiers des services secrets, Washington joue la tour d’auto-défense de ses intérêts dans l’échiquier pour quadriller la zone, tout en étant indifférente au ressentiment d’un peuple écœuré par un régime qui sévit depuis plus de 30 ans. Un débat s’impose, laisse entendre Chomsky qui met les «experts» face aux politiques. Un débat qui ne porte qu’un seul nom : la crainte de l’islam. C’est cette crainte qui pousse les puissances démocratiques occidentales à encourager les Etats de non-droit dans le monde arabe. Cet islam, jadis appuyé par les puissances occidentales pour venir à bout du Mur de Berlin et de la guerre froide, est aujourd’hui craint, du moment qu’il débouchera à son tour sur le nationalisme séculier. 
Samir Méhalla
Le Jeune Indépendant, 08/02/2011

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