Rien ne prouve, dans la situation actuelle de confrontation avec les pouvoirs français, que l’Aqmi a réellement les moyens de mettre ses menaces d’attentats à exécution. Il faut dire que les présidentielles de 2012 se préparent longtemps à l’avance et que le discours sécuritaire et de mise en péril de la nation, favorable aux partis de droite, reste vendeur.
On constate que la gestion par les pouvoirs publics français de la situation des otages est largement critiquée. Alors que la famille de Vincent Dolory réclame des explications sur sa mort tragique – victime des terroristes ou d’une imprudence française, lors de l’opération militaire du 08 janvier 2011 ?- le comité de soutien des deux journalistes détenus en Afghanistan depuis plus d’un an, affirme, pour sa part, « perdre confiance » en la « gestion politique » de cette affaire. Pourtant, les deux dossiers d’otages semblent bien liés, à en croire le dernier message d’Oussama Ben Laden, exigeant la libération de prisonniers afghans et le retrait des 3.750 soldats français, présents en Afghanistan. Partant du constat de l’absence apparente d’efficacité de la stratégie du gouvernement pour la libération des otages, on peut avancer que cette situation n’aurait servi qu’à une chose, d’une part permettre le renforcement et la présence française dans les zones du Sahel concernées tout en contrant , d’autre part, l’ influence de l’Algérie.
On assiste, clairement, à un redéploiement, à la fois géographique et stratégique, des forces militaires et sécuritaires de la France en Afrique. La coopération de sécurité et de défense, confiée à la Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du Quai d’Orsay, occupe désormais une place primordiale dans la diplomatie française. La nouvelle sémantique, qui vient contrer les soupçons d’ingérence, avec des expressions telles que soutien à la formation et gestion de la résolution des conflits, laisse la porte ouverte à beaucoup d‘interprétations. Le cas de la Mauritanie est un exemple à méditer. Voilà un pays, hier quasi inconnu des medias français, hormis le Paris-Dakar – d’ailleurs victime aussi de la psychose terroriste – désormais régulièrement cité, aux heures de grandes pointes de l‘audimat. Depuis l’opération militaire du 22 juillet 2010 de l’armée mauritanienne, appuyée par les forces françaises et qui n’a pas permis la libération de l’otage Michel Germaneau, les autorités de ce pays n’ont de cesse d’aligner des résultats en matière de traque des membres d’Alqaeda et des narco-trafiquants. Un nouveau palier vient d’être franchi avec les derniers événements, troublants et inquiétants, en date du 02 février dernier, qui font non seulement état d’une tentative d’assassinat du président mauritanien, Mohamd Ould Abdelaziz, mais d’attentats visant l’ambassade de France. On ne peut s’empêcher de se demander, comment un véhicule bourré d’une tonne et demie d’explosifs peut-il traverser cinq régions de la Mauritanie et parcourir plus de 2000 km venant de la frontière malienne, sans encombres, jusqu’à Nouakchott, où il finit, intercepté par les forces de sécurité, pour exploser dans un lieu isolé de la capitale ? Comment interpréter la promptitude du ministère de la défense, à organiser une conférence de presse et à communiquer allégrement sur son action, s’étendant sur les dangers qui menacent le pays ? Comment interpréter le silence des autorités religieuses qui avaient initié le dialogue avec les salafistes, avec la bénédiction du pouvoir ?
Une seule chose est certaine. On constate, comme pour les autres troubles sécuritaires attribués au terrorisme d’Alqaeda, que les revendications des attentats n’ont pas été véritablement authentifiées, ni dans leurs origines, ni dans leur nature. Comme, à chaque fois, la nécessité de la défense de la nation vient, à point nommé, divertir l’attention du pays de sa situation réelle : pauvreté extrême et crise sociale rampante. Par ailleurs, en indiquant que parmi les auteurs des attentats manqués figuraient des salafistes récemment graciés par le Président Ould Abdelaziz, les sources mauritaniennes ne précisent pas, concernant l’initiative des actions, s’il s’agirait de la vengeance promise, à « l’auxiliaire de la France » par El Khadim Ould Semane alias Aboubakr Soubaii, chef de l’organisation « Ansaroullah al Mourabitounes fi bilad Chinguitt », qui se réclame d’Alqaeda en Mauritanie, ou de l’Aqmi , telle qu’on l’entend généralement. Beaucoup de questions demeurent sans réponse, pour le moment.
