16 MORTS DANS UN ATTENTAT AU MAROC
Le bilan de l’attentat de Marrakech, commis avant-hier, s’est alourdi à 16 morts. Onze touristes étrangers ont perdu la vie dans cet acte qualifié par le gouvernement marocain de terroriste. L’ explosion qui a soufflé le café Argana, très fréquenté par les touristes, n’a pas encore été revendiquée, mais tous les analystes penchent pour l’hypothèse de l’attentat islamiste avec comme piste privilégiée celle d’El-Qaïda. Le contexte géopolitique régional est également à prendre en considération avec le climat de déstabilisation généralisé dans le monde arabe. Avec le risque terroriste, la question de la poursuite des réformes politiques se pose.
«Selon les enquêtes préliminaires, il semble qu’il s’agisse d’un acte terroriste provoqué par un engin explosif», a déclaré le ministre de l’Intérieur, Taieb Cherkaoui, cité par l’agence de presse officielle Map. Pour les experts des questions de sécurité, l’opération rappelle d’autres tentatives islamistes déjouées par les forces de l’ordre. Jeudi, le ministre de l’Intérieur a stigmatisé «un acte terroriste». «Le Maroc est confronté aux mêmes menaces qu’en mai 2003», avait-il ajouté. Le 16 mai 2003, des attentats menés par des islamistes à Casablanca avaient tué 33 personnes
ainsi que les 12 kamikazes impliqués. L’attentat d’avant-hier s’est produit au deuxième étage du café Argana, qui se trouve sur la célèbre place Djemaa el-Fna, la plus grande de la vieille ville de Marrakech, la médina, particulièrement prisée par les touristes. Sept personnes, deux Marocains, deux Français, deux Canadiens et un Néerlandais, tuées dans l’attentat ont été identifiées, a indiqué la MAP citant le ministère de l’Intérieur. Rabat avait fait état jeudi de 11 étrangers tués. Les réactions à cette attaque ne se sont pas fait attendre : «un lâche attentat». Si, à l’extérieur, c’est la solidarité avec le Maroc qui s’exprime, l’enjeu interne reste entier. En effet, l’attaque de Marrakech intervient à un moment crucial de la vie politique marocaine. La contestation qui embrase le monde arabe a touché le Maroc. Pour contenir les revendications populaires, le roi Mohammed VI a promis, dans un discours diffusé le 9 mars dernier, une réforme de la Constitution. Insuffisant, réclame le mouvement du 20 février, le fer de lance de la contestation dans le pays. D’où la tentation de certains de faire secouer l’épouvantail du djihadisme islamiste.
C’est ce que résume le propos d’un faiseur d’opinion marocain. «C’est le pire événement qui pouvait nous arriver. Un coup de massue. Cette catastrophe va être exploitée par les milieux conservateurs et par les faucons, partisans de la répression à outrance, qui sont nombreux chez nous», résume Karim Boukhari, le directeur de la rédaction du magazine Tel quel. Tout de go, la mouvance islamiste légale et tolérée condamne l’attentat. Pour le mouvement Justice et Bienfaisance (Al Adl wal Ihsan) du cheïkh Abdesselam Yacine, interdit mais toléré, la condamnation est sans appel.
«Nous condamnons cet acte barbare quels qu’en soient les responsables, et réaffirmons note rejet de toute forme de violence», a déclaré le mouvement dans un communiqué. Cette position aboutit à deux hypothèses : soit l’acte est bel et bien signé par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), soit c’est le sousentendu de Karim Boukhari qui pourrait s’avérer juste, c’est-à-dire une implication plus ou moins douteuse de certains cercles réfractaires à toute idée d’ouverture démocratique. Privilégiant la piste AQMI, un spécialiste français a résumé la situation. «On pouvait s’y attendre», a estimé Charles Saint-Prot, de l’Observatoire d’études géopolitiques, sur RTL. Il s’explique : «En janvier dernier, une trentaine de suspects liés à AQMI ont été arrêtés. Leur objectif était de préparer des attentats. L’objectif d’AQMI est de porter atteinte à tous les régimes de la région, notamment le Maroc, car il est très ouvert sur le monde européen.» Et ce qui n’arrange pas les choses, car alimentant davantage la spéculation anti-islamiste, c’est la grâce royale du 14 avril dernier. Celle-ci a permis à cinq militants d’un parti islamiste et à un journaliste de recouvrer la liberté. Ils avaient été condamnés en juillet à dix ans de prison pour avoir «formé une cellule terroriste visant à renverser» le gouvernement.
Pis, une figure de l’islamisme radical, cheikh Mohammed Fizazi, vient également de sortir de sa prison de Tanger après des années d’incarcération.
Cet idéologue salafiste était décrit comme l’un des théoriciens de la mouvance qui a commis les attaques kamikazes d’avril 2003. Ses camarades toujours emprisonnés ont réussi à faire circuler sur Internet des vidéos revendicatives.
Le coût le plus immédiat pour le Maroc sera sans doute celui du tourisme. L’attentat s’est produit dans la première ville touristique du royaume, et le pays ressent déjà les contrecoups des «révolutions arabes» qui ont fragilisé l’industrie touristique dans la région. En 2010, le Maroc a accueilli 9,4 millions de touristes.
