Le prolétariat marocain se stalinise

Le soutien des syndicats espagnols en faveur du Front Polisario chauffe à blanc les masses laborieuses marocaines.
La révolution marocaine doit passer par la conquête de Ceuta, Melilla, les îles Jaâfarines… Le prolétariat marocain est prêt à aller au combat tout en piétinant la cause sahraouie. La Confédération démocratique du travail (CDT) créée par l’Union socialiste des forces populaires, née d’une scission avec l’UMT, a décidé de suspendre à compter du 1er janvier 2011 ses relations de coopération avec les syndicats espagnols, en raison de leurs positions hostiles à l’intégrité territoriale du Royaume. Dans le document qui leur a été adressé, la CDT les a appelés à «reconsidérer leurs positions illégitimes et leur soutien au soi-disant Polisario».

La Centrale syndicale marocaine souligne que «la classe ouvrière (marocaine Ndlr) poursuivra son militantisme, mobilisera ses potentialités et énergies nationales et ne ménagera aucun sacrifice pour consolider l’unité territoriale de nos provinces du Sud, renforcer la mobilisation nationale pour la libération de Sebta et Melilla et des îles relevant des deux présides occupées, ainsi que l’édification d’une société démocratique», indique une dépêche publiée par l’agence de presse officielle marocaine, MAP datée du 31 décembre 2010.

Le socialisme à l’intérieur de chaque pays c’est le modèle qui caractérisait les pays inféodés à l’ex-Union soviétique. Le petit père des peuples, Staline, l’a exporté hors de ses frontières à défaut de promouvoir le célèbre slogan qui a animé la Troisième internationale: «Prolétaires de tous les pays, unissez vous». Il a instauré la théorie dite du socialisme dans un seul pays. A chaque pays son nationalisme, à chaque pays son progressisme, nous indiquent les forces laborieuses marocaines qui se situent dans le même contexte des décennies après que le bloc des pays de l’Est ait fait sa mue.

Sur le plan syndical, l’année 2011 démarre donc en fanfare au Maroc (qui occupe l’ancienne colonie espagnole du Sahara Occidental, ndds) La Confédération (marocaine) démocratique du travail a rompu depuis le premier jour de la nouvelle année toute relation avec les syndicats espagnols.

S’il y a belle lurette que la lutte des classes ne répond plus à l’orthodoxie marxiste en matière de revendications sociales, l’internationalisation des causes justes, celles des peuples opprimés, qui trouvaient un écho favorable au sein du prolétariat donne l’impression d’être jetée aux orties. Est-ce une particularité marocaine? Difficile de répondre à une telle question mais si l’on se fie à certains médias, la tendance pencherait plutôt vers le oui!

«La CDT a fait état à cette occasion, de la profonde déception de la classe ouvrière marocaine et de l’ensemble des citoyens des positions des syndicats espagnols, hostiles aux intérêts suprêmes du Maroc et alignées à la thèse séparatiste appuyée par l’Algérie pour des visées expansionnistes», poursuit le texte répercuté par MAP.

La solidarité entre les peuples en général et en faveur des peuples opprimés en particulier prônée par les syndicats de gauche de tous les pays semble avoir une limite, une ligne rouge à ne pas dépasser au Royaume chérifien: le soutien du peuple sahraoui dans la lutte pour son indépendance. Le communiqué de la Centrale syndicale marocaine est clair à ce sujet. Elle justifie la rupture annoncée de ses relations avec l’ensemble des syndicats espagnols par le soutien de ces derniers à la cause sahraouie.

«Ces positions entravent les relations avec les Centrales syndicales espagnoles qui, pourtant, ont fait siennes les valeurs universelles humanitaires, intellectuelles et de solidarité ouvrière pour la défense des intérêts socioéconomiques des salariés…» Un paradoxe! Les syndicats espagnols n’ont-ils pas respecté les valeurs universelles en dénonçant la répression exercée contre les militants sahraouis des droits de l’homme? Ce n’est en tout cas pas l’avis de la Confédération marocaine du travail qui a une autre conception de la solidarité ouvrière.
Au Royaume chérifien elle doit avant tout passer par une allégeance sans bornes au trône alaouite, quitte à piétiner les principes qui ont marqué les acquis de la classe ouvrière à travers le monde, à commencer par son soutien aux mouvements de libération pour l’accession à leur indépendance. Cette maturité ne semble pas prête à être atteinte chez nos voisins de l’Ouest.
Mohamed TOUATI
L’Expression, 2/1/2011

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