Le Maroc sacrifie la question sahraouie

Le Front Polisario, qui garde ouvertes les portes du dialogue, souligne que «l’option de la guerre reste de mise».
Les ouléma marocains, à leur tour, s’engagent à faire de la décolonisation du Sahara occidental une affaire d’atteinte à l’intégrité territoriale du Royaume. «Le Conseil supérieur des ouléma, institution légitime représentant les ouléma du Royaume du Maroc et les imams de ses mosquées, a suivi avec une profonde consternation ce que le peuple marocain a vécu durant les dernières semaines comme complots extérieurs visant à porter atteinte à l’intégrité territoriale du Maroc, ainsi que les tentatives de semer la discorde au sujet d’une question sacrée…» peut-on lire dans le communiqué du Conseil supérieur des ouléma publié par l’agence de presse officielle marocaine MAP.

Quelle place reste-t-il aux négociations de paix? Rabat leur imprime un tour de vis supplémentaire qui laisse sceptique, quant à l’application des résolutions votées par le Conseil de sécurité, qui garantissent au peuple sahraoui de s’exprimer sur son avenir dans le cadre d’un référendum. La sphère du religieux est appelée au chevet de la politique et de ce que, désormais, le pouvoir marocain appelle la diplomatie «parallèle». Un qualificatif aux consonances mafieuses dont ne peuvent s’honorer des relations internationales saines. Cela n’augure rien de bon. Le Conseil supérieur marocain des ouléma à l’issue des travaux de sa 11e session ordinaire tenue, samedi à Agadir, a décidé de voler au secours du pouvoir marocain malmené par la communauté internationale et les médias internationaux au sujet de sa politique de répression dans les territoires occupés. «Au regard de la charia, dans la conscience de tous les Marocains, lesquels ont fait acte d’allégeance à Amir Al Mouminine, SM le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, selon les prescriptions de la religion et conformément à leurs traditions consacrées, en vue de les conduire dans toutes les actions, quels que soient les sacrifices qu’exigent la protection de la foi et de la religion et la préservation de l’unité et de l’intégrité territoriale de la nation», ajoute le texte des représentants légaux de la foi musulmane au Maroc. Des hommes de foi qui se tiennent prêts à en découdre! Discours de circonstance ou fetwa? Il plane comme une odeur de soufre sur le conflit du Sahara occidental dont le cessez- le feu conclu entre les deux parties, le Front Polisario et le Maroc, en 1991, atteindra dans quelques jours sa 20e année. Une génération. Il s’agit «de plusieurs années d’attente et de tergiversations et le peuple (sahraoui, Ndlr) ne saurait attendre indéfiniment. Notre patience a des limites et nous avons adopté depuis 1991 une résistance pacifique, mais la situation s’est aggravée, notamment avec le démantèlement du camp de Gdeim Izik» a déclaré le Premier ministre sahraoui dans un entretien accordé au quotidien espagnol Noticias De Navarra. Le peuple sahraoui «ne saurait patienter indéfiniment et sa patience a des limites», a souligné Abdelkader Taleb Omar qui a réitéré la disponibilité du Front Polisario et son adhésion à toutes les tentatives de négociations tout en rappelant que «l’option de la guerre reste de mise».

Le Premier ministre sahraoui, qui ne veut offrir aucune occasion de rupture des négociations au pouvoir marocain, analyse lucidement la situation. «En tant que politiques, nous nous trouvons face à une situation compliquée, d’autant que nous ne voulons accorder au Maroc aucun prétexte pour qu’il puisse entraver le processus de paix, notamment après les réactions internationales aux événements de Gdeim Izik qui l’ont mis dans l’embarras», a fait remarquer le responsable sahraoui. Reste-t-il dans un tel contexte une porte de sortie à ce conflit? «Les Nations unies sont en mesure d’organiser un référendum et surveiller toute violation des droits de l’homme au Sahara occidental, mais le Maroc ne permettrait à aucune partie une telle initiative, pas même à la Minurso ce qui suscite moult interrogations», a estimé Abdelkader Taleb Omar. Les Etats unis qui ont apporté leur soutien à Christopher Ross, ont mesuré sans doute le degré d’enlisement dans lequel se trouvent les pourparlers qui se sont déroulés sur leur sol (à Manhasset dans la banlieue de New York) entre le Maroc et le Front Polisario. «Il n’y a pas de changement dans notre politique, nous continuons à appuyer les efforts de médiation des Nations unies», a indiqué, mardi, le porte-parole du département d’Etat américain, Philipp Crowley, à l’occasion de son briefing quotidien. Une manière de rappeler que la Maison-Blanche garde un oeil braqué sur le Sahara occidental.
Mohamed TOUATI
L’Expression, 23/12/2010

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*