M’hamed Khodja
Le bilan de l’attentat de Marrakech, commis avant-hier, s’est alourdi à 16 morts. Onze touristes étrangers ont perdu la vie dans cet acte qualifié par le gouvernement marocain de terroriste. L’ explosion qui a soufflé le café Argana, très fréquenté par les touristes, n’a pas encore été revendiquée, mais tous les analystes penchent pour l’hypothèse de l’attentat islamiste avec comme piste privilégiée celle d’El-Qaïda. Le contexte géopolitique régional est également à prendre en considération avec le climat de déstabilisation généralisé dans le monde arabe. Avec le risque terroriste, la question de la poursuite des réformes politiques se pose.
«Selon les enquêtes préliminaires, il semble qu’il s’agisse d’un acte terroriste provoqué par un engin explosif», a déclaré le ministre de l’Intérieur, Taieb Cherkaoui, cité par l’agence de presse officielle Map. Pour les experts des questions de sécurité, l’opération rappelle d’autres tentatives islamistes déjouées par les forces de l’ordre. Jeudi, le ministre de l’Intérieur a stigmatisé «un acte terroriste». «Le Maroc est confronté aux mêmes menaces qu’en mai 2003», avait-il ajouté. Le 16 mai 2003, des attentats menés par des islamistes à Casablanca avaient tué 33 personnes
ainsi que les 12 kamikazes impliqués. L’attentat d’avant-hier s’est produit au deuxième étage du café Argana, qui se trouve sur la célèbre place Djemaa el-Fna, la plus grande de la vieille ville de Marrakech, la médina, particulièrement prisée par les touristes. Sept personnes, deux Marocains, deux Français, deux Canadiens et un Néerlandais, tuées dans l’attentat ont été identifiées, a indiqué la MAP citant le ministère de l’Intérieur. Rabat avait fait état jeudi de 11 étrangers tués. Les réactions à cette attaque ne se sont pas fait attendre : «un lâche attentat». Si, à l’extérieur, c’est la solidarité avec le Maroc qui s’exprime, l’enjeu interne reste entier. En effet, l’attaque de Marrakech intervient à un moment crucial de la vie politique marocaine. La contestation qui embrase le monde arabe a touché le Maroc. Pour contenir les revendications populaires, le roi Mohammed VI a promis, dans un discours diffusé le 9 mars dernier, une réforme de la Constitution. Insuffisant, réclame le mouvement du 20 février, le fer de lance de la contestation dans le pays. D’où la tentation de certains de faire secouer l’épouvantail du djihadisme islamiste.
C’est ce que résume le propos d’un faiseur d’opinion marocain. «C’est le pire événement qui pouvait nous arriver. Un coup de massue. Cette catastrophe va être exploitée par les milieux conservateurs et par les faucons, partisans de la répression à outrance, qui sont nombreux chez nous», résume Karim Boukhari, le directeur de la rédaction du magazine Tel quel. Tout de go, la mouvance islamiste légale et tolérée condamne l’attentat. Pour le mouvement Justice et Bienfaisance (Al Adl wal Ihsan) du cheïkh Abdesselam Yacine, interdit mais toléré, la condamnation est sans appel.
«Nous condamnons cet acte barbare quels qu’en soient les responsables, et réaffirmons note rejet de toute forme de violence», a déclaré le mouvement dans un communiqué. Cette position aboutit à deux hypothèses : soit l’acte est bel et bien signé par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), soit c’est le sousentendu de Karim Boukhari qui pourrait s’avérer juste, c’est-à-dire une implication plus ou moins douteuse de certains cercles réfractaires à toute idée d’ouverture démocratique. Privilégiant la piste AQMI, un spécialiste français a résumé la situation. «On pouvait s’y attendre», a estimé Charles Saint-Prot, de l’Observatoire d’études géopolitiques, sur RTL. Il s’explique : «En janvier dernier, une trentaine de suspects liés à AQMI ont été arrêtés. Leur objectif était de préparer des attentats. L’objectif d’AQMI est de porter atteinte à tous les régimes de la région, notamment le Maroc, car il est très ouvert sur le monde européen.» Et ce qui n’arrange pas les choses, car alimentant davantage la spéculation anti-islamiste, c’est la grâce royale du 14 avril dernier. Celle-ci a permis à cinq militants d’un parti islamiste et à un journaliste de recouvrer la liberté. Ils avaient été condamnés en juillet à dix ans de prison pour avoir «formé une cellule terroriste visant à renverser» le gouvernement.
Pis, une figure de l’islamisme radical, cheikh Mohammed Fizazi, vient également de sortir de sa prison de Tanger après des années d’incarcération.
Cet idéologue salafiste était décrit comme l’un des théoriciens de la mouvance qui a commis les attaques kamikazes d’avril 2003. Ses camarades toujours emprisonnés ont réussi à faire circuler sur Internet des vidéos revendicatives.
Le coût le plus immédiat pour le Maroc sera sans doute celui du tourisme. L’attentat s’est produit dans la première ville touristique du royaume, et le pays ressent déjà les contrecoups des «révolutions arabes» qui ont fragilisé l’industrie touristique dans la région. En 2010, le Maroc a accueilli 9,4 millions de touristes.
M’hamed Khodja
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