Au Congo-Brazzaville, un champ de pétrole exploité par Perenco au cœur d’une enquête pour corruption

Plusieurs membres de la famille du président congolais, Denis Sassou-Nguesso, sont impliqués dans un scandale financier liée à un gisement de pétrole opéré par le groupe Perenco.

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PUBLIÉ LE 02 MARS 2023
PAR DISCLOSE
Le 15 décembre 2021, les enquêteurs de l’agence anticorruption de Norvège perquisitionnent le siège du groupe pétrolier Petronor E & P, à Oslo. Au même moment, le directeur général de la société, Knut Søvold, et son directeur du développement, Gerhard Ludvigsen, sont arrêtés et placés en garde à vue. Dans un communiqué, la police annonce qu’ils sont entendus dans le cadre d’une enquête « liée à des projets en Afrique ». Sans autres précisions.

Il s’agit en réalité d’une enquête sur des soupçons de corruption au Congo-Brazzaville, à plus de 7 300 kilomètres de la capitale norvégienne. Ici, au large des côtes congolaises, Petronor, détient, via une filiale appelée Hemla, des intérêts dans un vaste champ pétrolifère baptisé Pointe-Noire Grand Fond (PNGF) du Sud. À ses côtés, on retrouve le groupe franco-britannique Perenco. Les enquêteurs de la police norvégienne se penchent justement sur les conditions d’obtention, en janvier 2017, de la licence d’exploration du gisement PNGF Sud. À l’époque, Hemla avait obtenu 20 % des parts de cette licence jusque-là détenue par TotalEnergie et la compagnie italienne ENI. Quant à Perenco, elle en avait récupéré 40 %, devenant ainsi l’actionnaire majoritaire ainsi que l’opérateur de ce puits qui produit 20 000 barils par jour.

D’après l’enquête de Disclose et Investigate Europe, basée sur des centaines de courriels, contrats et documents financiers inédits, l’attribution de la concession PNGF Sud pourrait se trouver au cœur d’un vaste scandale de corruption impliquant directement la famille du président du Congo-Brazzaville : Denis Sassou-Nguesso, arrivé au pouvoir en 1979.

UNE AFFAIRE DE FAMILLE

Les bases du détournement des revenus liés au gisement PNGF Sud sont jetées en octobre 2016. À cette date, dans la foulée d’une réunion de travail à Paris, Paul Kionga, le gendre du président congolais, écrit un e-mail aux dirigeants de la filiale norvégienne, Knut Søvold et Gerhard Ludvigsen. « Ce fut un grand plaisir de vous rencontrer et de partager nos points de vue communs sur les opportunités de PNGF, écrit-il. Je vous confirme ici ma disponibilité pour vous soutenir dans ce projet et faire tout mon possible pour que ce rêve devienne une réalité pour nous tous. » Par ces quelques lignes, l’influent beau-fils promet d’intercéder en faveur des dirigeants du groupe norvégien et de leur associé franco-britannique. Résultat : trois mois après l’envoi du courriel, Hemla et Perenco, aux côtés d’une poignée de partenaires locaux, récupèrent le gisement PNGF Sud pour la modique somme de 25 millions de dollars en faveur de l’État congolais. Une broutille quand on sait que les avoirs de Hepco, la filiale de Hemla au Congo, ont été évalués à plus de 212 millions de dollars en 2021.

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Le 15 décembre 2021, les enquêteurs de l’agence anticorruption de Norvège perquisitionnent le siège du groupe pétrolier Petronor E & P, à Oslo. Au même moment, le directeur général de la société, Knut Søvold, et son directeur du développement, Gerhard Ludvigsen, sont arrêtés et placés en garde à vue. Dans un communiqué, la police annonce qu’ils sont entendus dans le cadre d’une enquête « liée à des projets en Afrique ». Sans autres précisions.

Il s’agit en réalité d’une enquête sur des soupçons de corruption au Congo-Brazzaville, à plus de 7 300 kilomètres de la capitale norvégienne. Ici, au large des côtes congolaises, Petronor, détient, via une filiale appelée Hemla, des intérêts dans un vaste champ pétrolifère baptisé Pointe-Noire Grand Fond (PNGF) du Sud. À ses côtés, on retrouve le groupe franco-britannique Perenco. Les enquêteurs de la police norvégienne se penchent justement sur les conditions d’obtention, en janvier 2017, de la licence d’exploration du gisement PNGF Sud. À l’époque, Hemla avait obtenu 20 % des parts de cette licence jusque-là détenue par TotalEnergie et la compagnie italienne ENI. Quant à Perenco, elle en avait récupéré 40 %, devenant ainsi l’actionnaire majoritaire ainsi que l’opérateur de ce puits qui produit 20 000 barils par jour.

