Des voisins éloignés. Les secrets de la crise entre l’Espagne et le Maroc est le titre de l’essai magnifique du journaliste Ignacio Cembrero, le correspondant du El Pais au Maroc et au Sahel que j’ai toujours dans le chevet. Elles sont là les clés de l’équilibre difficile dans les relations Espagne – Maroc, avec des interférences multiples (appelons-les intérêts de multinationales ou de la France, des États-Unis et du Maghreb). Imaginez-vous dans sa propre communauté de voisins.
Il n’est pas facile de s’entendre avec quelqu’un de totalement différent, avec des langues différentes, sans qu’aucun ne parle celle de l’autre, avec des religions différentes, des aliments différents, des traditions différentes et des mondes presque opposés. Le Sahara est l’un des conflits non résolus dans les 40 dernières années, le territoire que l’Espagne a abandonné sans lui donner une solution, que le Maroc a envahi et que l’ONU ne sait pas, jusqu’à présent, résoudre, en le laissant devenir une poudrière de plus parmi les nombreuses qui existent sur la planète. Des milliers d’entreprises européennes travaillent à forfait au Maroc, des tonnes de ses tomates, de piments et poissons traversent le Détroit pour être vendus sur tout le vieux continent.
En échange, le Maroc est la porte d’entrée au marché immense de consommateurs africains, sa gendarmerie contrôle la sortie de pâteras à la convenance (il utilise les pauvres immigrants pour ouvrir ou fermer encore un point de tension dans ses relations bilatérales) et le royaume de Mohamed VI s’est arrogé le rôle de bouchon contre l’islamisme radical. Quel prix les sahraouis doivent-ils payer dans ce scénario, soumis constamment aux passages à tabac silenciés dans tout le monde ?
Est-il possible que les intérêts si importants en jeu valent quelques passages à tabac? Le Maroc a promis une autonomie avec un ample catalogue de compétences pour ce qu’il appelle ses territoires du sud, comme sortie d’échappement pour esquiver le référendum sur l’indépendance du Sahara. Seulement cela, il l’a promis, depuis plus de dix ans, mais il ne l’a pas accompli et personne ne peut vérifier jusqu’à quel point ces citoyens pourraient s’auto-gouverner. Ce n’est pas le seul élément de tension, comme prouvé la semaine passée avec la crise de Ceuta et Melilla, comme lors des assauts arrivent à la vaille (un autre mur de la honte, comme celui des États-Unis et le Mexique ou celui qui sépare Israël de la Palestine), et il ne sera pas le dernier.
Je vous parle de l’épisode d’hier, parce que je suis sûr qu’aujourd’hui un autre chapitre a été écrit à El Aaiún, à Smara, à Tarfaya à coups de matraque que, d’ailleurs, les attaquants filment toujours, allez savoir avec quelle intention. Carmen Roger est l’une des activistes espagnoles agressées ce week-end parce qu’elle a fréquenté des foyers et des réunions de défenseurs sahraouis des droits de ce peuple. Ses lésions se marient difficilement avec la photographie des ministres espagnol et marocain, amicaux et relax il y a quelques jours.
Juan Manuel Pardellas
El Pais, 29/8/2010
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