Le Président Bouteflika : “Unissons-nous pour la paix”

Le ministre des Affaires étrangères,M. Mourad Medelci, a lu, hier, à New York, un discours du Président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, lors de la 65e session de l’Assemblée générale des  Nations unies. Voici le texte intégral :
Monsieur le Président, 
         
Je voudrais, tout d’abord, vous féliciter de votre accession à la présidence de la présente session de l’Assemblée générale. Vos qualités humaines, votre  prestigieux parcours et votre connaissance des réalités internationales seront, sans nul doute, d’un apport certain à la bonne conduite et au succès de nos  travaux. Je tiens à vous exprimer le plein soutien de l’Algérie dans votre tâche et tout au long de votre mandat.   
       
Je voudrais, également, rendre un vibrant hommage à votre prédécesseur, mon frère Ali Abdessalam Triki, pour sa mobilisation et son engagement en faveur des principes du multilatéralisme et du respect des valeurs fondatrice de la Charte.    
      
Je me dois, enfin, d’exprimer notre grande satisfaction et notre gratitude  à notre secrétaire général, M. Ban Ki-moon, pour la qualité et la portée des  impulsions qu’il n’a cessées d’imprimer à l’action et au rôle de l’Organisation dans notre quête commune pour la réalisation et le raffermissement de ses idéaux.   
         
Monsieur le Président,          
Mesdames et Messieurs,          
Le monde continue de subir les retombées de la crise financière et économique, en dépit de la récente apparition de certains signes encourageants de reprise.
          
Les mesures adoptées jusqu’à présent pour faire face à ses effets les plus dévastateurs et relancer la machine économique mondiale nous persuadent  davantage que la meilleure manière d’éviter l’occurrence de crises encore plus profondes réside dans une refonte de la gouvernance financière et économique  mondiale.  
        
Une gouvernance qui laisserait moins de place aux aléas du marché et à la spéculation. Une gouvernance qui assurerait une représentation équitable aux pays en développement, autant dans la fixation des nouvelles règles de jeu que dans la gestion, des institutions financières internationales du 21e siècle.    
        
Monsieur le Président,          
Les principaux traits et tendances qui ont marqué le monde depuis la dernière session nous interpellent sur la profondeur de la crise économique mondiale et le besoin urgent d’y faire face de manière déterminée et solidaire. Au lendemain de la réunion plénière de haut niveau sur le OMD, ce constat est  révélateur de la persistance des éléments structurants de cette crise, en dépit des thérapeutiques administrées.    
      
En effet, les retombées de la crise économique mondiale se font ressentir de manière particulière sur les pays les plus démunis, notamment, en Afrique,  dont elles retardent la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement.  
        
En cette année d’examen de la mise en œuvre de la Déclaration du Millénaire, le dernier avant l’échéance de 2015, il apparaît de plus en plus clair qu’un  grand nombre de pays ne seront pas au rendez-vous, en particulier, en matière de santé maternelle et infantile et de lutte contre la pauvreté.     
     
Il est fondamental que la communauté internationale respecte ses engagements en matière d’aide publique au développement et mette en œuvre des mesures additionnelles  pour venir en aide à ces pays et leur permettre, sinon d’atteindre les OMD, du moins de s’en approcher à l’échéance de 2015.    
       
Dans cette perspective, il est important de réduire d’abord l’impact de la pauvreté qui est le principal obstacle à la concrétisation des OMD. Plusieurs  voies pourraient être explorées, parmi lesquelles celles qui nous paraissent les plus prometteuses à savoir :   
       
– un moratoire sur la dette des pays en développement en difficulté ;         
– et une amélioration de l’accès de leurs produits aux marchés des pays industrialisés.

Monsieur le Président,          
La programmation très pertinente d’une réunion de haut niveau sur la diversité biologique, à quelques semaines de la Conférence des parties à la  Convention prévue à Nagoya, Japon, nous fournit une précieuse opportunité de lancer un appel pressant à une mobilisation accrue de la communauté internationale en faveur de la préservation des ressources biologiques de notre planète menacées par un développement économique débridé et peu soucieux des générations futures.    
      