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D’après l’enquête de Disclose et Investigate Europe, basée sur des centaines de courriels, contrats et documents financiers inédits, l’attribution de la concession PNGF Sud pourrait se trouver au cœur d’un vaste scandale de corruption impliquant directement la famille du président du Congo-Brazzaville : Denis Sassou-Nguesso, arrivé au pouvoir en 1979.

UNE AFFAIRE DE FAMILLE
Les bases du détournement des revenus liés au gisement PNGF Sud sont jetées en octobre 2016. À cette date, dans la foulée d’une réunion de travail à Paris, Paul Kionga, le gendre du président congolais, écrit un e-mail aux dirigeants de la filiale norvégienne, Knut Søvold et Gerhard Ludvigsen. « Ce fut un grand plaisir de vous rencontrer et de partager nos points de vue communs sur les opportunités de PNGF, écrit-il. Je vous confirme ici ma disponibilité pour vous soutenir dans ce projet et faire tout mon possible pour que ce rêve devienne une réalité pour nous tous. » Par ces quelques lignes, l’influent beau-fils promet d’intercéder en faveur des dirigeants du groupe norvégien et de leur associé franco-britannique. Résultat : trois mois après l’envoi du courriel, Hemla et Perenco, aux côtés d’une poignée de partenaires locaux, récupèrent le gisement PNGF Sud pour la modique somme de 25 millions de dollars en faveur de l’État congolais. Une broutille quand on sait que les avoirs de Hepco, la filiale de Hemla au Congo, ont été évalués à plus de 212 millions de dollars en 2021.


Le soutien affiché de Paul Kionga aux dirigeants européens ne s’est pas fait sans contrepartie financière. Selon des actes notariaux et des documents confidentiels obtenus par Disclose et Investigate Europe, Julienne Sassou-Nguesso, la belle-sœur de Paul Kionga et fille du président congolais, a en effet récupéré 15 % des parts de Hepco, la filiale de Hemla, en usant de multiples prête-noms. Rien qu’en 2018, ses actions cachées lui auraient rapporté au moins 3,3 millions de dollars. Sollicité par Disclose et IE, Økokrim, l’autorité norvégienne de lutte contre la criminalité économique et environnementale, a confirmé que l’enquête était toujours en cours, mais n’a pas souhaité préciser si les faits impliquaient la famille du président congolais.

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Le 15 décembre 2021, les enquêteurs de l’agence anticorruption de Norvège perquisitionnent le siège du groupe pétrolier Petronor E & P, à Oslo. Au même moment, le directeur général de la société, Knut Søvold, et son directeur du développement, Gerhard Ludvigsen, sont arrêtés et placés en garde à vue. Dans un communiqué, la police annonce qu’ils sont entendus dans le cadre d’une enquête « liée à des projets en Afrique ». Sans autres précisions.

Il s’agit en réalité d’une enquête sur des soupçons de corruption au Congo-Brazzaville, à plus de 7 300 kilomètres de la capitale norvégienne. Ici, au large des côtes congolaises, Petronor, détient, via une filiale appelée Hemla, des intérêts dans un vaste champ pétrolifère baptisé Pointe-Noire Gr and Fond (PN GF) du Sud. À ses côtés, on retrouve le groupe franco-britannique Perenco. Les enquêteurs de la police norvégienne se penchent justement sur les conditions d’obtention, en janvier 2017, de la licence d’exploration du gisement PNGF Sud. À l’époque, Hemla avait obtenu 20 % des parts de cette licence jusque-là détenue par TotalEnergie et la compagnie italienne ENI. Quant à Perenco, elle en avait récupéré 40 %, devenant ainsi l’actionnaire majoritaire ainsi que l’opérateur de ce puits qui produit 20 000 barils par jour.

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D’après l’enquête de Disclose et Investigate Europe, basée sur des centaines de courriels, contrats et documents financiers inédits, l’attribution de la concession PNGF Sud pourrait se trouver au cœur d’un vaste scandale de corruption impliquant directement la famille du président du Congo-Brazzaville : Denis Sassou-Nguesso, arrivé au pouvoir en 1979.

UNE AFFAIRE DE FAMILLE
Les bases du détournement des revenus liés au gisement PNGF Sud sont jetées en octobre 2016. À cette date, dans la foulée d’une réunion de travail à Paris, Paul Kionga, le gendre du président congolais, écrit un e-mail aux dirigeants de la filiale norvégienne, Knut Søvold et Gerhard Ludvigsen. « Ce fut un grand plaisir de vous rencontrer et de partager nos points de vue communs sur les opportunités de PNGF, écrit-il. Je vous confirme ici ma disponibilité pour vous soutenir dans ce projet et faire tout mon possible pour que ce rêve devienne une réalité pour nous tous. » Par ces quelques lignes, l’influent beau-fils promet d’intercéder en faveur des dirigeants du groupe norvégien et de leur associé franco-britannique. Résultat : trois mois après l’envoi du courriel, Hemla et Perenco, aux côtés d’une poignée de partenaires locaux, récupèrent le gisement PNGF Sud pour la modique somme de 25 millions de dollars en faveur de l’État congolais. Une broutille quand on sait que les avoirs de Hepco, la filiale de Hemla au Congo, ont été évalués à plus de 212 millions de dollars en 2021.


