Espionnage économique au Sahara et au Sahel au profit de Paris et de Washington

Par Fayçal Oukaci

Le Sahel grouille de services de renseignements étrangers. Cela ne date pas dhier, mais le constat établi par les pays concernés, le Mali, qui vient en tête de ces pays, le Niger et la Mauritanie, fait état dune prolifération importante dagents du renseignement à la faveur des prises dotages opérées par AQMI dans la région.
Cette prolifération a été tellement importante quelle a fait dire au diplomate autrichien aguerri, Anton Prohaska, quune des principales raisons qui avait retardé sur de longs mois, la libération des deux ressortissants autrichiens, Wolfgang Ebner et Andréa Kloeber, était justement « le télescopage de plusieurs services de renseignement dont les intérêts et les positions divergeaient ».
La France, très introduite au Sahel, grâce à une présence constante de la DGSE au Mali, au Niger et à un degré moindre en Mauritanie, fait fructifier ses intérêts, économiques surtout, avec près de deux cents entreprises installées entre le Mali et le Niger. Limplantation dAreva au Niger et les entreprises interessées par luranium de Niamey sont devenues des doctrines au plan de la politique étrangère de la France. La « Françafrique », grâce à un subtil jeu dalliances fait florès, malgré des revers subis les dernières années&
La présence américaine au Sahel est un établissement plus récent, mais la percée opérée par la CIA au Sahel, après un passage au Kenya et en Tanzanie, reste importante. La présence dAl Qaeda dans la région est la raison invoquée par Washington, mais tous les spécialistes saccordent à dire quendiguer la poussée sini-russe dans la région est devenue une nouvelle doctrine militaire et économique de la politique africaine de la Maison-Blanche.
Plus précis, lagence euro-maghrébine de lutte contre le terrorisme, communément appelé Centre d’études maghrébines et de recherches stratégiques, que la France sapprête à mettre sur pied dans un des pays du Maghreb, vraisemblablement la Tunisie, ne serait en fait, selon des sources informées, quun moyen davoir des informations « utiles » à mettre à la disposition de Paris.
Linitiative, lancée dans le cadre du forum de Défense dit 5+5 entre les pays du Maghreb et du sud de l’Europe (Espagne, Italie, France, Portugal et Malte), serait que la France puisse disposer dinformations « exploitables en temps réel », dans la prochaine étape des joutes stratégiques entre les puissances pour le contrôle de la triple région maghrébo-saharo-sahélienne. Linitiative avait été certes lancée pour les dix années à venir, mais soudainement elle a été reprise par le patron des renseignements extérieures français, Erard Corbin de Mangoux, qui avait poussé sa certitude jusquà préciser, dans une livraison de la revue française, « les Cahiers de Mars », que la zone du Maghreb figure parmi celles que son service «arpente» régulièrement.
Ce brusque regain dintérêt a été aussi accéléré par la poussée terroriste opérée par Al-Qaïda au Maghreb, non seulement au Sahel mais bien au-delà. Selon les Cahiers de Mars, « l’objectif est justement de mettre en Suvre une plateforme de renseignements à même de garantir une coopération entre les pays concernés, en tête desquels le Maroc et l’Algérie, tout en permettant à la France, et à l’Union européenne, de surveiller de près un mouvement terroriste qui ne cache nullement ses ambitions de s’exporter en Europe. Un moyen également de parer le peu de coopération signalée entre les deux pays concernés par cette lutte, le Maroc et lAlgérie. D’où d’ailleurs le choix porté sur Tunis pour abriter le siège du centre »
La revue précise aussi qu « il est question d’installer des bureaux de liaison du CEMRS dans tous les pays du Maghreb, au sein même des chancelleries françaises. Ces «bureaux» devraient être chapeautés par les attachés militaires des représentations diplomatiques françaises au Maghreb. Au cSur des priorités d’ores et déjà fixée, la sécurité maritime et la menace terroriste. La région du Sahel figure en fait parmi les zones du nouvel «arc stratégique» français évoqué par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationales ».
Echourouk On Line, 26 mai 2010


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