Abraham Serfaty est décédé jeudi dernier à Marrakech

«J’irai d’abord en Palestine lorsqu’il y aura un Etat puis je passerai voir des amis juifs qui se trouvent en Israël.» Ce sont là les propos d’un grand homme confiés à l’AFP en 2005. Braham Serfaty est de la dimension d’Henri Curiel et de Naom Chomsky. Ce militant de l’extrême gauche marocaine, qui a épousé toutes les causes justes, celle des travailleurs de son pays et du monde entier, celle des droits de l’Homme là où ils sont bafoués, celle des femmes humiliées et réduites en esclavage, celle de la Palestine, celle du Sahara occidental, celle de son peuple contre la tyrannie. Abraham Serfaty est décédé jeudi dernier dans une clinique à Marrakech à l’âge de 84 ans, après avoir consacré sa vie à militer contre l’absolutisme monarchique.
Il a été inhumé hier à Casablanca. «J’ai perdu un ami et quelqu’un qui avait le courage de dire ses idées par rapport au changement de la politique et des institutions», a déclaré Amina Bouaych, présidente de l’Organisation marocaine des droits de l’Homme (OMDH). Le parcours militant de Serfaty a commencé en 1944 au sein du PCF jusqu’en 1949. Son engagement pour l’indépendance du Maroc lui a valu la prison de 1950 à 1956 puis la résidence surveillée jusqu’à l’indépendance de son pays. Ingénieur des mines de formation, il participe ensuite à la mise en place des institutions de l’État marocain, et occupe des postes plus techniques que politiques, dont celui de l’enseignement.
En 1970, il rompt avec le Parti communiste marocain, l’actuel PPS, qu’il considère comme trop sclérosé, et contribue à la fondation de l’organisation d’extrême gauche Ila el amam (En avant, actuellement la Voie démocratique), An-Nahj ad-dimouqrati). Arrêté et torturé par le régime de Hassan II en 1972, il entre ensuite dans la clandestinité. Arrêté de nouveau en 1974, il restera emprisonné dix-sept ans, jusqu’en septembre 1991. Il est alors privé de sa nationalité marocaine à cause de sa position à l’égard de la «marocanité» du Sahara occidental.
Son soutien à l’autodétermination du peuple sahraoui lui vaut d’être expulsé du territoire marocain. En septembre 1999, il est autorisé par le jeune roi Mohammed VI à rentrer au pays, et sa nationalité marocaine est reconnue officiellement et sans contestation possible. Abraham Serfaty, comme d’autres Juifs séfarades, par exemple Ilan Halévy ou Henri Curiel, est foncièrement anti-sioniste. Dans Écrits de prison sur la Palestine, il écrit : «Le sionisme est avant tout une idéologie raciste. Elle est l’envers juif de l’hitlérisme […] Elle proclame l’État d’Israël “État juif avant tout”, tout comme Hitler proclamait une Allemagne aryenne.»
Par Abdelkrim Ghezali
La Tribune d’Algérie, 20/11/2010

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