Ce n’est certes pas la première fois que le Maroc est touché par un attentat, mais Marrakech symbolise le tourisme du pays et Djamâa El-Fna est devenue une place mythique particulièrement depuis son classement en qualité de curiosité mondiale du patrimoine immatériel. Le café «Argane» représente quant à lui la pause presque obligatoire pour siroter un thé ou un jus aux fruits naturels, après avoir découvert les charmes de la Médina et de ses secrets durant des heures de marche.
Côté officiel, il s’agit bien d’un attentat criminel en provenance d’un terrorisme qui ne dit pas encore son nom, malgré l’élargissement des prisonniers politiques, dont de nombreux «islamistes» et la promesse de libérer l’ensemble de cette catégorie de prisonniers pour tourner la page sur les pratiques anciennes, héritées du règne de Hassan deux, et s’orienter vers des réformes où la constitutionnalité de la monarchie devient une priorité incontournable. Il faut rappeler que cet attentat a aussi touché des étrangers attablés dans le célèbre café donnant directement sur la place la plus animée de la ville, ce qui a tout de suite provoqué la réaction des gouvernements européens et particulièrement français pour condamner la lâcheté de l’acte. Le Maroc tire une grande partie de ces recettes de l’activité touristique et a pu se placer au Sud de la Méditerranée comme destination privilégiée, particulièrement depuis les changements intervenus en Tunisie et en Egypte. Mais le Maroc est aussi un pays arabe qui n’a pas échappé aux exigences démocratiques d’une jeunesse en attente de travail et de liberté. Ou au moins de liberté en attendant le travail. Les nombreuses et impressionnantes marches, y compris à Rabat, d’habitude calme, sont le signe précurseur d’un changement dont on ne connaît que très peu l’aboutissement. D’ailleurs, l’attentat de Marrakech est une épreuve dans laquelle certains courants politiques marocains voient déjà un test des mécanismes qui fondent l’indépendance de la justice et sa capacité à fonctionner selon les principes d’un Etat de droit tel qu’annoncé par Mohamed VI.
En pareilles circonstances, les services de sécurité avaient pour habitude d’interpeller des milliers de suspects avant de trouver la piste qui mène vers le ou les coupables. Entre-temps, on oubliait parfois sans les juger le reste des troupes embarquées dans les prisons. Il s’agit maintenant de donner la preuve que les services de police sont capables à partir d’éléments d’enquête, d’aller droit au but, ce qui constitue un exercice difficile et nouveau. S’il est vrai que les réformes au Maroc font l’objet de plusieurs chantiers à tous les niveaux, il faut reconnaître qu’on ne peut pas changer en si peu de temps. La sortie de crise en dépendra.
Par Ahmed Meskine
Le Carrefour d’Algérie, 30/04/2011
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