Le lourd passif entre Alger et Rabat

Par Hasna Yacoub

Entre Rabat et Alger, il y a un lourd passif. Le «désaccord» entre ces deux pays frontaliers ne date pas d’aujourd’hui, et il est loin de se limiter à la question du Sahara Occidental, même si ce problème constitue la pomme de la discorde.Pourtant pour le premier ministre, Ahmed Ouyahia, «les relations algéro-marocaines ne sont guère «conditionnées par le problème du Sahara occidental». Mais «la réouverture des frontières terrestres entre les deux pays n’est pas à l’ordre du jour». il s’agit là d’un vieux désaccord entre l’Algérie et le Maroc et cela n’affecte en rien le processus actuel de redynamisation des relations bilatérales. 

 
L’ouverture des frontières terrestres entre les deux pays, a estimé Ouyahia «arrivera bien un jour», mais pour ce faire, il faut instaurer d’abord un climat de sérénité. C’est loin d’être le cas,notamment après les dernières accusations contre l’Algérie, d’avoir soutenu Kadhafi par des mercenaires, évoquées par les rebelles libyens mais concoctés dans les caveaux du Mekhzen. L’Algérie l’a deviné et infirmé et Ahmed Ouyahia n’a pas tergiversé, pour accuser le lobby marocain à Washington, d’être à l’origine de ces accusations en disant «ces derniers temps on observe des déclarations de l’agence officielle marocaine et une agitation du lobby officiel marocain aux Etats-Unis dans une tentative d’impliquer l’Algérie dans l’affaire des mercenaires et des d’armes envoyés en Libye». «Ce genre de choses ne sont pas des facteurs qui aident à l’ouverture de la frontière», a-t-il poursuivi. 
 
Il faut rappeler que les frontières algéro-marocaines sont fermées depuis 1994 sur décision des autorités algériennes. Une réponse, qu’elles ont voulue brusque et ferme, à la campagne lancée à l’époque par les autorités marocaines à l’encontre des Algériens, les accusant d’exporter le terrorisme vers leur pays. Une campagne qui s’était intensifiée suite à l’attentat terroriste qui avait été perpétré la même année dans un hôtel à Marrakech. Rabat avait alors accusé ouvertement l’Algérie de l’avoir fomenté. Les Marocains ont décidé de suite d’instaurer le visa aux ressortissants algériens. Alger qui a refusé d’accuser le coup froidement, a fermé carrément ses frontières ouest. L’Etat a décidé de faire dans la réciprocité qui impose à un acte politique adverse, un acte politique égal ou plus. Mais depuis, les marocains n’ont cessé de multiplier les appels pour la réouverture de ces frontières après avoir constaté une perte d’un minimum de 2 milliards de gains. Mais le coup est parti et Alger qui a accepté à plusieurs reprises de discuter de la réouverture des frontières, exige le règlement global de tous les dossiers en suspens : contrebande, trafic de drogue et terres spoliées. Il faut préciser concernant ce dernier point qu’il s’agit du dossier des Algériens qui vivaient au Maroc et qui ont été dépossédés de leurs biens par les autorités marocaines en vertu du Dahir royal du 2 mars 1973. La décision des autorités marocaines a affecté près de 20 000 hectares de terres agricoles appartenant à des ressortissants algériens détenteurs de titres fonciers. Ces derniers ont été tout simplement spoliés en violation de tous les accords et traités entre les deux pays, notamment celui d’Ifrane, qui accordent aux ressortissants marocains et algériens les mêmes droits des deux côtés de la frontière. 
 
En 1999 et juste après la mort du roi Hassan II dont les obsèques avaient vu la présence remarquée de Abdelaziz Bouteflika, un dégel de la crise algéro-marocaine allait se produire. Seulement, le massacre de 29 citoyens à Béchar par un groupe terroriste qui s’est réfugié au Maroc, a refroidi encore une fois les relations entre les deux pays. Le président de la République avait réagi de manière énergique au laxisme du royaume en disant que «ce n’est pas cela le bon voisinage», d’autant que des informations rendues publiques par le bureau de l’agence de presse française à Rabat avait fait état de l’arrestation de plusieurs membres du groupe qui avaient commis la tuerie de Béchar par les services sécuritaires marocains. Le Maroc venait encore une fois rappeler à l’Algérie que son but est de l’affaiblir. Alors pour les autorités algériennes, ce n’est qu’une fois tous ces dossiers en suspens traités et qu’un climat de stabilité et de sérénité instauré, que les discutions de la réouverture des frontières de l’Ouest pourront avoir lieu. Le royaume chérifien, quant à lui, fait une fixation et tente d’exercer des pressions sur Alger pour obtenir la réouverture des frontières. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre cette exigence de Rabat. La libre circulation des ressortissants des deux pays par voie terrestre a des retombées économiques très importantes pour la monarchie marocaine, car nul n’ignore que la contrebande représente une activité très lucrative pour la population du Maroc. Ceci, sans compter, que les frontières avec le Maroc enregistrent le passage des plus gros trafics de drogue. Mais c’est loin d’être gagné. Alger tient à préserver ses intérêts et n’oublie pas que le Maroc ne rate pas une occasion pour l’affaiblir comme il a tenté de le faire en 1994 avec l’attentat de Marrakech ou encore en 1976 avec l’affaire Amgala. Les autorités algériennes se sont habituées à cette attitude de leur voisin. Il leur est difficile aujourd’hui de lui tourner le dos par peur de se voir «poignarder».
La Tribune d’Algérie, 18/06/2011

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