Par Ayache Mohamed
Les années de mésentente sont restées derrière. Les sujets qui divisaient les deux pays en matière de politique européenne et extérieure ont été surmontés. Il faut reconnaître que le président français a su préparer minutieusement cette visite pour qu’elle s’achève avec un succès total. Sarkozy s’est démené pour que Zapatero puisse participer aux travaux du G-20, alors que la huitième économie mondiale en était, en principe, exclue. Il a confié à l’ancien président du gouvernement espagnol, Felipe Gonzalez, la direction du Groupe des Sages, chargé de réfléchir à l’avenir de l’UE. Le secrétariat de l’Union pour la Méditerranée va s’installer à Barcelone. Les sempiternels problèmes d’interconnexions énergétiques et de franchissement des Pyrénées sont en voie de règlement. Et, le 18 avril, la police française annonçait l’interpellation de Jurdan Martitegi, quatrième chef militaire de l’ETA, selon les sources officielles. A peine, dix jours avant la visite officielle de Sarkozy en Espagne! Drôle de hasard!
Des accords ont été signés dans le domaine de l’énergie, visant à promouvoir l’interconnexion gazière et la réalisation d’une ligne à de haute tension traversant les Pyrénées. Concernant les transports, ont été accordés la création d’autoroutes de la mer et le développement du ferroviaire.
Evoquant la gémellité des économies française et espagnole, Nicolas Sarkozy a martelé l’engagement plus fort que jamais à faire progresser ces derniers dossiers, véritables serpents de mer de la relation franco-espagnole.
Mais c’est en matière de lutte contre l’ETA que le sommet aura le plus permis d’avancer. Inspirés par les succès de la coopération policière, question clé dans les relations entre les deux pays, les deux présidents ont convenu de l’institution d’un Etat major commun sur la sécurité. Dans son discours devant le Parlement espagnol, Sarkozy a rappelé l’offre de la France de vouloir en finir avec l’ETA, le dossier qui constitue le point faible du gouvernement de Zapatero après l’échec de sa tentative de trouver une issue moyennant les négociations.
Mais plus que soutenir, Sarkozy a donné l’impression de vouloir jouer au tuteur. Dans son discours dans Las Cortes, il a demandé à la présidence espagnole de l’UE de « refuser l »ingénuité et qu’elle accepte de se protéger ». C’est-à-dire, de protéger les agriculteurs, « comme les présidents américains », et qu’elle ferme la porte européenne aux produits de pays « qui ne respectent pas les règles environnementales, morales, sociales ». Une déclaration de guerre aux Etats-Unis sur le plan économique. A son avis, « cela n’est pas du protectionnisme ». Le retrait des troupes espagnoles d’Irak, du Kosovo devra être suivi d’autres mesures d’éloignement de la politique de Washington.
L’importance de la relation atlantique de l’UE avec les EEUU illustrait, dans le passé, la divergence entre l’Espagne d’Aznar et la France de Chirac. Avec la visite de Sarkozy, cela fait partie du passé. L’Espagne doit se démarquer de sa politique pro-américaine et s’engager plus avec l’axe franco-allemand qui veut une « Europe plus européenne » opposé à une « Europe atlantique ». Sarkozy raccommode les morceaux que José Maria Aznar avait cassés. C’est sur l’UE et son fonctionnement que Nicolas Sarkozy s’est longuement exprimé. Devant le parlement espagnol, il s’est étonné d’une institution « qui fonctionne aussi bien, alors qu’elle est faite pour ne prendre aucune décision ». Il a tracé, avec un certain paternalisme, la voie à suivre par l’Espagne lors de sa future présidence de l’Union, prévue en 2010. A cette occasion, « tu pourras compter sur nous comme des partenaires, comme des alliés, comme des amis », a-t-il répété à son homologue espagnol.
Zapatero a eu presque tout ce qu’il voulait et Sarkozy a fait signe d’une grande générosité envers cet homme qualifié hier comme « pas très intelligent » mais tenace et près à tout pour concrétiser ses objectifs. L’Espagne sera présente à New-York dans la réunion du G-20 et aura le ferme soutien de la France durant sa présidence de l’UE.
Dans le sempiternel feuilleton des relations hispano-marocaines, la France s’engage à défendre la souveraineté espagnole sur Ceuta et Melilla et à soutenir l’Espagne en cas d’évènements similaires à celui de l’Ile de Perejil, qui, dans le passé, a été résolu grâce à l’intervention américaine.
Dans le Conseil de Sécurité, l’Espagne suivra la politique française de soutien aux thèses marocaines relatives à l’application du projet d’autonomie comme solution définitive du problème du Sahara Occidental et continuera à nier sa responsabilité historique en tant que puissance administratrice de cette ancienne colonie nord-africaine.
Zapatero et Sarkozy ont également annoncé une conférence sur la Somalie visant à donner une réponse, allant au-delà d’une réponse militaire, pour résoudre le problème de la piraterie et donner « une réponse intégrale, politique et de sécurité civile pour ce pays ».
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