Israël-Palestine : «La solution à deux Etats est plus utopique que celle d’un Etat binational» (entretien)

Malgré le traumatisme du 7 octobre, l’historien israélien Shlomo Sand espère voir émerger une fédération «à la belge» réunissant les deux communautés.

Shlomo Sand est un historien israélien qui bouscule les «certitudes» des Juifs. Son dernier livre Deux peuples pour un Etat? (1), ne déroge pas à la règle. Ecrit avant la tragédie du 7 octobre en Israël, il reste, pour son auteur, d’une grande actualité.

Qu’est-ce qui vous a convaincu personnellement que la solution à deux Etats n’était plus possible?

Ma conviction a changé il y a environ deux ans, après un demi-siècle de lutte, en tant qu’universitaire et intellectuel, pour la reconnaissance de l’Etat palestinien à côté d’Israël. Je me suis rendu compte que rien ne progressait dans cette direction, même après les accords de paix d’Oslo, signés en 1993. Yitzhak Rabin lui-même (NDLR: Premier ministre israélien signataire des accords) a hésité à parapher une déclaration qui aurait conduit à un démantèlement des colonies de Cisjordanie.

Pour beaucoup d’Israéliens, en raison de l’éducation qu’ils ont reçue, Jéricho, Hébron et d’autres villes de Cisjordanie appartiennent historiquement aux Juifs, et sont plus juives que Tel-Aviv et Haïfa. Dans leur esprit, ces villes ont appartenu aux Juifs il y a deux mille ans. Maintenant que eux sont revenus en Palestine, ils considèrent qu’elles font partie d’Israël. C’est ainsi que depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui, près de 850 000 colons israéliens se sont installés en Cisjordanie. Ce constat m’a amené à me poser la question: combien de temps encore rêvera-t-on à une solution à deux Etats? Ce n’est pas possible.

D’autres éléments m’ont convaincu. A la fin des années 1990, après les accords d’Oslo, beaucoup d’Israéliens, y compris de gauche, ont commencé à évoquer comme solution au problème l’établissement d’un Etat palestinien avec pour capitale Ramallah. Mais cela non plus n’est pas possible. Jérusalem, Al-Qods en arabe, n’est pas moins chère aux Palestiniens qu’elle ne l’est aux Juifs. Donc, si on envisage la création d’un Etat palestinien, il faut que Jérusalem en fasse partie. Mais personne en Israël ne l’acceptera. D’autant que Jérusalem est complètement entourée aujourd’hui de colonies juives.

Ajoutez à cela que la bande de Gaza n’a pas de continuité territoriale avec la Cisjordanie, je me suis dit qu’en fait un Etat palestinien indépendant était une chimère. J’en suis arrivé à la conclusion qu’une fédération, sur le modèle de la Belgique, avec toutes les conflictualités existant entre deux communautés, doit être notre vision de l’avenir de la région. Nous n’avons pas le choix. Pour qu’une communauté n’écrase pas l’autre, il nous faut cet Etat binational avec Jérusalem comme capitale commune. Si on ne peut pas partager un pays, qui plus est aussi petit que la Palestine-Israël, il faut partager la souveraineté sur celui-ci.

Lire la suite depuis la source (Le Vif)

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