ANALYSE : Anomalies

Ignacio Cembrero, 19/8/2010
L’ex-président José Maria Aznar s’est pointé hier à Melilla pour, dans le fond, dénoncer l’inefficacité du Gouvernement socialiste devant l’ordago lancé par le Maroc, et rappeler, sur le chemin, la fermeté avec laquelle il a su lutter contre le voisin. Il a été précédé dans la ville par le sous-secrétaire de Communication du PP, Esteban González Pons.
Y a-t-il un pays démocratique européen dans lequel, face à un défi extérieur, les critiques de l’opposition s’acharnent plus sur l’Exécutif que sur l’État qui le provoque ? Est-il imaginable que, par exemple, en Suisse, qui a vécu jusqu’au mois de juin des années de tension avec la Libye, l’opposition censure le Gouvernement sans à peine marquer la responsabilité du leader libyen Gaddafi ? Non.
Aznar peut difficilement donner des leçons de patriotisme à Melilla. Il l’a visitée deux fois (2000 et 2004) lorsqu’il était au pouvoir, mais en tant que leader du PP en campagne électorale et pas en tant que président du Gouvernement. Par contre, son successeur à La Moncloa l’a fait, en janvier 2006. Aznar, oui, peut se plaindre rétrospectivement du fait que José Luis Zapatero se soit déplacé jusqu’à Rabat, en pleine crise avec le Maroc, pour rencontrer le roi du Maroc. Cette initiative-là était contre-productive.
L’attitude d’Aznar et du PP leur rapportera, peut-être, des votes, mais, même si cela pourrait paraître surprennant, en plus elle aide le Gouvernement vis-à-vis du Maroc. Elle lui fournit des arguments pour que Rabat voit que les protestations donnent des ailes à l’opposition conservatrice, dont l’éventuel retour au pouvoir, en 2012, fait peur à Rabat.
Si la visite d’Aznar est une initiative anomale de la part d’une opposition démocratique, beaucoup d’autres incohérences tournent autour de l’actuelle tension avec le Maroc, qui a commencé il y a 34 jours. Le ministre des Affaires Etrangères, Miguel Ángel Moratinos, ses secrétaires d’État et sa porte-parole gardent le silence comme s’ils n’étaient pas concernés. Le ministre de l’Intérieur, Alfredo Pérez Rubalcaba, a parlé du sujet une seule fois, en Asturies, après 28 jours.
Mais la première anomalie vient du Maroc. Le 16 juillet il a découvert que la police espagnole était « raciste », outre les tensions frontalières, surtout à Melilla, qui existent depuis des années et qui Rabat n’a jamais voulu résoudre. La presque inexistente presse indépendante marocaine qui survit n’a pas de doutes sur le fait que la cascade de protestations officielles cache d’autres plaintes. Mohamed VI, est-il fâché après s’être heurté avec la présence militaire espagnole en naviguant en juin sur la côte du Rif ? Rabat est-il fâché après avoir reçu, en juillet, un document secret de Christopher Ross, l’émissaire de Ban Ki-moon pour le Sahara Occidental ? Il n’y a pas de réponse.
Cette opacité des revendications du Maroc face à un pays sopposé être ami comme l’Espagne a incité le Gouvernement à essayer de rabaisser la tension d’une manière un peu atypique : en recourant au roi Juan Carlos pour qu’il appelle Mohamed VI. Les voies diplomatiques habituels ont été obviés. Le fait simple de solliciter l’intervention du monarque prouve que quelque chose ne fonctionne pas dans cette « excellente » relation .
El Pais, 19/8/2010

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