Note danalyse : La question du Sahara occidental

Par  Alice Corbet, postdoctorante au CÉRIUM  
La grève de la faim de la militante sahraouie Aminatou Haidar a replacé la question du Sahara occidental au devant de lactualité. Celle-ci a été hospitalisée dans la nuit du 16 au 17 décembre après plus dun mois de grève de la faim. Or, depuis 1991, la Mission des Nations Unies pour lorganisation dun référendum au Sahara occidental (MINURSO) fait rarement la une des médias. Marc-André Anzueto et Étienne Tremblay-Champagne, agents de recherche au ROP, sentretiennent avec Alice Corbet, membre experte du ROP et spécialiste du Sahara occidental, afin den connaître davantage sur les dessous de « laffaire Aminatou Haidar ».
Pourriez-vous nous présenter le conflit, ses enjeux et les différents acteurs impliqués, tant au niveau local que régional ? Comment leurs perspectives ont évolué avec le temps ?
Grande question ! Ce sujet demande de remonter dans lhistoire, jusquà essayer de démêler les possibles relations dallégeances quil y a pu avoir entre certaines tribus du Sahara envers leurs voisins au XIXeme siècle ! Il ne faut pas oublier que le Sahara occidental na jamais été « Terra nullius », cest à dire « territoire sans maître ». Le Sahara était parcouru par des tribus qui avaient établis divers rapports politiques et économiques, avant que le colonisateur espagnol ne vienne installer des « comptoirs » sur la côte Atlantique, tout en nayant des relations que très ponctuelles avec les Maures qui séjournaient autour et traversaient le territoire. Relire les carnets de voyage de Douls en 1888, de Vieuchange en 1932, ou même Courrier Sud, de Saint-Exupéry, permet de cerner en quoi le territoire tout comme les personnes qui le sillonnent ont longtemps été revêches à toute forme de domination exogène. Malheur aux aventuriers perdus, aux marins échoués sur la côte, ou aux aviateurs de laéropostale qui tombaient dans le désert !
En bref, il faut établir que nous sommes ici en présence de diverses tribus, enchevêtrées dans de fluctuants rapports dallégeance. Après la colonisation mosaïque de lEspagne, le territoire a été envahi lors de la Marche verte, ce qui a permis à Hassan II de mobiliser son peuple à lencontre dune cause présentée comme viscérale, et daccroître son territoire face à lAlgérie et à la Mauritanie. Cette dernière sest vite retirée pour stabiliser sa viabilité en tant que pays indépendant, alors que des réfugiés (les Sahraouis qui composaient ces tribus) fuyaient en direction de lAlgérie. Depuis, le Maroc a découvert dans ce quil nomme « territoires du Sud » de forts potentiels économiques notamment les poissons, le phosphate, le sable et le tourisme. Mais tout cela a été nuancé, jusquau cessez-le-feu de 1991, par la contestation active du Front Polisario, qui a amené le Maroc à construire « ses murs de défense » ; et dans un second temps, par la légitimité du royaume alaouite à exploiter un territoire qui na toujours pas de reconnaissance juridique internationale claire.
Ainsi, il faut considérer ce conflit à partir de divers enjeux politiques, économiques et juridiques. Léchelle des acteurs sétale, grossièrement, des revendications des tribus pré-existantes à la colonisation, pour la plupart fédérées par le Front Polisario, jusquaux enjeux géopolitiques régionaux internationaux. LEspagne sest enfermée dans un sentiment de culpabilisation mais son gouvernement sest retiré de tout rôle véritablement actif quant à la résolution du conflit. LONU, qui a affirmé depuis 1975 que le problème devait être résolu par un référendum dautodétermination, se voit aujourdhui encore dans lincapacité de mettre en Suvre son programme. Elle se résout à assurer une mission de « surveillance » à travers la MINURSO qui tente en vain dessayer détablir une liste pour la réalisation du referendum depuis 30 ans ! À noter que lONU ne reconnaît pas la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD), mais le Front Polisario comme un représentant légitime du peuple sahraoui. Signalons enfin que aucun des États membres de lONU ne reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.
