Et Israël dans tout ça ?

Rien ne va plus, ou presque, en Israël. Même les Etats-Unis, qui prenaient d’habitude leurs ordres chez lui, font cavalier seul cette fois-ci. Obama, Hillary et compagnie ont pris la liberté de traiter de l’Egypte sans consulter Benyamin Netanyahu et son cabinet. Une injure et une inconscience à la fois. Et cela se produit quand toutes les cartes sont en voie d’être brouillées. «Je ne pense pas que les Américains comprennent la catastrophe dans laquelle ils plongent le Moyen-Orient» déclare Benyamin Ben-Eliezer, député à la Knesset. Shaul Mofaz, le président de la commission de la défense et des affaires étrangères de la Knesset, renchérit : «Les Américains viennent de faire comprendre que leur soutien inconditionnel envers leurs alliés était des plus partiel». 
 
Le quotidien Yediot Aharonot, quant à lui, affiche une question plus directe : «Est-ce que les États-Unis pourraient nous abandonner ?». Ephraïm Halevy, un ex-chef du Mossad, persifle : «Il (Barack Obama) a fait un pari simpliste qui consiste à soutenir les revendications des manifestants en Égypte, en espérant que les prochains dirigeants de ce pays lui en seront reconnaissants, ce qui est loin, très loin d’être acquis». Rappelons que depuis la signature du traité de paix entre Menahem Begin et Anouar Essadate, en 1979, le Sinaï est gardé par une force internationale et Israël a pu réduire au minimum ses forces armées sur le front sud, face à l’Égypte, et se permettre de les renforcer aux frontières avec le Liban et la Syrie. Il y a aussi cette voie d’eau vitale que représente le canal de Suez pour les navires israéliens, qui ont pu l’utiliser librement depuis cette date. Accessoirement, notons que les Israéliens ont pu se prélasser au bord de la mer Rouge. 
 
Et puis l’univers commence à basculer, lorsque de confortables certitudes sont menacées par la révolte du peuple égyptien contre le principal allié. Alors on s’agite, dans un monde pris de folie, le Premier ministre, approuve contre toute attente, vendredi 4 février, des mesures économiques destinées, selon ses dires, à «faciliter la vie des Palestiniens». On laisse entendre, pour ceux qui peuvent éventuellement ricaner, que ces mesures ont été étudiées depuis des mois. Ce qui signifie qu’elles n’auraient rien à voir avec la conjoncture actuelle. Ces mesures vont de surcroît, plus concerner la bande de Ghaza. Elles se déclinent en trois volets. Le premier volet est la «poursuite de la politique (…) engagée pour permettre la croissance économique dans les zones palestiniennes», le deuxième «vise à rendre Ghaza indépendant des infrastructures israéliennes en aidant au développement de ses centrales d’électricité, d’eau et de traitement des eaux», le troisième, dont Tony Blair dit que c’est «le plus important», est la «diversification des sources d’approvisionnement en gaz» de la bande. 
 
Du jamais vu de la part de l’un des pires ennemis des droits humains qui subit des pressions d’autres alliés, membres du quartette, décidées lors de la réunion du groupe chargé du «processus de paix» dans la capitale bavaroise. «Il est important que nous montrions que le processus est en mouvement, de montrer qu’il faut que cela avance», a déclaré la Haute représentante de l’Union européenne, Catherine Ashton. Elle insinue, ensuite, les raisons qui ont poussé, l’instance qu’elle représente, à être aussi ferme : «Je n’ai pas besoin de vous dire que la signification des événements actuels dans la région, c’est qu’il est extrêmement important que le processus de paix au Moyen-Orient progresse». Elle veut en fait dire à Israël que les rapports de force sont en train de changer et qu’il vaut mieux, pour lui, conclure une paix dans les conditions actuelles, plutôt que dans celles qui risquent de s’imposer, qui ont de fortes chances de tout remettre sur le tapis. Mais, le risque pressenti se focalise essentiellement sur l’éventualité d’une émergence d’un Etat islamique en Egypte, «comme cela s’est passé dans plusieurs pays, y compris en Iran», précise Netanyahu lors d’une conférence de presse avec Angela Merkel. Une opinion qui a fait son chemin parmi les Israéliens et qu’un sondage, publié jeudi dernier, révèle. Ils seraient 59% à être persuadés qu’un «régime islamiste» va remplacer Hosni Moubarak, contre 21% qui escomptent un «régime laïque démocratique». La réalité est pourtant bien loin des supputations sur la différence d’attitude des Egyptiens sur la question palestinienne. Elle est bien perçue par les plus lucides, qui savent et l’expriment comme le journaliste israélien Aluf Benn : «Si les groupes d’opposition en Égypte ont une chose en commun, c’est bien leur haine d’Israël. Leur montée au pouvoir placera Israël dans une position difficile». 
 
Le scénario imaginé est criant de lucidité, qui prédit que le nouveau gouvernement égyptien pourrait demander aux forces de l’ONU d’évacuer le Sinaï et interdire aux navires israéliens d’accéder au canal de Suez. Il ouvrira la frontière avec la bande de Ghaza et ne contrôlera plus le trafic d’armes destinées aux Palestiniens. Le blocus devenant inopérant, bien sûr. Il faut reconnaître que le quartette joue la carte atout au profit d’Israël, en l’incitant à mettre fin à sa stratégie du pire. Parions que rien n’y fera et que les sionistes s’enfermeront plus encore dans la thèse du «petit et courageux Etat juif entouré d’ennemis».
Par Badis Guettaf
Le Jour d’Algérie, 08/07/2011

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