Le jackpot médiatique du Makhzen

Le Makhzen croit avoir gagné un gros lot médiatique. Le Polisario ne serait qu’un gros cartel de la drogue. «Dans la plus grande discrétion» la Drug Enforcement Administration (D.E.A) et la Central Intelligence Agency (C.I.A) seraient déjà sur les lieux, à Nouakchott. Un réseau de narcotrafiquants «composé à 90% d’éléments issus des camps du Polisario» vient d’être démantelé par l’armée mauritanienne. Le 7 décembre elle a tué deux hommes et en a capturé sept dans l’est de la Mauritanie. Ça en fait du monde, 90% de Polisario, pour que cela suffise à revoir le statut du mouvement de libération, sans rire. Avec les étatsuniens sur l’affaire c’en est fini des ennuis du petit roi. C’est que 90% de Sahraouis c’est beaucoup et assez dans une bande de 9 trafiquants. 
 
A bien suivre le raisonnement, ce serait par extrapolation un échantillon représentatif des réfugiés de Tindouf qui apparaissent comme un gigantesque réservoir de trafiquants. De plus, Tindouf n’est pas la forêt colombienne donc ils ne peuvent pas s’échapper. Avec ou peut-être sans une résolution de l’ONU, une coalition internationale sous la houlette des GI’s et autres marines en viendra rapidement à bout. 
 
Une autre hypothèse serait qu’il n’y a pas besoin d’aller jusqu’à cette extrémité, il suffira de les y laisser en paraphant une résolution qui reconnaît au Maroc la marocanité du Sahara occidental. Libres à eux de se débrouiller avec le gouvernement algérien ou de faire amende honorable en réintégrant les territoires de leurs tribus respectives, reconnaissant par ce geste leur allégeance au trône alaouite. Cependant, la superficie des terres consacrées à la culture de cannabis au Maroc est estimée à 50 000 hectares. Le Makhzen travaillerait à la réduire à 12 000 ha en 2012. Ceux qui en vivent seraient au nombre de 136 000 personnes «directement concernées par la culture du cannabis», et à 100% Marocains. Mais personne ne fait d’extrapolation au peuple marocain. Le doigt est pointé sur le Makhzen lui-même. Pour avoir osé le faire, Chekib El Khiari, journaliste et militant des droits de l’homme a été condamné par la justice marocaine en 2009. Il avait dénoncé la connexion entre des trafiquants de drogue et certains responsables locaux du Nord marocain. Cela a au moins poussé la police royale à donner le change en réprimant les responsables pointés. 
 
Avant de prendre trois ans de prison, le journaliste luttait contre les narcotrafiquants, dans la lagune de Marchika, près de Nador, où pouvaient être chargés une soixantaine de zodiacs à la fois. Les forces de l’ordre sont intervenues à la suite d’une lettre de Chakib à Mohamed VI. Elles ont fait déguerpir les zodiacs sans s’en prendre aux trafiquants… Le journaliste a payé de sa liberté pour avoir «porté atteinte à la réputation du Maroc à l’étranger», «pour avoir ouvert un compte en banque à l’étranger sans autorisation» ou pour «outrage aux corps constitués», on ne sait plus. Ces derniers jours, un «go fast», une vedette utilisée dans le trafic de stupéfiants, qui transportait plusieurs tonnes de drogue, a été arraisonnée par la marine française dans les eaux internationales au large des côtes marocaines. Quatre Marocains se trouvaient à bord. Encore 100% de Marocains. Mais encore une fois personne n’a extrapolé. Après tout ça, il faut bien reconnaître que plus le tissu est blanc plus les taches se voient.
Par Ahmed Halfaoui
Le Jour d’Algérie, 23/12/2010

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