Dans ce contexte, je voudrais souligner la nécessité de renforcer le rôle de l’ONU dans la protection de la biodiversité dans les pays en développement et dans la promotion de la coopération Nord-Sud mutuellement bénéfique et leur permettre de mieux partager les bénéfices découlant de l’exploitation de ses  ressources.  
                  
Monsieur le Président,          
La question des changements climatiques constitue un autre défi de taille pour la communauté internationale, par les risques de tous ordres qu’il fait planer sur nos écosystèmes et nos économies. Les résultats mitigés enregistrés à Copenhague devraient inciter tous les Etats à redoubler d’efforts en vue  de progresser, lors de la prochaine réunion de la Conférence des parties à Cancun, en direction d’un accord juridiquement contraignant sur la base des principes de la Convention cadre et du Protocole de Kyoto. 
        
 J’aimerais redire, à cet égard, la priorité qui doit être donnée, dans le futur instrument, au soutien multiforme à accorder aux pays en développement et, particulièrement, africains, en termes de transfert de technologie et de flux financiers, pour leur permettre de s’adapter aux changements climatiques.
            
Monsieur le Président,          
Imputables probablement aux dérèglements climatiques, les phénomènes naturels qui viennent d’endeuiller, simultanément le Pakistan, la Russie, la  Chine et l’Inde, plaident, par leur gravité exceptionnelle, pour une restructuration des mécanismes internationaux en charge des catastrophes et, en particulier, de la stratégie internationale pour la prévention des catastrophes, basée à Genève. Un tel renforcement permettrait à travers une stratégie sur une plus large échelle et soigneusement coordonnée, une meilleure prise en charge de la gestion de ces phénomènes récurrents, à travers une plus grande mobilisation de la solidarité internationale en faveur des pays qui en sont victimes.
          
C’est dans ce même esprit empreint de solidarité et d’humanisme que je lance un appel en vue d’initier une réflexion commune sur la recherche de voies et moyens pour une prise en charge universelle d’une gestion authentique  des catastrophes naturelles. 
           
Monsieur le Président,          
Mon pays a favorablement accueilli le regain d’intérêt qu’accorde la  communauté internationale au désarmement conventionnel et non conventionnel. Fort préoccupés par le péril nucléaire qui menace l’humanité entière, les Etats non dotés de l’arme nucléaire, dont l’Algérie, sont en droit de demander aux Etats nucléaires d’assumer pleinement la responsabilité qui leur incombe de mettre en œuvre des mesures concrètes en vue d’un réel désarmement nucléaire. 
         
Les résultats de la conférence sur l’examen du TNP de 2010 constituent un pas positif dans ce sens, grâce, notamment, au lancement de processus devant aboutir à la mise en place d’une zone exempte d’armes nucléaire au Moyen-Orient. 
         
De même, mon pays, qui a toujours plaidé en faveur du droit légitime des pays à l’acquisition de la technologie nucléaire à des fins pacifiques et déploré la politique des deux poids, deux mesures, est convaincu que seul le dialogue et les moyens pacifiques sont susceptibles d’aplanir les désaccords. La réalité internationale contemporaine nous enseigne, en effet, qu’aucun Etat ne peut sanctuariser son territoire par la seule force brutale des armes.

D’autre part, dans le but de se hisser au niveau  des défis multiples posés à la paix et à la sécurité dans le monde et afin de dépasser la logique de confrontation dans laquelle elle s’est confinée et qui a paralysé ses activités pendant plus de dix années, la Conférence du désarmement devrait mettre à profit une conjoncture internationale favorable et l’élan positif généré par les résultats de la huitième Conférence d’examen du TNP de 2010, pour relancer ses travaux et honorer son mandat. 
         
A cet effet, je voudrais saluer l’initiative lancée par le secrétaire  général des Nations unies, M. Ban Ki-moon, de tenir demain, ici à New York, une réunion de haut niveau dans le but de faire progresser les négociations  multilatérales sur le désarmement.  
        
