Mauvais scénario

Mais que se passe-t-il au Maroc ? Nous avons le sentiment d’un pays qui se prépare à une guerre, pour l’instant médiatico-politique seulement, contre l’Algérie. Et de quoi s’agit-il ? D’un ex- membre du Polisario, chargé de la sécurité paraît-il, qui s’était rendu au Maroc pour cautionner le plan d’autonomie élargie du royaume concernant le Sahara occidental. Une défection, un traître, dit le Polisario. Jusque-là, il n’y a que du banal. 

Mais voici que le traître revient vers les siens, dans les camps de réfugiés, non pour faire repentance comme on aurait pu s’y attendre, mais pour clamer sa trahison face à ceux qu’il a trahis – pour les narguer. Provocation ? Folie ? Quoi qu’il en soit, le Polisario procède à son arrestation et s’apprête à le juger. C’est là que le Maroc intervient, en criant à l’atteinte aux droits de l’Homme. A la fois contre le Polisario et contre l’Algérie qui soutient ce dernier. 

Tout le gotha marocain monte au créneau comme un seul homme. On dénonce, outre l’atteinte aux libertés, un enlèvement en bonne et due forme, un arbitraire digne des méthodes staliniennes, un acte «intolérable» de barbarie etc. On veut mobiliser l’opinion mondiale, on écrit à l’ONU, on se regroupe près des frontières avec l’Algérie pour l’insulter – ce que El Watan qualifie de «provocation» comme pour amplifier ici ce non-événement – etc. Une impression se dégage rapidement, celle d’un coup préparé et monté par le Maroc contre son (ou ses) adversaires au sujet du Sahara occidental. 

Avec un scénario qui fait écho à l’émoi suscité par Aminatou Haider lors de sa grève de la faim. L’Algérie accueille tout cela avec passivité pour l’instant. On verra bientôt si cette histoire tient debout. Mais en attendant, quelques observations peuvent déjà être faites. La première est dans le contraste entre la fièvre marocaine et son impact réel au plan international. Cela relève du pathétique. 

Toute cette agitation qui dure maintenant depuis plusieurs jours dans le royaume chérifien a des effets si maigres, une portée si faible, au plan régional comme au plan international, que l’on en est presque surpris. C’est donc tout ce que la diplomatie, les médias, les politiques et les associations, marocains sont capables d’imaginer et de réaliser ! Ensuite, qui a pu croire que l’histoire de ce fonctionnaire qui a trahi les siens pour revenir ensuite leur cracher sa trahison sur la figure, dans un mauvais scénario de série B, allait émouvoir le monde entier et contraindre le Polisario ou ceux qui le soutiennent à renoncer à leur combat ? N’a-t-on rien compris, chez nos voisins, du combat que mène Aminatou Haider, pour l’indépendance de son pays, et du combat, en supposant qu’il en soit un, que mène un homme qui veut seulement faire allégeance à un souverain absolu qui règne à vie ? 

Quant aux insultes et autres gracieusetés proférées contre l’Algérie, «patrie des atteintes aux droits de l’Homme», elles seraient assurément davantage percutantes si elles provenaient de personnalités ou de médias plus crédibles, aussi bien chez eux qu’ailleurs.

Par Aïssa Khelladi

Les Débats, 6-12/10/2010

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