L’après-Soudan

Les dés sont jetés ! Le Sud-Soudan est né officiellement depuis hier. L’ancien Soudan, plus grand pays d’Afrique en termes de surface, multiethnique et multiculturel, n’est plus. Les Occidentaux ont eu gain de cause en morcelant un pays, une nation, non pas pour protéger les droits des minorités du Sud, mais pour mieux régner sur les richesses du Nord et du Sud. 
 
L’ingérence occidentale dans le conflit qui opposait le nord et le sud du Soudan depuis longtemps aurait pu être évitée si les différents régimes qu’a connus le Soudan avaient géré de façon plus rationnelle, plus démocratique et plus juste en reconnaissant les droits des minorités confessionnelles, linguistiques, ethniques qui composent toujours le Nord-Soudan. Si la partition d’un pays est un drame, l’oppression des minorités et le refus des différences engendrent des tragédies et des catastrophes qui finissent toujours par fragiliser des nations et disloquer des pays.
 
Ce qui est arrivé au Grand-Soudan est l’œuvre de ses gouvernants qui s’entêtent à vouloir imposer une seul pensée, une seule langue, une seule religion, une seul ethnie. Ce qui est arrivé au Grand-Soudan est aussi l’œuvre des puissances occidentales qui, au nom de la démocratie, ont contraint le Soudan à se disloquer. Ce qui est arrivé au Soudan est enfin l’œuvre de la Ligue arabe, dont la majorité des membres a soutenu la sécession de l’Erythrée juste pour avoir un nouveau membre en son sein. 
 
Certes, «vaut mieux une bonne séparation qu’une mauvaise entente», comme disait Lénine en 1903, lorsque les Menchevic ont scissionné avec le Parti social démocrate russe, mais toute séparation est un corps qui se déchire avec toutes les conséquences douloureuses et traumatiques que cela provoque. Si les douleurs et les traumatismes forgent et façonnent les nations, si ces dernières ne disposent ni de richesses ni de moyens qui les aideraient à se remettre sur pied, elles n’auraient pas d’autre choix que de se soumettre à d’autres diktats aussi insupportables que celui auquel elles s’étaient délivrées. 
 
Le cas de l’Erythrée est assez éloquent. Les pays arabes qui ont soutenu l’indépendance de l’Erythrée, qui a toujours fait partie de l’Ethiopie, ont oublié aujourd’hui ce pays artificiel qui se débat dans la pauvreté, l’ignorance, les maladies et l’arriération. Le cas du Timor-Oriental est semblable. L’Occident a tout fait pour l’arracher à la souveraineté de l’Indonésie pour l’oublier aussi et lui tourner le dos. Mais ce qui est paradoxal chez ces chantres de la sécession, c’est leur soutien à des régions qui revendiquent la séparation et leur opposition à des peuples qui revendiquent l’indépendance d’une occupation étrangère. La Palestine est opprimée, terre et peuple, depuis près de soixante-dix ans par un Etat créé de toutes pièces par le même Occident qui refuse d’assumer ses responsabilités historiques pour que les Palestiniens jouissent de leurs droits nationaux. Le Sahara occidental, qui était une colonie espagnole, passe sous administration marocaine avant de devenir une colonie marocaine, se bat depuis plus de quarante ans pour le droit à l’autodétermination, en vain. L’Occident a d’autres intérêts avec l’occupant marocain.
Par Abdelkrim Ghezali
La Tribune d’Algérie, 10/07/2011

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