Mandat d’arrêt international de la CPI : que risque Benjamin Nétanyahou ?

POURSUITE. Un mandat d’arrêt international de la CPI contre le Premier ministre israélien limiterait sa capacité à gouverner son pays.

La déflagration pourrait se transformer en séisme. À l’heure qu’il est, les trois juges de la chambre préliminaire de la Cour examinent la requête du procureur à la lumière de sa conformité au droit international. L’emblématique dirigeant israélien, comme son ministre de la Défense, s’est-il rendu coupable de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité au cours de la guerre menée contre le Hamas à Gaza ? Si celle-ci devait trancher positivement, sa capacité à gouverner le pays serait fortement entravée.

Pour un petit pays comme Israël, où la diplomatie est une question de vie ou de mort, la situation deviendrait vite difficile. Concrètement, il ne pourrait plus voyager dans l’un des 124 pays qui reconnaissent l’autorité de la Cour pénale internationale sans prendre le risque d’être arrêté. Comme le stipule le statut de Rome, tout pays signataire serait tenu, soit d’extrader l’accusé vers le siège de la cour à La Haye, soit de le juger sur son sol.

« Aucun individu ne saurait être à l’abri de poursuites en raison des fonctions qu’il exerce », fait valoir l’institution. Plus encore : le non-respect de cette directive exposerait le pays en question à des poursuites judiciaires. Berlin, par exemple, allié historique d’Israël et très critique des réquisitions du procureur, a d’ores et déjà fait savoir par la voix de son porte-parole du gouvernement qu’il appliquerait la réglementation internationale si le mandat d’arrêt venait à être lancé. Cela à l’inverse de la Hongrie de Viktor Orbán, qui a qualifié les réquisitions du procureur d’« inacceptables » et a affirmé n’avoir pas l’intention d’exécuter un tel mandat, sa justice ne reconnaissant pas la primauté de la Cour internationale, bien que son pays ait ratifié le traité de Rome.

Mais dans nombre de pays européens, le Premier ministre israélien pourrait être inquiété. « S’il venait en France dans ces conditions, par exemple, il serait immédiatement interpellé, explique au JDD Noëlle Lenoir, avocate et ancienne ministre déléguée chargée de l’Europe. « D’ailleurs, Emmanuel Macron avait fait savoir qu’il serait contraint d’arrêter Poutine, [sous le coup d’un mandat d’arrêt international depuis 2015 pour les enlèvements d’enfants en Ukraine, NDLR], si celui-ci décidait de venir dans la capitale à l’occasion des Jeux olympiques », rappelle-t-elle. « Cela à la différence de nombre de pays arabes. Ni le Qatar, ni l’Iran, ni l’Arabie saoudite n’ont ratifié le traité de Rome. La Chine, l’Inde, la Russie non plus… Et il y a quelques années, des pays africains s’en sont retirés », ajoute-t-elle.

Tous les États occidentaux peuvent être passibles de telles condamnations

Les États-Unis et Israël n’ont pas accepté non plus de se soumettre à cette juridiction supranationale, contrairement à la « Palestine », qui a adhéré à ladite juridiction en 2015, après un intense travail de lobbying et plusieurs refus, en raison de l’absence d’un État effectif et des problèmes juridiques qui en découlent.

Si ce mandat international venait à être lancé, pour la première fois contre le dirigeant d’un pays démocratique, cela créerait non seulement une victoire symbolique pour le Hamas, mais aussi une forme de jurisprudence. « Il n’y aura plus d’intervention militaire en Afrique qui ne soit pas passible de la CPI », considère Noëlle Lenoir. « Les Occidentaux pourraient être poursuivis pour crime de guerre ou de complicité dès lors qu’ils vendraient des armes. Tous les États occidentaux peuvent être passibles de telles condamnations », avertit-elle. En bref, une telle condamnation ouvrirait la boîte de Pandore contre les Occidentaux.

Droit de guerre islamique

Une menace à la fois concrète et symbolique pour le Premier ministre israélien, qui continue néanmoins d’affirmer qu’il ira « au bout » de sa guerre contre le Hamas, quel qu’en soit le prix personnel, dans une actualité marquée par des nouvelles secousses dramatiques. Cette semaine, une vidéo prise par les caméras embarquées des terroristes du Hamas le 7 octobre a été diffusée. On y voit des soldates israéliennes, blessées et tachées de sang, enlevées sauvagement par des hommes en noir s’exprimant en arabe. L’un d’entre eux utilise le terme de « Sabaya », qui fait référence au droit de guerre islamique qui autorise les femmes ennemies à devenir des esclaves sexuelles et qui laisse présager du destin auquel il prédestinait ces Israéliennes une fois à Gaza.

Puis vendredi, l’annonce de la découverte du corps d’Orión Hernández-Radoux, Franco-Mexicain, rapatrié en Israël pour une inhumation dans la douleur. Comptabilisé jusque-là parmi les otages, son corps a été retrouvé sans vie dans un tunnel à Jabalya, dans le nord de Gaza, assassiné dans la fleur de l’âge alors qu’il participait au Festival Nova avec sa compagne Shani Louk. Le corps sans vie de cette dernière a également été retrouvé quelques jours plus tôt dans l’enclave palestinienne.

Le JDD

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