Le Makhzen force la rue à soutenir son projet d’autonomie

À quelles logiques obéit la marche du dimanche 28 novembre 2010 qui a été initiée au Maroc, plus particulièrement à Casablanca, la capitale économique ?
La marche de Casablanca a également ciblé l’Algérie et le Front Polisario, entretenant davantage la confusion pour se dérober des questions de fond. 

Conforté par la dernière position du Conseil de sécurité de l’ONU qui a “déploré” les violences commises, lors du démantèlement du camp de Gdeim-Izik, près d’El-Ayoun occupée, sans décider d’ouvrir une enquête et sans condamner l’attitude de Rabat envers la Minurso, et surtout encouragé par la protection franco-espagnole et le rôle joué par la France, qui s’est opposée à une enquête de l’ONU (version confirmée à demi-mot par une source diplomatique anonyme citée par le journal français Le Monde du 18 novembre 2010), le Maroc ne s’attendait point à ce que cette question soit portée à l’hémicycle européen. Il a donc été ébranlé par la position du PE, lequel a condamné les violences commises, le 8 novembre, au camp sahraoui et demandé “instamment” la mise en place sous l’égide de l’ONU d’une commission d’enquête pour élucider les “violents incidents”, en invitant l’UE “d’exiger du royaume du Maroc qu’il se conforme au droit international”.

À la veille d’une importante rencontre de l’UE sur le statut avancé concédé à Rabat, le Maroc est au comble de l’agitation. Rien de mieux pour un système vieillissant fonctionnant sur l’arbitraire, les nouveaux bagnes de Tazmamart, la désinformation et le dénigrement, d’exploiter, en tant voulu, la façade démocratique. La marche du 28 novembre effacera-t-elle vraiment le contenu de la résolution du PE et voilera-t-elle les nombreuses atteintes commises par le Maroc, y compris celles de fermer le territoire sahraoui aux élus et parlementaires étrangers, ainsi qu’aux observateurs et journalistes indépendants ?
Quels messages veut-elle faire passer ? Cette action s’inscrit-elle dans la recherche d’une solution politique juste et durable du conflit relatif au “territoire non autonome” du Sahara occidental ? Cherche-t-elle à voiler les derniers dérapages de Rabat et à minimiser les dégâts enregistrés le 8 novembre dernier, au camp sahraoui de Gdeim-Izik ? S’inspire-t-elle de la “Marche verte” du 6 novembre 1975, pour décrocher cette fois un accord économique avec l’Union européenne ? 
Ce sont là quelques questions suscitées par la marche dite “historique” de Casablanca qui, d’après les organisateurs et d’autres sources (agences de presse), a rassemblé “plusieurs centaines de milliers” de Marocains, “plus d’un million”, “plus de 2 millions” ou de “3 millions” de Marocains. Si l’on se penche sur les commentaires rapportés par les médias marocains, la marche du 28 novembre portait “plusieurs messages”. Elle se voulait d’abord une réponse aux “ennemis de l’intégrité territoriale du royaume”. Elle exprimait le point de vue “unanime” du peuple marocain, descendu dans la rue pour défendre “la marocanité” du territoire sahraoui. Et, pour faire un clin d’œil à leurs alliés espagnols au pouvoir, pour  “condamner les agissements et le complot du Parti Populaire espagnol”, accusé d’être derrière l’adoption récente d’une résolution, par le Parlement européen, défavorable au Maroc. Une résolution qualifiée de “précipitée, injuste et partiale”. Réagissant aux discours développés, avant et pendant la marche, le président sahraoui, Mohamed Abdelaziz, a indiqué que le Maroc a trouvé chez le parti populaire espagnol le parfait “bouc émissaire”, pour faire endosser aux autres, “gouvernements, forces politiques, organisations de droits humains et médias indépendants”, la responsabilité de ses propres  “erreurs” et faits accomplis. Il a également observé qu’en agissant de la sorte, Rabat  “méprise l’opinion publique dans ce pays (l’Espagne) et (s’ingère) dans ses affaires intérieures, dans une période politique très sensible.” 
Hafidha Ameyer
Liberté, 30/11/2010

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