La France est trop alliée avec le Maroc pour oser le contester sur ce point territorial et a toujours soutenu Hassan II pour qui ce support était primordial. Les États-Unis, dont les technologies et celles dIsraël ont aidé à construire le mur de défense marocain, adoptent également un rôle ambivalent et désengagé. LUnion européenne (UE), ainsi que la plupart des instances internationales, se voient très prudentes face au conflit. En fait, cest un sujet délicat qui peut les mettre en cause dans lexploitation économique du territoire tout comme dans leurs relations avec le Maroc, devenu un acteur majeur de lAfrique du Nord. Enfin, lUnion africaine (UA) est elle-même dans une impasse, car le Front Polisario y siège depuis 1982 alors que le Maroc sen est retiré, coupant du coup toute possibilité au dialogue et privant lorganisation dun allié majeur. Dans cette complexité où se jouent à la fois des conflits dhistoricité et de territoires, personne ne sait vraiment sur quelle échelle intervenir, ni à partir de quelles bases.
Aminatou Haidar, une militante de renommée internationale, effectue une grève de la faim dans un aéroport des iles Canaries depuis son expulsion du Maroc le 13 novembre 2009. Elle avait alors indiqué « Sahara occidental » comme pays dorigine alors quelle tentait de rejoindre Laâyoune, au Sahara occidental. Les médias sintéressent de plus en plus à cette affaire alors que son état de santé se dégrade. Pourriez-vous commenter lévènement et ses répercussions ?
Tout dabord, on voit bien ici comment les médias fonctionnent. Aminatou Haidar milite depuis de longues années pour la résolution du conflit, elle a dailleurs été emprisonnée deux fois et a reçu divers prix et récompenses pour son action. Mais il faut attendre quelle amène sa « valeur symbolique » de militante médiatisée ajoutée à son corps mis en souffrance dans un lieu public pour que les leviers de lempathie et de la révolte soulevés permettent dentendre parler de sa cause au niveau international. Je dis cela, car plusieurs personnes ont effectué des grèves de la faim ou dautres manifestations extrêmes, et que quasiment personne ne sintéressait à eux.
Enfin, cette action force lEspagne à sengager dans le conflit, alors quelle sest toujours détachée du problème du Sahara occidental pour ne pas sy empêtrer, bien que lhistoire liant les deux régions est très forte. Ainsi, la militante a refusé le passeport espagnol quon lui proposait, et est de fait devenue « sans papier », confrontant les divers acteurs devant le conflit : sa personne est ainsi transcendée par lattitude à adopter sur une thème élevé au domaine politique. La tension entre lEspagne et le Maroc est accentuée par le truchement de lhistoire dAminatou Haidar. Le Maroc tente de séchapper de cette mauvaise passe en rejetant la faute sur lattitude de la résistante sahraouie, tout en impliquant lAlgérie et demandant à ce que lEspagne sadresse plutôt au gouvernement algérien pour résoudre le problème. Or, lactuel ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, a déclaré le 7 décembre que lAlgérie collaborait et adoptait une attitude constructive au sujet de la si
tuation dAminatou Haidar, ce qui a poussé le Maroc à menacer dinterrompre la coopération en matière des sujets aussi sensibles que limmigration et le terrorisme ! On le voit, « laffaire Aminatou Haidar » dépasse le cadre de sa personne et mène à exposer le cas du Sahara occidental et à attiser les tensions… Et aujourdhui, Ban Ki-Moon tout comme lUE salarment.

Il faut rappeler que « laffaire Aminatou Haidar » se produit alors que le discours marocain envers le Sahara occidental se durcit.
