Quand le PE brise le silence

Le Parlement européen (PE), décidément bien en avance sur les Etats qui y siègent, a condamné jeudi, à la majorité de ses membres, les récents massacres commis au Sahara occidental par l’armée marocaine d’occupation. Un texte jugé satisfaisant par les dirigeants sahraouis, mais pas par les Marocains, comme il fallait s’y attendre, eux qui auraient préféré, à défaut d’un soutien à leur politique d’occupation sous les formes les plus diverses, que le PE n’en soit pas saisi. Qu’il se taise, pour faire plus simple.

Car là est le fond de la question et en soi, l’objectif est atteint. Même si le silence est ainsi brisé, c’est l’action marocaine qui est condamnée, l’instance européenne étant aussi attendue sur le fond de ce conflit, s’agissant pour les Nations unies d’une question de décolonisation et le PE, comme on le constate, y souscrit pleinement. Mais comme s’il imposait des limites à son action, il considère que les Nations unies constitueraient l’organisation «la plus à même de mener une enquête internationale indépendante en vue de clarifier les évènements, les décès et les disparitions».

Mais avec beaucoup de précautions, le PE a fait ce qu’il fallait en pareille circonstance avec une gradation dans la revendication. Ouverture du territoire aux observateurs indépendants et «nécessité d’inviter les organes des Nations unies à proposer l’instauration d’un mécanisme de surveillance des droits de l’homme au Sahara occidental». En reprenant ce qui tient lieu d’évidence, et là il s’agit du soutien aux démarches de l’ONU, la résolution appelle à une solution «qui soit conforme aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies», lesquelles, rappelle-t-on, reconnaissent le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. C’est en partant de ce principe qu’apparaît toute l’étendue du texte en question. Ainsi est-il demandé à l’Union européenne d’«exiger du royaume du Maroc qu’il se conforme au droit international en ce qui concerne l’exploitation des ressources  naturelles au Sahara occidental». En d’autres termes, que cesse le pillage de toutes les ressources du Sahara occidental avec d’incroyables complicités, avec des contrats conclus en toute connaissance de cause.

Des Etats n’ont pas hésité à entretenir la confusion jusqu’à ce que l’ONU mette les choses au clair en soulignant que le Maroc est une puissance occupante. Des entreprises n’ont pas hésité à s’en retirer. Et si des Etats persistent dans cette voie, cela est un autre volet dénoncé en son temps par des organisations internationales. Est-ce pour cette raison que le Parlement européen préfère voir l’ONU enquêter sur ce qui s’est produit ? Outre le blocage, il y a manifestement un flagrant parti pris en mesure de bloquer même les Nations unies. C’est probablement pour cette raison qu’un député considère ce vote comme une «performance». Maintenant que l’on en parle, et de manière aussi évidente, il est attendu que le PE ne se dessaisisse pas de cette question. Sa mission, pour ainsi dire, ne fait que commencer.

Mohammed Larbi
El Watan, 27/11/2010

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