Trafic frontalier : Jusquà quand la saignée ?

Après celui du Maroc, le trafic transfrontalier entre lAlgérie et la Tunisie prend ces dernières années des proportions inquiétantes au vu des quantités considérables de produits acheminés à partir de villes algériennes. Plus particulièrement le trafic de carburants.
A titre dexemple, durant les quatre premiers mois de lannée 2009, 31 544 litres de gasoil et 5 881 litres dessence ont été saisis à des contrebandiers traversant la frontière entre lAlgérie et la Tunisie. En 2010, et pour la même période, les brigades de gendarmerie ont saisi plus du double des quantités de gasoil (68 763 litres) et près du triple dessence (16 262 litres). Ce trafic est devenu très lucratif. Le litre de gasoil acheté à 13,5 dinars algériens, soit léquivalent de 0,260 dinar tunisien, est revendu en Tunisie pour plus de 40 DA, soit 0,800 dinar tunisien. Les automobilistes algériens se plaignent des longues files dattente devant les stations-service, carrément réquisitionnées par les contrebandiers. A Tébessa, ce trafic est assuré par des réseaux structurés de trabendistes, appelés aussi «gnatrias» qui se servent à la pompe en utilisant des véhicules de gros tonnage tous dotés dun double réservoir aux capacités importantes. Le carburant est ensuite acheminé vers des entrepôts clandestins situés dans des zones urbaines, à la périphérie des villes, avant dêtre rechargé dans des berlines et acheminé en Tunisie dans des Peugeot 504, 505 et 604, ainsi que des Renault 25, roulant à des vitesses folles, pour éviter les contrôles au niveau dEl-Aouinet et de Bir El-Ater ou à hauteur des villages de Bouchebka et de Boudarias. Deux villes inconnues, mais qui vont hélas faire parler delles à lavenir si ce phénomène nest pas stoppé.
En juin 209, un groupe de fraudeurs, constitué dune centaine dindividus, a assiégé des douaniers à Bir El-Ater, juste après le décès de deux contrebandiers dans une course poursuite engagée par des gendarmes contre un véhicule transportant du carburant destiné à la contrebande vers la Tunisie.
Ce trafic a de fortes chances de perdurer encore longtemps. Car il demeure très juteux. Et pour cause. Quand on connaît la différence des prix du carburant entre lAlgérie et la Libye, dun côté, deux pays grands producteurs dhydrocarbures et qui pratiquent des bas prix pour leurs consommateurs, et la Tunisie, qui a de plus en plus de mal à équilibrer sa balance énergétique, contrainte de suivre lévolution des cours mondiaux de lénergie, on comprend lintérêt que les trabendistes trouvent à faire perdurer le trafic de carburants à travers les frontières maghrébines.
En attendant un hypothétique marché maghrébin ou une politique énergétique communs, la contrebande à lest et à louest du pays a de beaux jours devant elle tant quaucune mesure forte ne vient arrêter ce trafic.
Mahmoud Tadjer
Le Jeune Indépendant

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