C’est dans ce but que l’Algérie demeure engagée en faveur de la relance effective des travaux de la Conférence du désarmement en vue de consolider ce forum multilatéral singulier de négociation en matière de désarmement et de  lui permettre de s’acquitter de sa mission, en faveur de la consolidation de la paix et de la sécurité internationale. Le statu quo ne saurait être une option. Le contenu et les objectifs du programme de travail de la CD, adopté en 2009, demeurent valides et susceptibles de constituer une base de travail pour ses prochaines sessions, à condition que l’esprit de compromis, dont les uns et les autres ont su faire preuve, soit réellement le maître mot de ses travaux futurs. 
           
Monsieur le Président,          
Mesdames, Messieurs,          
Depuis plusieurs années maintenant, la problématique de la paix et de la sécurité se pose également en termes d’exacerbation du phénomène du terrorisme et de ses liens qui ne cessent de se tisser avec le crime transnational organisé,  la prise d’otages, les trafics d’armes et de drogue et le trafic des êtres humains.  
        
Mon pays a salué avec satisfaction l’adoption par le Conseil de sécurité  de la résolution 1904 portant sur l’incrimination juridique du versement de rançons aux groupes terroristes, partant du principe que cette pratique absolument condamnable constitue une source importante de financement du terrorisme. 
         
Cependant, des efforts considérables restent à déployer par la communauté  internationale en vue d’éradiquer cette menace transnationale, non seulement dans le cadre de sa mise en œuvre intégrale et systématique, mais également  dans le traitement de la problématique de l’élargissement des terroristes en  contrepartie de la libération d’otages, question qui doit être abordée avec détermination, fermeté et responsabilité.  
        
La vigilance de la communauté internationale à l’égard du terrorisme transnational devrait, également, s’étendre à tous les moyens modernes qu’il déploie pour lancer ses activités criminelles, notamment, par l’usage de l’imagerie satellitaire pour planifier et commettre ses actes. Ainsi, l’Algérie convie la communauté internationale à prendre les mesures appropriées en vue d’empêcher l’usage criminel de l’imagerie satellitaire par internet.  
        
En tout état de cause, la Convention globale sur la lutte antiterroriste, à laquelle l’Algérie n’a eu de cesse d’appeler, sera amenée, une fois adoptée, à renforcer l’important arsenal juridique international. 
         
Dans le cadre du respect des principes de la Charte de l’ONU, l’Algérie  participe pleinement, dans le cadre d’une coopération régionale intégrée, maillon indispensable dans la lutte internationale contre le terrorisme. A ce titre,  l’Algérie est à l’origine de plusieurs initiatives récentes, parmi lesquelles le renforcement de la coopération bilatérale et régionale entre les Etats de la région aussi bien dans les domaines de la paix et de la sécurité, que dans  celui du développement. Les pays de la région sahélo-saharienne ambitionnent, ensemble de forger une vision la plus large et la plus cohérente possible des enjeux d’une sécurité collective.   
       
Au demeurant, je reste convaincu qu’une approche sélective de la lutte antiterroriste ne peut réaliser les objectifs escomptés. Seul le respect intégral de tous les principes énoncés par la stratégie antiterroriste adoptée en 2006 devrait constituer notre feuille de route.

Monsieur le Président,          
L’Algérie est attachée à la poursuite de l’action commune pour l’édification de l’Union du Maghreb arabe et la dynamisation de ses institutions en vue de  concrétiser ce projet civilisationnel qui constitue le cadre idoine pour la  coopération et la complémentarité économique entre les Etats de la région. 
         
Soucieuse de favoriser la construction maghrébine, elle a déjà lancé, dans le cadre de ses récents programmes de relance économique et sociale, des projets de développement à portée maghrébine d’envergure, de nature à favoriser  l’intégration sous-régionale.                    
Monsieur le Président,          

Le peuple palestinien qui aspire toujours à bâtir un Etat viable, demeure otage de l’indécision de certaines parties qui font prévaloir le statu quo, aggravé par des politiques d’agression et des blocus tous azimuts par la puissance  occupante. 
         
Nous réitérons notre appel à la communauté internationale à faire preuve de plus de fermeté et de cohérence envers ce conflit, en exerçant des pressions crédibles sur la force d’occupation afin de l’amener à respecter ses engagements.  
        
