La presse marocaine et les événements de Laâyoune : Lecture critique

Ils ne s’en cachent pas. Ils défendent bec et ongles leurs services de sécurité et assurent que tout est rentré dans l’ordre et que le calme règne à Laâyoune.

Dans le même temps des journalistes et des observateurs étrangers ont été interdits d’entrer à Laâyoune et ne restait plus pour comprendre les événements que les communiqués officiels et une couverture pour le moins partiale d’une presse marocaine qui confond patriotisme étroit et éthique journalistique. Une presse qui fait corps avec le roi, les politiques, quitte à perdre pas mal de plumes en termes de crédibilité. Qui relaye sans coup férir une propagande des plus primaires. Si puérile d’ailleurs que l’on peut se demander qui elle peut convaincre encore ? Une opinion qui a accès aux sources étrangères et mêmes officielles peut-elle être aveuglée ?

En tête de pont la MAP, Maghreb Arabe Press, l’agence officielle marocaine qui tout en se cantonnant le plus souvent à ne diffuser que de l’information, peut par exemple mettre en relief un rôle supposé de l’Algérie à l’exemple de cette dépêche assassine diffusée le 12 novembre sur «l’étonnement officiel» du Foreign Office, le ministère des Affaires Étrangères Britanniques. «Le Foreign Office exprime son étonnement face aux informations fallacieuses publiées par l’APS», l’APS, cette autre agence liée à la MAP dans le cadre du pool UMA. Mais passons, à la guerre comme à la guerre. Ainsi, on apprend que l’information fallacieuse serait d’avoir mis dans la bouche de William Hague le ministre des Affaires Étrangères britannique des propos au sujet de la protection des ressortissants britanniques qui se rendent au Maroc et notamment dans les territoires du Sahara Occidental. Que nenni, dit la MAP. «Il s’agit d’une information loin de toute précision», a dit leporte-parole dans un communiqué parvenu à la MAP (spokesman of the British Foreign Office said in a statement, stressing that the APS story is far from being accurate, dans la version anglaise de la dépêche). On remarque l’emplacement des guillemets en français qui disparaissent dans la version anglaise. Mais là n’est pas l’essentiel. La question a effectivement été posée à M. Alistair Burt ministre au Foreign Office chargé du Moyen-Orient et de l’Afrique du nord quand même, le 9 novembre, le lendemain du démantèlement particulièrement violent du camp de Agdim Izik. Au-delà, le Foreign Office a effectivement fait montre de sa position officielle concernant les événements au Sahara Occidental le 11 novembre. Dans un communiqué rendu public, le département des Affaires étrangères britannique a fait montre de son inquiétude quant aux événements qu’il suit de près ; «la Grande Bretagne considère le statut politique du Sahara occidental comme indéterminé. Nous restons engagé selon la position des Nations unies appelant à une solution juste, définitive et mutuellement acceptable permettant l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental». Ce simple rappel, officiel, accessible ne trouve pas grâce aux yeux de la presse marocaine qui reprend la dépêche de la MAP sans mettre en relief la position du Foreign Officiel, ne serait-ce qu’à titre de complément d’information.

Mais ce n’est pas chez l’agence officielle marocaine que l’on trouve les articles les plus véhéments.

Aujourd’hui le Maroc évoque la main d’Alger. «La main des services algériens est tellement visible à Laâyoune qu’il est peut-être temps de mettre fin à la politique de la main tendue du Maroc. On ne peut plus tolérer qu’un Etat voisin et supposé frère continue à nous agresser et à nous combattre pendant qu’on lui tend la main et qu’on lui demande de regarder, ensemble, vers l’avenir», écrit le journal. Puis menaçant, il conclut : «Et Alger doit savoir que la patience a des limites et que face à une provocation, le peuple marocain, uni derrière son roi, ne se laissera pas faire.» Bien entendu, propos délibérément excessifs, donc insignifiants, si ce n’est qu’ils alimentent cette guerre de papier livrée à l’Algérie depuis des années par quelques titres marocains. Bien entendu dans le fatras de commentaires aucun point de vue des Sahraouis contestataires ne serait-ce que ceux de l’intérieur.

De là à parler des représentants du Polisario qui eux aussi, aux avant- postes de la communication, soulignent que la situation est très grave à Laâyoune, il ne faut pas fantasmer. Notons que les journaux du royaume qui ont essayé de donner un autre point de vue sur la situation dans les territoires du Sahara occidental bien avant ces événements se sont heurtés aux rigueurs de l’establishment. «Le journal hebdomadaire» fermé en janvier 2010 fait partie de ces cas devenus célèbres au Maroc. Ali Lemrabet est une autre victime qui s’est frottée aux lignes rouges de la liberté d’expression au Maroc.
Par Amine Esseghir
Les Débats, 17-24/11/2010

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