Il y a dabord eu lhistoire de sept militants pro-sahraouis qui ont été arrêtés en octobre au Maroc alors quils revenaient dune visite des camps. Unanimement qualifiés comme « séparatistes de lintérieur » et « traîtres », ils ont été incarcérés dans des conditions difficiles, et bien que les informations soient compliquées à obtenir (on ne sait pas, aujourdhui, où sont les prisonniers), les médias les présentent comme accusés « de haute trahison », « dintelligence avec lennemi » et « datteinte à lintégrité territoriale », chefs daccusation qui échappent à la justice civile. Ils seront donc jugés devant un tribunal militaire (donc avec une défense extrêmement réduite), et risquent, au pire, la peine de mort commuée en perpétuité.
À cela sajoute le discours prononcé en novembre par Mohamed VI, à loccasion de lanniversaire de la Marche Verte (la marche populaire organisée par Hassan II pour prendre possession du Sahara occidental en 1975), et qui a été très offensif -et contenait des tonalités répressives envers toutes possibilités de contestation. Le roi y rappelle que lon doit adhérer inconditionnellement à la Mère-Patrie et à sa personne -incarnation de dieu- sans quoi on est un ennemi ( « Lheure est à la clarté : ou on est patriote ou on est traître » , 6 novembre 2009). Cela disqualifie bien sûr toute tentative de négocier au sujet du Sahara occidental, ou de faire des concessions au niveau personnel comme collectif. Ces mots ont eu un impact fort sur tous les partis politiques, syndicats et militants pro-marocains, mais aussi sur tout le système étatique et médiatique qui saligne sur la ligne directrice donnée par le roi.
Pour résumer, disons que « laffaire Haidar » arrive dans un contexte où lespoir envers un assouplissement des relations au sujet des sahraouis est fermement contenu par le Maroc ; aujourdhui les positions sont renforcées et durcies, ce qui permet dexpliquer le regain des tensions autour dAminatou Haidar.
Selon vous quelles seraient les répercussions entre les relations Maroc/Sahara occidental en cas de décès de Mme Haidar ?
La répercussion serait avant tout médiatique. Il y aurait sans doute un élan de protestation général, de la part de nombreux États, de toutes les organisations de défense des droits de lhomme, ainsi que de celles qui soutiennent le Front Polisario. À nen pas douter, cela durcirait les positions de chacun et encouragerait les pays partisans du Sahara occidental daffirmer leur position. Les pays européens, et notamment lEspagne, pourraient être obligés détablir une position claire vis-à-vis du Maroc. Bref, la médiatisation permettrait de révéler le conflit et les nombreux enjeux qui se trament, au niveau politique, économique, des droits de lhomme, etc. Cest sans doute de cet élan de visibilité que le Polisario tenterait de jouer, alors que sa cause, jusqualors oubliée, sincarnerait dans des faits et des personnes. Cet élan international pourrait aussi donner loccasion de faire connaître le conflit à tous, et même aux Algériens ou Marocains, que la propagande garde dans lignorance de nombreux enjeux liés au Sahara occidental.
Est-ce que laffaire Haidar risque daccentuer le conflit entre le Maroc et lAlgérie ?
Accentuer est un grand mot… Il faut rappeler quun mur de 2600 km de long a été construit par les Marocains entre les territoires occupés par le Maroc, le long de locéan Atlantique, et ceux reconquis par le Polisario. Cela ajouté à létablissement contesté des frontières, doublé par des bases militaires des deux côtés, montre en quoi les deux « frères ennemis » sont en « guerre froide » depuis déjà bien longtemps. En fait, lAlgérie soutient le Front Polisario et accueille ses réfugiés. Ainsi, le Sahara occidental indépendant offrirait de nombreux avantages à lAlgérie. Mais il faut avant tout considérer le problème du Sahara occidental comme un conflit de décolonisation, avec la question juridique dun territoire abandonné par les Espagnols en 1975, plutôt que comme un conflit mineur, instrumentalisé par le Maroc ou lAlgérie. Ce serait désensibiliser les militants et tous les Sahraouis qui se battent, quotidiennement, pour faire valoir leurs droits… ou au moins essayer dexister au regard du droit international. Lhistoire entre le Sahara occidental et le Maroc a sa propre autonomie, et pour comprendre tout ce puzzle géopolitique, il faut la discerner des disputes algéro-marocaines. Et considérer avant tout la question de la décolonisation, la guerre active Polisario-Maroc, et le cessez-le-feu de 1991 après la construction des murs de défense marocains.
