Depuis des décennies, une fausse idée, une aberration a été érigée en dogme et en évidence par les gouvernants et les élites politiques et intellectuelles arabes, à savoir que les peuples arabes étaient nés pour la servitude, qu’ils n’étaient pas aptes à la démocratie. De là, à affirmer que ces peuples avaient les dirigeants qu’ils méritaient, il n y’avait qu’un pas qui a été vite franchi. Une approche que les dirigeants occidentaux n’ont pas hésité à instrumentaliser pour justifier leur soutien aux potentats arabes et à leurs régimes totalitaires. En fait, une telle attitude n’exprime rien d’autre qu’un mépris total et profond pour les peuples arabes. Une insulte à leur intelligence.
Mais, les soulèvements populaires en Tunisie et en Egypte ont apporté un démenti cinglant à ses affirmations, car se sont les peuples qui sont descendus dans la rue pour réclamer justice, respect, dignité et liberté, pour exprimer une révolte contre les dictateurs.
De véritables intifada populaires.
Trop c’est trop.
Des intifadas où étaient criante l’absence des élites politiques et intellectuelles arabes calfeutrées qu’elles sont dans leur tour d’ivoires, dans leurs condescendances. En un mot dans le mépris total de leurs peuples.
Ces soulèvements ont traduit, par ailleurs, et dans les faits, la volonté des peuples tunisiens et égyptiens de prendre en main leurs destins. De le. forger. Pour cela, il aura fallut abattre le mur de la peur, laquelle a désormais changé de camps.
Dans ces intifada, la jeunesse a joué un rôle de premier plan. Une jeunesse que l’on disait apolitique. En fait, elle l’est dans le sens ou elle rejette la politique prônée par les partis et les élites de leurs pays et dans laquelle elle ne se reconnaissait pas.
Et pour se faire, ces jeunesses ont eu recours à de nouvelles armes, celles mises à leurs dispositions par les nouveaux instruments de communication : les réseaux sociaux de communication (twitter, facebook ), ainsi que le recours à la « proxy », technique qui permet d’informer anonymement (voire le rôle déterminant joué par le mouvement égyptien du 6 avril).
A travers ces intifadas ont a assisté aussi à la transformation d’une révolte, « acte spontané, né d’une indignation, d’un ras le bol, d’un excès de désespoir » (1) en une révolution, celle-ci. « prônant un changement radical d’homme, d’institutions et de façon de penser » (1).
Une mutation qui, pour se faire, impliquait que l’exaspération du départ entre en résonnance avec les aspirations profondes de toutes les composantes du peuples (élite, classe moyenne et populaire). Ce qui fut le cas en Tunisie et en Egypte.
Par ailleurs, c’est la première fois que, dans le monde arabe, un peuple vient à bout d’un régime et chasse un dictateur.
Ces soulèvements s’inscrivent dans le sillage d’actes posés par de simples citoyens comme ce fut le cas avec Alla Ben Abdellah au Maroc, Ferhat Hachad en Tunisie. De simples citoyens qui ont changé le cours de l’histoire.
Autres leçons de ces intifadas :
– Mise à nu du mythe de la menace islamiste brandie par les potentats arabes pour légitimer leurs dictatures et leurs refus de toute démocratisation.
– L’instrumentalisation par l’occident de cette menace islamiste pour apporter son soutien aux régimes arabes totalitaires car garantissant ses intérêts.
– La prospérité économique n’est pas tout pour une nation du fait que la démocratie est nécessaire pour garantir une juste répartition de cette richesse.
– La prééminence du statut de citoyens sur celui de militaire lorsque le destin d’une nation est en jeux.
– La faculté des peuples arabes à manifester et revendiquer pacifiquement leurs droits, sans basculer nécessairement dans le chaos et la siba.
Pour conclure sur le cas marocain, ce proverbe chinois : « Lorsque se lève le vent du changement, certains érigent des murs, d’autres construisent des moulins avent ».
(1)-Jean Tulard, historien français
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