De même, je saisis cette occasion pour réitérer mon appel, lancé en  mars 2010, lors du dernier Sommet arabe de Syrte, à notre honorable Assemblée générale, à reprendre ses travaux sous le thème « Unissons-nous pour la paix »,  unique voie lui permettant de doter ses résolutions de la force juridique capable de contraindre la puissance d’occupation à mettre un terme à sa politique unanimement condamnable.  
        
Nous estimons aussi qu’un règlement définitif, juste et global de ce conflit passe par la mise en œuvre de l’initiative arabe de paix. Un règlement qui doit honorer toutes les revendications du peuple palestinien, parmi lesquelles  l’arrêt immédiat de la colonisation, le droit au retour des réfugiés et le choix  d’El Qods-Est comme capitale de l’Etat palestinien, dans le cadre des frontières d’avant juin 1967. Un règlement qui doit comporter, également, la restitution  des autres territoires arabes occupés du Golan et du Liban.
            
Monsieur le Président,          
Alors que nous fêtons, cette année, le 60e anniversaire de l’adoption  de la Résolution 1514 qui a consacré le principe de l’affranchissement des peuples opprimés du joug colonial, dans un contexte marqué par la fin de la deuxième décennie internationale de l’élimination du colonialisme, nous constatons, hélas, la persistance de territoires non autonomes, dont les populations aspirent toujours à l’autodétermination. 
         
A ces fins et conformément à ses responsabilités et ses devoirs, l’Algérie demeure disposée à apporter son plein soutien aux efforts de l’ONU visant à  résoudre le conflit du Sahara occidental. 
         
C’est pourquoi nous réitérons notre soutien à la mission et aux efforts  de l’envoyé spécial Christopher Ross ainsi que notre attachement à la dimension des droits de l’homme et à la nécessité de sa prise en charge par le Conseil des droits de l’homme et les mécanismes universels en la matière. 
         
Il est indispensable que la communauté internationale assume sa pleine responsabilité envers le peuple du Sahara occidental, conformément aux dispositions  pertinentes de la Charte des Nations unies, afin de parvenir à une solution politique juste qui permettra au peuple du Sahara occidental d’exercer son droit inaliénable à l’autodétermination au moyen d’un référendum.

Monsieur le Président,          
La lutte contre l’impunité et les violations des droits humains est devenue un acquis irréversible pour la communauté internationale. Mais faut-il encore qu’elle s’inscrive dans une approche globale qui n’entrave pas tout processus de résolution politique des crises et conflits dans le monde, et ni ne contrarie les efforts régionaux et internationaux en matière et ce, conformément à la  Charte des Nations unies.
          
Je réitère, à cette occasion, la position de mon pays qui s’insère en droite ligne de celle de l’Union africaine et réaffirmée lors de la XVe Conférence  des chefs d’Etats et de gouvernements, tenue récemment à Kampala, qu’une justice  internationale à double vitesse et focalisée uniquement sur une région particulière du monde, risque de menacer la paix et la sécurité régionales, dénaturer les nobles causes de cette justice et l’instrumenter, in fine, à des fins politiques et géostratégiques.   
                 
Monsieur le Président,         
 Consciente que la paix et la sécurité demeurent la clé de la réussite de tout processus durable de développement économique et social, l’Union africaine a proclamé l’année 2010 « Année de la paix », exprimant, ainsi, la volonté de ses Etat membres de déployer tous les moyens pacifiques de résoudre les conflits et les crises qui perdurent ou qui surgissent sur le continent.      
    
En effet, nous encourageons au sein de l’Union africaine, le processus de consolidation de la paix et de reconstruction post-conflit, ainsi que la  réconciliation nationale, seules voies pouvant prévenir la résurgence des foyers  de crise.  
        
De même, notre détermination à lutter contre les changements anticonstitutionnels a été mise à l’épreuve. Nous avons, ainsi, pu exprimer au sein de l’Union africaine et à travers ses institutions, notre rejet total de ce mode d’accès au pouvoir.  
        
Notre continent, qui s’attelle à instaurer les principes de démocratie, de bonne gouvernance et de l’Etat de droit, est voué à concrétiser son intégration aussi bien économique que politique et devenir, ainsi un partenaire qui compte au sein de la communauté internationale.

Source : El Moudjahid, 27/9/2010

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