À quoi rime la nouvelle stratégie du Maroc sur le Sahara occidental ?
Noureddine KhelassiPublié dans La Tribune le 11 – 03 – 2017
Adhésion à l’Union africaine (UA), évacuation unilatérale de la zone tampon litigieuse de Guerguerat et rapprochement avec le nouveau SG de l’ONU : selon la franco-marocaine Khadija Mohsen-Finan, politologue spécialiste du Maghreb et chercheuse à l’université Paris-1, le Maroc a choisi un nouveau cap diplomatique dans le but de mieux faire accepter son fait accompli stratégique au Sahara occidental. Pour cette politologue, qui a toujours défendu avec une subtile intelligence les intérêts du Maroc, Rabat a changé de fusil d’épaule parce qu’il a «réalisé qu’il ne peut compter sur un affaiblissement du Polisario ou du régime d’Alger, ni sur ses amis habituels». Il veut donc «apparaître comme un interlocuteur fiable des relations internationales et isoler le Polisario en se mettant dans la légalité». Et de souligner, à juste titre d’ailleurs, que «Rabat a compris qu’il devait sortir de l’immobilisme», sachant que le statut quo lui est «devenu préjudiciable». D’où l’adoption d’une realpolitik. Cette «situation de «ni guerre ni paix» est un obstacle à ses ambitions économiques, politiques, régionales». La stratégie du statu quo à tout prix, étant improductive et contreproductive, «le Maroc s’est retrouvé dans une impasse», note la spécialiste qui pointe un «enfermement politique et stratégique, une asphyxie économique». Pour mieux comprendre le vrai sens du nouveau cap de la diplomatie marocaine qui se dessine, il faudrait donc la lire à travers son analyse qui pose sur la table les trois issues possibles pour le conflit. A savoir, un Etat sahraoui indépendant, une confédération ou une autonomie dans le cadre du Maroc. Sans surprise, Khadija Mohsen Finan estime que la «troisième option est la plus réaliste», mais qui devrait être revue et corrigée. Dans le sens où l’autonomie doit être «négociée et concertée» avec la population, et que l’accord qui en résulterait, soit applicable. Quand elle dit que «cette solution n’est pas forcément la plus avantageuse pour le Maroc», elle suggère finement qu’il aura fait alors des concessions jusqu’ici impensables. Sous-entendu que les Sahraouis auraient tout à gagner d’une autonomie plus large, dans le cadre d’une régionalisation qui lui accorderait des pouvoirs plus étendus. Prérogatives qui n’obéreraient en rien la souveraineté du royaume, symbolisée en son temps par la métaphore du «drapeau et du timbre» du roi Hassan II. Cette plus vaste autonomie, Khadîdja Mohsen Finan l’explique par «une région réellement autonome» qui «veut dire reconnaître l’identité des Sahraouis, négocier avec un acteur qui n’a pas été vaincu et traduire cela concrètement dans les modalités de l’autonomie : des élections libres, la jouissance des ressources naturelles – ce qui ferait du Sahara occidental une région beaucoup plus riche que les autres, à l’instar de la Catalogne en Espagne». A travers cette voix intelligente et intelligible, le Makhzen semble adopter une politique de réalisme productif. Du style, céder un peu plus pour gagner plus et plus durablement. En réalité, à travers cette nouvelle stratégie, les desseins géostratégiques du Maroc sont simples. Au-delà même d’une plus large autonomie, le Maroc, dans l’hypothèse où il accepterait un référendum d’autodétermination qui consacrerait l’indépendance des Sahraouis, pourrait même aller plus loin. Il pourrait céder le tiers du territoire du Sahara occidental, représenté par le Rio de Oro qui fut concédé un temps à la Mauritanie avant d’être annexé par Rabat. Dans ce cas de figure, Nouakchott gagnerait à avoir un tel territoire tampon sahraoui, et ne plus être dans une promiscuité géographique directe avec son encombrant et hégémonique voisin marocain. Tout en voulant garder une voie de communication directe avec le Maroc sans passer pour autant par le futur Etat sahraoui dans le Rio de Oro. Il s’agirait, dans ce cas hypothétique, d’une bande d’accès sous forme de corridor débouchant sur l’Océan atlantique, allant de la pointe de la Gouéra jusqu’à la limite-sud des territoires de Saguia el Hamra qui seraient sous autonomie. Un corridor qui échapperait à l’autorité sahraouie indépendante dans le Rion de Oro. Une telle configuration serait nettement préjudiciable pour le futur Etat sahraoui qui n’aurait pas l’accès direct à la mer. Dans un tel cas de figure, le Maroc abandonnerait aussi, définitivement, les zones sahraouies libérées, situées entre le mur de sable et la frontière algérienne. Pour mieux conserver les territoires «utiles» à l’ouest du mur de sable, dans la Saguia el Hamra sous statut d’autonomie avancée. Dans ce cas de figure, on ne serait pas loin d’un schéma rappelant les territoires palestiniens autonomes. Dans ce scénario, le Maroc exigerait la démilitarisation totale des Sahraouis qui, quoique réellement autonomes sur bien des dossiers, resteraient liés au Maroc par le lien ombilical de la diplomatie et de la défense. Bref, un Etat sahraoui indépendant, mais géographiquement confiné, et une région sahraouie autonome, mais à l’ombre du drapeau chérifien.
N. K.
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