La France versatile et frivole, et le Sahara Occidental

La France tergiverse, pouvoir et média, sur les nuances de la liberté d’expression quand il s’agit du président et de ses amours, d’un humoriste et de ses excès… Serions-nous encore ensuqués par les excès multiples de la fin d’année pour supporter aussi peu de sérieux, tout ce bruit pour rien ? N’y a t’il pas matière à pessimisme ?
Sur une échelle géographique aléatoire, il pourrait être plus intéressant de se pencher sur « la courbe du chômage inversée de façon imperceptible » et la hausse de la TVA, un peu plus loin sur Fukushima et ses fuites radioactives, les baleines pilotes et poulpe géant qui s’échouent, sur l’Europe et ses accords étrangement hyper-capitalistes et très discrets pour la protection des banques…
Vue d’ailleurs, notre France des droits de l’Homme est sûrement ridicule. Empâtée à ignorer son peuple, son devoir éthique d’éducation pour emplir les têtes et s’opposer à la haine, empâtée à oublier d’entendre les vigilants, penseurs et intellectuels.
Ou alors, l’ailleurs soit nous raille comme l’excellent « Demainonline » indépendant marocain en exil, soit ne se soucie pas de notre pauvre France démagogique.
En Tunisie, on s’occupe de choses sérieuses, et suite à une pression très forte de la population, de la société civile, des syndicats ouvriers, patronaux, des avocats et des associations de droits de l’Homme, le parti islamiste Ennahdha a accepté de céder le pouvoir à un gouvernement de compétence nationale pour assurer la dernière période de transition démocratique, préparer les prochaines élections et terminer la constitution et le processus électoral.
Les Congolais de la RDC en diaspora ont décidé qu’on ne s’amuserait plus tant que la situation de leur pays, champ de bataille et théâtre d’un génocide absent des médias autant que démesuré ne serait pas sur la voie de l’amélioration, et le despotisme d’État dégagé. On ne danse plus sur scène ni on ne s’amuse congolaisement en France (ni ailleurs) et le combat multiforme est devoir d’information internationale et de vigilance, quand la révolte gronde au pays et que continuent les massacres civils en masse. Cela se fait sans la France, mauvaise amie qui oublie encore de soutenir les aspirations et les efforts vers la démocratie de ce peuple en marche.
Les Sahraouis, amis des précédents, eux, se soucient de la France. Ils ont célébré en novembre dernier le troisième anniversaire de la manifestation qui en territoires occupés du Sahara Occidental avait réuni à Gdaim Izik 20 000 d’entre eux pendant un mois, avant l’attaque des forces de sécurité du colonisateur marocain. Depuis lors, fin 2010, des civils journalistes, militants de droits de l’homme, médiateurs, sont en prison à Salé 2 près de Rabat, et ont été condamnés sans preuve par un tribunal militaire à des peines allant de 20 ans à la perpétuité.  Condamnés pour leur identité.
2013 a encore été une année de continuité dans la lutte et la résistance, certes, mais aussi dans l’immobilisme international. La France n’a pas changé de ligne en passant de droite à gauche et continue à être responsable du statu quo de la situation. Chaque frémissement favorable a connu son contraire.
La Minurso a été renouvelée sans mandat de protection des populations civiles sahraouies qui affirment leur identité ou revendiquent le respect de leurs droits internationalement établis. La France est probablement victime d’une tergiversation géométrique sur la variabilité de l’intensité et de la quantité des coups donnés… puisqu’elle est responsable de cet état de fait. Les manifestations sahraouies de protestation hebdomadairement attaquées par les forces de sécurité marocaines qui cognent
avec la visible jubilation de l’impunité mais ne tuent pas beaucoup ou cachent bien les corps n’y ont pas suffi. On peut avoir la même crainte pour 2014 si l’influence internationale ne pèse pas sur cette même France, malgré la permanence des protestations sahraouies en territoires occupés, et les déchaînements de violence qu’ils ont reçus toute l’année 2013. On appelle ça communément les droits de l’Homme, et les militants internationaux et ceux du Sahara Occidental s’appliquent à rapporter les horreurs commises sans que la France des droits de l’Homme ne s’en soucie.
Le traditionnel nerf de la guerre, l’argent en question, est ici celui tiré illégalement par le Maroc de l’exploitation des richesses naturelles du Sahara Occidental, et celui donné pour son protectionnisme hypocrite par l’Europe au même Maroc. Accord de voisinage, accord agricole, accord de pêche, statut avancé sont effectifs, l’ALEAC se profile dangereusement. Tous ces accords écrits sur le dos du peuple sahraoui puisque les textes souffrent d’amnésie quand il s’agit d’indiquer les frontières internationalement admises du Maroc, qui ne comprennent pas le Sahara Occidental.
Que payent donc aux uns et aux autres les entreprises françaises Total, Véolia, Idyl, Azura et autres pour être au Sahara Occidental, et que reçoivent-elles pour agir illégalement puisque contrairement à la volonté des Sahraouis ?
Javier Bardem dans son film récent sur la question sahraouie « Hijos de las nubes » fait une grande part à la démonstration de l’indiscutable culpabilité diplomatique de la France, probablement parce que la rouerie espagnole est consommée.
Alors ? Que font les Sahraouis en France ?
D’où viendra la prise de conscience que les méthodes anciennes ne fonctionnement manifestement pas et qu’il faut s’adapter à la situation et faire bouillonner les jeunes têtes. La délicate tradition sahraouie de ne jamais dire non, de passer par un détour ou un intermédiaire pour agir sur les coordonnées d’un problème ressemble à l’obligation de moyens quand il lui manque l’obligation de résultat. Les mouvements de l’Allemagne découvrant les atteintes marocaines aux droits humains des sahraouis pourraient-ils vraiment faire bouger la France ? Justification de la procrastination …
Et si les Sahraouis et leur République faisaient bouger la France ? Foin de plaisanterie, à l’aune du temps occidental il faut aller tout droit ! La jeunesse sahraouie qui bouillonne ici et souffre des violences subies sous l’occupation ou de l’exil connaît la France et ses travers. Ceux là ont l’intuition que la lutte pacifique est possible et en auront le courage une fois sur le chemin, même si les coups reçus par leurs sœurs et mères en territoires occupés, les carences alimentaires et maladies des femmes et enfants des campements de réfugiés poussent certains à dire qu’une reprise de la guerre serait une solution.
Si les institutions pèsent trop lourd, la résistance doit trouver une autre forme…
Les Sahraouis résistent et bougent, cherchent et tâtonnent, et nous Français ? résistons-nous ?

APSO, le 11 janvier 2014

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