Le soutien affiché de Paul Kionga aux dirigeants européens ne s’est pas fait sans contrepartie financière. Selon des actes notariaux et des documents confidentiels obtenus par Disclose et Investigate Europe, Julienne Sassou-Nguesso, la belle-sœur de Paul Kionga et fille du président congolais, a en effet récupéré 15 % des parts de Hepco, la filiale de Hemla, en usant de multiples prête-noms. Rien qu’en 2018, ses actions cachées lui auraient rapporté au moins 3,3 millions de dollars. Sollicité par Disclose et IE, Økokrim, l’autorité norvégienne de lutte contre la criminalité économique et environnementale, a confirmé que l’enquête était toujours en cours, mais n’a pas souhaité préciser si les faits impliquaient la famille du président congolais.


Denis Sassou-Nguesso est à la tête du Congo depuis 1997.
Selon nos informations, Julienne Sassou-Nguesso, agente d’assurance de profession, s’est investie aux côtés de son beau-frère, Paul Kionga, dans les négociations d’attribution de la licence pétrolière dès l’automne 2016. À l’époque, c’est elle qui paye de sa poche les 300 000 dollars de frais de candidature dont Hemla devait s’acquitter auprès du gouvernement. Une fois cette formalité réglée, les dirigeants d’Hemla ont été invités à rencontrer le président Denis Sassou-Nguesso chez lui, dans la campagne congolaise, pour lui présenter leurs projets pour PNGF Sud. Quelques jours après cette discrète entrevue, le 11 novembre 2016, Julienne Sassou-Nguesso établissait un accord secret pour entrer anonymement au capital de Hepco. Sollicités, les anciens dirigeants de Hemla et Petronor, Knut Søvold, Gerhard Ludvigsen et Eyas Alhomouz, nient toute irrégularité dans l’obtention de la licence, mais se refusent à apporter des précisions sur les relations entretenues avec la famille présidentielle. Même silence chez Petronor.

En tant qu’opérateur et actionnaire majoritaire de PNGF Sud, la société Perenco pouvait-elle ignorer les montages juridiques et fiscaux impliquant le premier cercle de l’autocrate Denis Sassou-Nguesso ? Interrogé, un porte-parole du groupe élude la question, assurant se conformer « aux normes les plus élevées et aux meilleures pratiques en matière de lutte contre la corruption », et renvoyant vers l’État congolais en ce qui concerne le choix des titulaires du permis pétrolier.

CAPTATION DES RICHESSES

Selon un contrat en notre possession, la fille du chef de l’Etat a acquis ses parts dans Hepco via une société immobilière congolaise baptisée « Omega-AT » dont elle est la dirigeante. Mais pour être sûre de n’apparaître sur aucun document, elle a mis en place une convention de portage avec une seconde entité : MGI International. Cette astuce juridique lui permet d’entrer au capital d’Hepco et de percevoir des dividendes incognito. Or, l’un des principaux dirigeants de MGI International n’est autre que… Paul Kionga, le beau-frère de Julienne Sassou-Nguesso. Pour couronner le tout, et malgré un mélange des genres évident, Kionga a obtenu le poste de directeur de Hepco, en 2018.

Enfin, en mai 2020, un nouvel acteur va prendre part à la manœuvre de captation des richesses tirées du gisement offshore. Il s’agit de Marcel Okongo, un cousin du chef de l’Etat. D’après un autre acte notarié que nous nous sommes procurés, ce dernier va reprendre à son nom les actions détenues par Julienne Sassou-Nguesso, et jusque-là portées par MGI. Nos sources l’identifient clairement comme le prête-nom de la fille du président. Sollicités, Julienne Sassou-Nguesso, Paul Kionga et la présidence du Congo n’ont pas donné suite.

DÉTOURNEMENT DE FONDS PUBLICS

Ce n’est pas la première fois que le clan Sassou-Nguesso est accusé de siphonner les revenus pétroliers du pays, qui représentent un tiers du PIB du Congo et la majeure partie de ses exportations vers l’Hexagone. En France, l’affaire dite des « biens mal acquis » a conduit la justice à enquêter sur le très luxueux patrimoine accumulé par des membres du clan à Paris et sa région. En 2017, Julienne Sassou-Nguesso a ainsi été mise en examen pour blanchiment et détournement de fonds publics. En cause, l’acquisition, en 2006, d’un hôtel particulier de sept pièces avec piscine intérieure, à Neuilly-sur-Seine.

https://disclose.ngo/fr/article/congo-brazzaville-un-champ-de-petrole-exploite-par-perenco-au-coeur-dune-enquete-pour-corruption