Un petit tour et puis s’en va ?

«Il n’y a pas de doute que le statu quo est intenable à long terme étant donné les coûts et les dangers qu’il entraîne», a déclaré hier à la presse l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, Christopher Ross, à l’issue de l’audience que lui a accordée le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Cette déclaration est lourde de sens et de significations, a fortiori émanant d’un si haut placé. Celui-là même qui a hérité de cet épineux dossier pour tenter de dépasser précisément l’impasse qui le caractérise depuis plus de 30 ans. 

Après l’infructueuse gestion qui en a été faite par son prédécesseur, Peter Van Walsum, ce dernier se doit de donner un coup d’accélérateur aux négociations qui sont censées aboutir à une solution définitive à ce conflit, considéré comme étant le denier cas de décolonisation en Afrique. Or, il est à craindre, encore une fois, que ce cinquième round des négociations ne connaisse le même sort que les précédents en raison de l’absence de possibilité de consensus, dès lors que les positions des parties antagonistes sont opposées sur le principe d’autodétermination du peuple sahraoui. Une position que le Maroc se refuse à concéder en vue de faire avancer les pourparlers, cela au moment où le Front Polisario et le peuple sahraoui sont déterminés à poursuivre leur résistance jusqu’à la libération de leurs territoires de la présence marocaine.

Lorsque Ross évoque la difficulté du statu quo, il nous renvoie nécessairement vers le vécu des milliers de familles sahraouies qui endurent au quotidien en tentant de survivre face à des conditions climatiques et sociales des plus atroces. Censés les abriter pour une durée provisoire, les camps des réfugiés érigés, dans la précipitation depuis l’invasion marocaine du territoire sahraoui ont fini par s’inscrire dans la durée. La nouvelle génération qui y a vu le jour et y a grandi n’aura pas connu plus que l’horizon bouché de la parcelle de terrain et de ciel à laquelle elle a droit sur notre sol, et ce, à la faveur de la solidarité et l’hospitalité qui lui ont été offertes par le gouvernement algérien. Les Sahraouis des camps de Tindouf survivent, pour ainsi dire, au jour le jour en dépendant exclusivement de la générosité des pays et autres organismes humanitaires donateurs. Lorsque les dons se raréfient, le spectre d’une famine plane alors sérieusement sur ces camps de fortune. Le vécu des Sahraouis dans les territoires occupés est autrement plus intenable si l’on considère que ces derniers sont surtout privés de l’élément essentiel de se sentir véritablement libres chez eux. 

Pour ceux qui se refusent à la solution d’autonomie prônée par le royaume chérifien, ce dernier réplique par une sévère répression policière, des arrestations et emprisonnements sans procès préalable. Lorsque Ross déclare que le statu quo est intenable, cela l’engage à prendre ses responsabilités, et celles de l’organisation qu’il représente, en permettant à la légalité internationale de prendre le dessus sur les manœuvres et autres de certaines puissances en vue de retarder la solution équitable. Si la tournée de Ross dans la région du Maghreb était très attendue, elle n’aura néanmoins de sens que si elle diffère des précédentes et qu’elle apporte une raison d’espérer aux Sahraouis qui redoutent un énième flop. Ces derniers appréhendent qu’il s’agisse encore une fois d’un «petit tour et puis s’en va». Ce qui ne serait pas pour déplaire au Makhzen… 
Mekiousssa Chekir, 18/10/2010

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