Ce qui n’empêche pourtant pas le ministre français de la coopération, Henri de Raincourt, de déclarer lors de la visite qu’il vient d’achever à Nouakchott, que « Le Président de la République française a souhaité que l’on puisse exprimer au Président de la République mauritanienne toute la reconnaissance de notre pays pour le travail accompli par les forces armées mauritaniennes pour véritablement faire en sorte que cette région du Sahel retrouve la paix et la stabilité» . » Mais ce serait méconnaitre les mérites de la diplomatie française, que de croire qu’une interrogation et une réflexion sur les capacités réelles du pouvoir mauritanien à agir durablement et favorablement pour les intérêts français de stabilité et de sécurité, n’est pas de mise. Le ministre l’a bien précisé : « la Mauritanie, comme le Niger et le Mali, est une cible « , nuançant la tendance mediatique, en cours, plaçant la Mauritanie comme le principal pays menacé par Aqmi, dans la région. De là à croire que pour l’heure, la Mauritanie ne serait qu’’une couverture et un alibi, à court terme, pour une reprise en main de la région, est un pas que je choisis de ne pas franchir pour le moment … Mais les nouveaux développements qui font état d’activités de l’Aqmi dans le sud du pays et vers le Sénégal, militent en faveur de cette hypothèse.
Pourquoi cette visibilité du partenariat de la France avec la Mauritanie, alors que c’est au Mali, que se situent les bases connues de l’Aqmi et que c’est dans ce pays que les otages sont détenus ? Selon les spécialistes, le pouvoir malien aurait une conception de la menace terroriste, très différente de celle de son voisin, une conception non militaire, dit-on. Partant de cette analyse, on pourrait, dès lors, mieux comprendre les accusations de la rébellion touarègue, qui menace de reprendre ses activités contre le régime d’Amadou Toumani Touré, l’accusant dans son dernier communiqué du 06 février, d’avoir utilisé « son partenaire l’Aqmi », pour l’affaiblir : « le gouvernement malien a profité de ce désarmement d’une partie importante des Touareg, pour laisser toutes les chances à son partenaire-AQMI d’occuper l’espace Touareg et de s’y enraciner… […] l’Etat malien fait tout simplement la promotion de l’Aqmi dans la Région et lui a permis de s’étendre et de se servir du territoire malien pour mener des actions dans les pays limitrophes
Le pouvoir malien, accusant de son côté l’Algérie, d’un jeu douteux avec la rébellion touarègue, alors que ce pays dont sont originaires les responsables de l’Aqmi, Droukdel, Belmokhtar, Abouzeid, reproche à la France de mettre à mal la mise en œuvre des accords de Tamanrasset, qui la lient aux pays africains de la sous-région. Dans ce contexte, les difficultés d’une coordination étroite en matière de lutte contre les réseaux terroristes, entre les pays de la sous-région, le Mali, l’Algérie, le Niger, le Burkina-Faso ne sont pas prêtes d‘être levées. Pourtant, la création d’un état-major commun à Tamanrasset s‘avérait d‘un bon augure. Mais le partenariat mauritano-français et l’implication programmée du Maroc, complexifient la donne et permettent de penser, qu’au-delà des discours apparents, en réalité, la partie qui est en train de se jouer pourrait se résumer en un bras de fer entre la France et son « amie de toujours », l’Algérie …
Edouard de Marault pour Ciesma
Rédigé par Edouard de Marault pour Ciesma le Mardi 8 Février 2011
Source :
http://www.mauritanidees.fr, Janvier 2011
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