La situation en Algérie

L’Algérie a bénéficié de la guerre menée par la Russie en Ukraine. La flambée des prix du pétrole et du gaz et la recherche par les pays européens de fournisseurs alternatifs pour remplacer le gaz russe ont constitué une aubaine pour les dirigeants algériens, leur permettant de renforcer un contrat social qui utilise les revenus des hydrocarbures pour acheter le mécontentement public. Le pays a enregistré un excédent de compte courant de 19 milliards de dollars (9,8 % du PIB) en 2022. Et, même si les prix du gaz ont chuté en 2023, l’Algérie a toujours bénéficié d’un excédent de compte courant de 2,9 milliards de dollars pour le premier semestre de cette année. Le budget du pays pour 2024 explique comment cet excédent sera utilisé pour réduire la hausse du coût de la vie, notamment par une forte augmentation des salaires publics et des dépenses de construction de logements. Le gaz algérien, livré à la fois par gazoducs et sous forme de gaz naturel liquéfié, a joué un rôle important en permettant à l’UE d’atteindre son objectif de remplir les installations de stockage de gaz à 90 % de leur capacité avant l’échéance de novembre 2023. Les exportations de gaz algérien vers l’Union européenne sont passées de 41,8 milliards de mètres cubes (bcm) en 2021 à 55,2 milliards de m3 en 2022.

Les bénéfices économiques du boom pétrolier et gazier ont permis au président algérien, Abdelmadjid Tebboune, de consolider la position de son régime dans son pays. Cela fait suite aux manifestations massives anti-élites du « Hirak » en 2019 qui ont chassé le dirigeant de longue date du pays, Abdelaziz Bouteflika, de ses fonctions. Mais l’élection de Tebboune en décembre 2019 représentait une réaffirmation du pouvoir de la classe dirigeante du pays, un réseau opaque d’élites militaires et économiques, plutôt que le changement de système politique réclamé par les manifestants. Les manifestations ont néanmoins été suspendues en 2020 en raison de la pandémie de covid-19 ; Tebboune a empêché toute résurgence grâce à une combinaison de dépenses publiques et d’une répression accrue. Les autorités ont réprimé les militants de l’opposition et les voix critiques, les soumettant à des harcèlements judiciaires et à des arrestations répétées. Les militants estiment que plus de 200 personnes ont été emprisonnées pour activités politiques, parmi lesquelles des personnalités aussi connues que les journalistes Ihsane El Kadi et Mustapha Bendjemaa.

Pourtant, l’avenir économique de l’Algérie reste précaire. L’industrie gazière du pays continue de souffrir de la médiocrité des infrastructures et de la capacité limitée des gisements de gaz actuellement exploités. Dans une mise à jour de l’automne 2023 sur l’Algérie, la Banque mondiale a fait valoir que « des réformes continues visant à favoriser l’investissement, la croissance et la diversification du secteur privé sont nécessaires [pour] améliorer les performances et la résilience de l’économie ». Mais ces réformes progressent (au mieux) lentement, alors que Tebboune tente de gagner le soutien de l’opinion publique et de renforcer sa position auprès de l’ armée et de l’establishment politique affiliés au pétrole et au gaz , avant les élections de l’année prochaine. Le gouvernement a reporté à plusieurs reprises les réformes prévues pour réduire les subventions aux carburants et améliorer le fonctionnement du système fiscal. Malgré le potentiel de l’Algérie en matière de production d’énergie renouvelable, notamment d’hydrogène vert, le régime hésite à prendre des mesures décisives vers cette transition.

Tebboune a également adopté une politique étrangère plus affirmée, destinée à renforcer le profil régional et international de l’Algérie et à améliorer sa réputation publique. Cela inclut une réponse énergique à ce que les responsables algériens décrivent comme une « série de provocations » de la part du Maroc, conduisant à une forte augmentation des tensions entre les deux principaux pays du Maghreb ces dernières années. Leur rivalité se concentre sur le territoire contesté du Sahara occidental, que le Maroc revendique (et a largement occupé), mais où l’Algérie soutient le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui local et du mouvement du Front Polisario qui le représente.

L’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc en septembre 2021. Elle l’a fait non seulement en réponse à l’action militaire marocaine au Sahara occidental, mais également à l’alliance du pays avec Israël et aux déclarations de certains responsables marocains en faveur des mouvements séparatistes en Algérie. Même si le différend n’a pas dégénéré en confrontation militaire directe entre les deux pays, il les a conduits à adopter une logique de jeu à somme nulle dans leurs relations avec les pays tiers.

https://ecfr.eu/publication/the-maghreb-maze-harmonising-divergent-european-policies-in-north-africa/

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