Comment voyez vous le rôle des associations pro-saharouies (ex : issues de lUE)
Ce sont avant tout des associations de pression, de lobbying, qui se consacrent à faire connaître la cause sahraouie auprès des politiciens et auprès du grand public à travers quelques forums. Mais tant que le conflit reste peu médiatisé et écrasé par les efforts du Maroc (qui effectue diverses pressions, dès que quelque chose est organisé sur le sujet, même si cest un colloque scientifique), ces efforts ont peu denvergure et dimpact. Cest, me semble-t-il, la grande question du moment, prise en compte par les acteurs : tant que le conflit ne fait pas « la une » des préoccupations, personne ne sen occupera, car chacun préfère jouer de lindétermination actuelle qui arrange beaucoup les relations diplomatiques générales. En particulier les rapports entre le Maroc et lUE, mais également Maroc/Algérie pour qui lindécision est devenue un mode de communication. Même un début de famine dans les camps reste ignoré ; car comment attirer lattention sur une famine de personnes dont on ignore lexistence, même au Maroc ou en Algérie ? Il me semble que la lassitude, la déception face à un processus de paix médiatisé par lONU complètement ensablé, et le désespoir pousse les sahraouis à mener des opérations de moins en moins diplomatiques.
De plus, il ne faut pas oublier que plusieurs Sahraouis vivent sous la domination marocaine, dans les « territoires du Sud ». Si certains ont adopté la position marocaine, dautres se voient opprimés (la liberté dexpression au Maroc est extrêmement réduite sur ce thème, qui plus est depuis cet automne). Ainsi, certains peuvent être amenés à vouloir extrémiser leur lutte, à travers des réseaux terroristes qui se mettent en place dans cette région de non-droit, ou lexception permanente instaurée par le conflit glace autant la population locale quelle nouvre les portes aux prêcheurs de la révolte. En outre, malgré linvestissement financier et symbolique très fort du royaume alaouite dans le Sahara occidental (lequel est matérialisé par la façon dont les villes sont aménagées), il faut noter que même des Marocains installés dans le Sud sont souvent prêts à adhérer par des activités de protestation, lesquelles restent à nuancer, car elles sont loin dêtre terroristes ! Espoirs déçus, lassitude et ennuis sont décidément des notions prépondérantes, des deux côtés du mur et pour toutes les populations. Quand un peuple entier est oublié, après 30 ans de lutte, ceux qui vivent dans cette ambiance de refoulement peuvent sans doute tenter de prendre le corps comme porte-parole de leur cause et senfoncer dans des logiques destructives qui amèneraient, enfin et hélas, le conflit au premier plan des préoccupations internationales.
Mise à part lAlgérie, qui supporte le Front
Polisario ?

Le Front Polisario est aussi soutenu par de nombreux pays qui ont reconnu lexistence de la RASD qui a été proclamée en 1976. La liste des pays qui soutiennent cette république en exil, dont lexercice a lieu pour lheure dans les camps de réfugiés, varie selon les efforts diplomatiques de chacun. Mais la plupart des pays de lex-bloc soviétique, du mouvement des non-alignés, ainsi que beaucoup dÉtat dAmérique latine, dont Cuba et le Venezuela, entretiennent des liens forts avec les Sahraouis. Ces derniers se font notamment au travers des échanges détudiants et différentes formes de financements. En fait, diverses associations de soutien sactivent à travers le monde, mais elles sont restreintes et leur portée est assez nuancée. Elles influent sur les déclarations de prises de position prises par les partis contestataires (majoritairement de gauche), mais leur lobbying est surtout écouté grâce à certains acteurs engagées, en particulier en Espagne où la population connaît le sujet à travers son lhistoire. Assez tristement, on peu dire que plus que des acteurs politiques, ce sont des personnages médiatiques qui permettent de faire connaître le conflit et bouger les engagements : les acteurs Angelina Jolie ou Xavier Bardem, ainsi que le chanteur Manu Chao, mobilisés à travers ces diverses associations, ont un impact bien plus fort sur lopinion générale que les efforts politiques menés par lONU depuis des années.
