Le Maghreb et l’Union Européenne

Les pays du Maghreb central – l’Algérie, le Maroc et la Tunisie – sont des partenaires de plus en plus difficiles pour l’Europe. Au cours des dernières années, leurs dirigeants sont devenus plus affirmés dans leurs tentatives de fixer les termes des relations avec l’Union européenne et ses États membres, en utilisant à la fois les forces et les vulnérabilités de leurs pays pour obtenir des concessions. Ils ont transformé les actifs énergétiques, la menace de migration et même le risque d’effondrement économique en outils permettant d’atteindre leurs objectifs diplomatiques, de détourner les critiques internationales et d’obtenir un soutien financier sans conditions lourdes. Au lieu de s’unir face à ces évolutions, les pays européens ont présenté une réponse fragmentée.

À la suite des soulèvements pro-démocratiques de 2011 dans le monde arabe, l’UE et ses États membres se sont unis autour d’une politique de soutien aux réformes et aux transitions. Mais après 2015, une poussée migratoire et une inquiétude croissante face au terrorisme – deux questions qui ont joué un rôle important dans la politique intérieure européenne – ont conduit à une approche plus transactionnelle. Plus récemment, la guerre en Ukraine et la nécessité de lutter contre le changement climatique ont incité les Européens à se concentrer à la fois sur l’approvisionnement en gaz et sur les énergies renouvelables. Les États membres de l’UE se sont donc tournés vers le renforcement de leurs relations avec les pays du Maghreb qui servent leurs intérêts nationaux. Dans le même temps, les tensions entre les deux pays les plus puissants du Maghreb – le Maroc et l’Algérie – se sont fortement accrues, rendant plus difficile pour les pays européens de maintenir des liens étroits avec les deux.

Dans ce contexte, les politiques des États membres de l’UE les plus influents dans la région – l’Italie, la France, l’Espagne et l’Allemagne – divergent, façonnées par les différentes préoccupations et priorités de chaque pays. Les préoccupations migratoires signifient que l’Italie a préconisé une stratégie « d’engagement d’abord » avec la Tunisie, donnant la priorité au dialogue avec le président Kais Saied plutôt qu’aux critiques de son tournant contre la démocratie. Il a également renforcé les liens énergétiques avec l’Algérie. La France était traditionnellement leader en matière de politique européenne au Maghreb, mais les tensions avec le Maroc et l’Algérie ont limité son influence dans la région. L’Espagne a redoublé ses relations étroites avec le Maroc, provoquant une rupture diplomatique avec l’Algérie. L’Allemagne est devenue influente en Tunisie, notamment en tant que partisane des réformes après 2011, mais elle a désormais pris du recul et se concentre largement sur les investissements dans les énergies renouvelables dans la région.

Cette note d’orientation cartographie le nouveau paysage de la politique européenne à l’égard du Maghreb, en examinant les sources et les objectifs des politiques des quatre États membres les plus influents. Les relations nationales ont toujours façonné les politiques européennes à l’égard du Maghreb : l’Italie, la France et l’Espagne entretiennent des liens étroits avec les pays de la région, basés sur l’histoire, les populations de la diaspora, les liens commerciaux et la coopération en matière de sécurité, tandis que l’intérêt plus récent de l’Allemagne pour la réforme et la transition verte ont soutenu son engagement. Mais à mesure que les choix auxquels sont confrontés les Européens au Maghreb sont devenus plus aigus et que l’Algérie et le Maroc ont adopté une logique à somme nulle dans laquelle toute tentative d’approfondissement des relations avec l’un est traitée comme un camouflet par l’autre, les intérêts nationaux sont devenus particulièrement influente et la politique européenne moins coordonnée.

L’Europe s’affaiblit dans ses relations avec le Maghreb en poursuivant cette approche fragmentée. Il est inévitable que les États membres de l’UE aient leurs propres intérêts à défendre, mais s’ils les encadraient dans une vision européenne plus large, cela leur donnerait un avantage. L’approche actuelle risque de permettre aux dirigeants nord-africains de prendre le dessus dans des relations bilatérales axées sur leurs intérêts. Mais les relations variées de la France, de l’Italie, de l’Espagne et de l’Allemagne avec les pays du Maghreb pourraient devenir une source de force pour l’Europe si elles étaient mieux harmonisées. Cela les aiderait à atteindre un ensemble d’objectifs qu’ils partagent largement : encourager une meilleure élaboration des politiques économiques et une meilleure gouvernance en Tunisie, favoriser les progrès vers une plus grande ouverture en Algérie et approfondir la coopération avec le Maroc tout en résistant aux pressions diplomatiques sur le territoire contesté du Sahara occidental. Cette note d’orientation explique ainsi comment un meilleur équilibre entre les relations bilatérales et la coordination européenne constituerait la base la plus efficace permettant à l’UE d’atteindre ses objectifs à long terme dans la région.

https://ecfr.eu/publication/the-maghreb-maze-harmonising-divergent-european-policies-in-north-africa/

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