Pier Antonio Panzeri : “Nous ne cherchons pas à éviter les questions sensibles”

La Nouvelle Tribune : M. Panzéri, il est certes attendu des effets positifs des processus en cours dans plusieurs pays de la Rive Sud, mais cela prendra sans doute du temps. Comment gérer l’urgence de certaines situations et comment se présente au niveau du Parlement européen le rapport de forces entre les représentations politiques qui soutiennent l’intégration et ceux qui se cantonnent dans une position frileuse de repli sur soi et de rejet ?
Pier Antonio Panzeri : Nous avons besoin d’une véritable vision, sans laquelle toute évolution et appréhension des problèmes communs aux deux rives de la Méditerranée ne seront pas possibles. Et c’est à partir de cette vision qu’on pourra déterminer, ensemble, quelles stratégies, plus ou moins rapides, à appliquer. Malheureusement, nous avons manqué de classes dirigeantes, de leaders disposant de cette capacité et de cette vision. C’est donc à l’émergence d’une nouvelle génération de dirigeants conscients et déterminés qu’il faut travailler, et qui leur permettra à la fois de gérer le quotidien et d’anticiper sur les évolutions à long terme. Pour illustrer mon propos, je rappellerai que le Parlement européen dispose aujourd’hui, grâce au Traité de Lisbonne, de compétences et de pouvoirs accrus. Il se doit de les mettre en oeuvre, de les appliquer et non plus d’attendre les initiatives d’autres institutions européennes pour les valider à posteriori. Cette démarche d’ailleurs, devrait également être celle du Maroc qui pourrait donner à son institution parlementaire une part plus active dans la gestion des grandes questions qui l’interpellent.

Vous co-présidez la commission mixte euro-marocaine, pensez vous que cette dernière va dans le sens de l’ouverture que vous venez d’évoquer ?

En effet, le rôle de la Commission mixte instaurée entre le Parlement européen et la Chambre des Représentants du Maroc n’a pas pour seule vocation d’être une vitrine car, mise en place depuis une année déjà, elle unit des assemblées parlementaires parfaitement capables de jouer un rôle politique et assurer une production législative. C’est un instrument commun sur lequel on doit investir. Cet atout devrait être perçu par la Commission européenne et le Gouvernement marocain comme un instrument incontournable pour gérer, anticiper et réaliser les projets et objectifs communs de l’Union Européenne et du Royaume du Maroc. J’en veux pour preuve notre volonté partagée, au niveau des membres de la commission parlementaire mixte, de travailler sur deux dossiers importants, toujours ouverts. Il s’agit de l’Accord de pêche et le dossier agricole. L’accord a été prorogé récemment pour la pêche, mais son protocole d’application n’a été validé que pour une année, dans l’attente du règlement de certaines questions et notamment celle de la ressource halieutique dans les eaux de la côte saharienne. Pour le volet agricole également, il s’agit d’examiner des questions qui sont sensibles pour certains pays dont les productions sont concurrencées par les exportations marocaines, notamment agrumicoles, fruitières, etc. Il y a également la question du devenir du Sahara occidental, qui est pendante entre nos deux institutions et que nous abordons à travers notre soutien aux initiatives de l’ONU et de son Secrétaire général. Comme vous pouvez le comprendre donc, nous ne cherchons pas à éviter les questions sensibles qui sont toujours abordées avec esprit de responsabilité, volonté de dialogue et sens des réalités.

Pensez vous que le processus de démocratisation du Maroc facilitera le dialogue avec le Parlement européen ? Est-ce une caution supplémentaire à l’exemplarité de notre pays ?

Sans aucun doute, et à ce sujet je tiens à exprimer notre solidarité et notre soutien entier après l’odieux attentat de Marrakech, de nature terroriste et qui constitue une tentative d’entrave au processus de réformes et de démocratisation que connaît le Maroc. Et notre présence, en tant que Commission parlementaire mixte à Rabat le lundi 16 mai dernier est une preuve éloquente de cette solidarité et de notre conviction ferme que le processus vécu par le Maroc se poursuivra et ira de l’avant.

Entretien réalisé par Afifa Dassouli

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