Vous avez souvent visité des camps de réfugiés sahraouis, pourriez-vous raconter vos expériences ? Comment-ce conflit est-il vu concrètement par la population ?
Les camps ont été installés dès 1975, au début de la révolte sahraouie qui sest dabord concentrée sur le colonisateur espagnol avant de se focaliser sur le Maroc. Il y a cinq, plus un camp où sont réunis les organisations humanitaires et les bâtiments de la RASD, situés non loin de Tindouf, au Sud-Ouest de lAlgérie, dans une zone extrêmement aride. Le Front Polisario y a donc instauré une République en exil, et en a pris en main toute lorganisation. Dailleurs, il est passionnant de voir comment on a fait nation à travers les camps de réfugiés, lexil donnant lopportunité à la population de prendre conscience delle-même, de faire peuple. Bref, mon expérience est une longue histoire, mais je tiens à témoigner de lorganisation assez poussée des camps, grâce à cet effort quasi étatique du Front Polisario, qui les administre à partir didéaux démocratiques tiers-mondistes qui ont marqué sa création. Je nai dailleurs eu aucun problème à faire ce que je voulais sur le terrain, tout en gardant une attitude danthropologue : je vivais avec les réfugiés, jai appris la langue, et je ne faisais pas de vagues.
Toutefois, dans des camps de réfugiés, la cause politique importe plus que la cause humaine. Les Sahraouis sont dépendants de laide, et les camps en eux-mêmes sont devenus des images de légitimation de leur cause. Les conditions de vie sont très difficiles, à cause du climat et de divers problèmes de gestion, sur tous les niveaux : il arrive ainsi que leau, apportée dAlgérie par camions-citerne, soit en retard ! Il y a de gros problèmes de coordination et dentente sur les responsabilités entre les ONG et le Front Polisario.
De manière générale, il est évident que la population des camps se lasse. Dune part, il y a la génération qui est arrivée dans les camps, militante, qui a soutenu le Front Polisario. Cette dernière est fatiguée davoir mis tant de chose en Suvre pour un impact qui se résout à vivre toujours dans les camps -même si de mieux en mieux. De lautre, il y a la seconde génération, née en exil, dans lincertitude du présent infini des camps et nostalgique dun pays quelle ne connaît pas. Cette génération est donc moins portée par des idéaux, car elle na pas lutté pour les construire. Cest cette génération qui peut perturber les camps aujourdhui en se révoltant de manière plus extrême face au Maroc, ou en partant vivre à lextérieur (Algérie, Espagne) afin de vivre « mieux », en attendant une résolution au problème des camps. Enfin, il ne faut pas oublier tous les Sahraouis qui vivent sous la domination marocaine ou en Mauritanie, et qui pour certains vivent mal cette attente envers une résolution du conflit, souvent perçu comme un conflit familial et identitaire.
Comment le rôle de la MINURSO a évolué au cours des dernières années ?
La MINURSO a pour mission détablir le référendum dautodétermination, mais à cause de diverses manSuvres, cest un échec. Le plus dur est de déterminer la liste des personnes qui peuvent voter ! Cela donne lieu à de nombreuses manipulations. Dans les faits, elle a surtout un rôle de surveillance, pour voir si le cessez-le-feu de 1991 est respecté. Elle sest aussi consacrée à la libération des détenus, même si cest un échec. En fait, tous les Marocains prisonniers du Front Polisario ont été relâchés, mais il demeure de nombreux prisonniers sahraouis en territoire marocain. Finalement, cette mission de surveillance permet surtout dobserver des réseaux de contrebande ou de retrouver des migrants abandonnés au milieu du désert. Enfin, la MINURSO a comme activité importante le déminage de la zone, remplie de mines antipersonnel et de résidus dobus, tout en doublant parfois le UNHCR en lui apportant une aide logistique pour certaines opérations (par exemple, lors de retrouvailles de familles séparées par le mur, en 2007).
Quelle est la pertinence de cette mission de paix traditionnelle ?
Hélas, si cela fonctionnait, il y aurait une vraie pertinence à la MINURSO. Mais en raison de lenlisement du conflit et de la mauvaise volonté de tous à sa résolution, cette mission incarne avant tout un échec diplomatique majeur. Cest une mission passive, qui piétine, et se consacre à dautres choses que son but principal, par défaut de moyens dimposition de le mettre en Suvre. La plupart des militaires que jai pu rencontrer voient leur présence au Sahara occidental comme une longue période dennui, déchec et dinaction ! Ainsi, auprès des réfugiés et de nombreux observateurs, la réputation du personnel de la MINURSO est plus celle davoir volé ou abîmé des pétroglyphes que celle dentretenir une bonne entente avec les divers acteurs sur place.
Est-ce que la coordination civile et militaire est difficile au Sahara occidental ?
Ce sujet est délicat. Il faut bien imaginer que, dans lespace, la présence de la MINURSO interagit peu avec le Front Polisario. Ce dernier est installé dans les camps, alors que les militaires sont plus proches du mur. Linteraction est donc mesurée à des gestes organisationnels, nuancés par le manque de connaissance et de compréhension du fonctionnement local par le personnel de lONU. Dans cette histoire, il en va aussi du mode diplomatique propre aux Sahraouis, des réputations personnelles, des relents tribaux, etc. Il est sans doute de même du côté marocain. Chacun essaie aussi dinfluencer lONU, et la MINURSO est souvent perçue comme un outil à manipuler pour atteindre un but politique. Méconnaissance, mésentente personnelle, différence de perception des problèmes : ainsi malgré quelques bonnes volonté, limpasse demeure et limpatience augmente.
De plus, à chaque vote de renouvellement de la mission, il est question détendre le mandat de la MINURSO à la surveillance du respect des droits de lhomme, des deux côtés du mur : dans les camps comme dans les territoires administrés par le Maroc. Cette revendication est soutenue par le Front Polisario et ses alliés, mais bloquée à chaque fois par le Maroc, appuyée par la France, pour qui les droits de lhomme ne se règlent quà Genève au Conseil des Droits de lhomme de lONU.
LONU supervise depuis juin 2007 des pourparlers de paix près de New York, le cycle de Manhasset. Pourriez-vous décrire les causes de limpasse, lors de la dernière rencontre officielle (Manasset IV, datant d
e mars 2008) ?

Il faut voir ces pourparlers comme une avancée, dans le sens où ils ont permis, pour la première fois depuis les accords dHuston de 1997, de réunir les deux interlocuteurs autour dune table. Cela peut paraître quelconque, mais dans un conflit ou personne ne se nomme et où lennemi nest identifié que par défaut ou assimilation, cest une avancée ! Cela a aussi permis à chacun détablir ses positions de manière claire : dune part, lexigence dune referendum à trois options pour le Front Polisario, de lautre une autonomie interne du territoire pour le Maroc. Après tant defforts, chaque partie a décidé darrêter là les concessions et de rester sur ses positions indiscutables. Toutefois, cette reprise du dialogue a donné lieu à des efforts de réflexion de la communauté internationale, ainsi quà des rencontres informelles comme à Vienne, en août 2009. Le tout est brouillé par diverses déclarations des représentants de lONU qui donnent leurs avis personnels et soulèvent indignation et tension récurrentes. Alors que lon pensait que les négociations allaient reprendre, les discours offensifs marocains et lhistoire dAminatou Haidar marquent un nouveau temps darrêt aux espoirs soulevés.
ROP (Réseau Francophone de Recherche sur les Opérations de Paix)

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