Avec la fermeture de Suez, dilemme de pillage pour le Maroc

Le Maroc a depuis 6 ans évité de diriger les navires transportant son pillage via l’Afrique du Sud, dont les tribunaux ont jugé illégal le pillage du phosphate du Sahara Occidental occupé. Le premier test se joue maintenant.

Les dernières semaines ont vues de la panique dans le secteur des transports, les tirs de roquettes menaçant le trafic civil traversant la mer Rouge. L’un des navires attaqués comprend un chimiquier qui transportait de l’acide phosphorique en provenance d’un port marocain.

Certaines compagnies maritimes ont annoncé qu’elles envoient désormais leurs navires via la longue route du sud autour du continent africain pour le transport de marchandises entre l’Europe et l’Asie.

Vers minuit, entre le 22 et le 23 décembre, a eu lieu la première redirection d’un navire transportant des minerais en provenance du Sahara Occidental occupé et en conflit.

À ce moment-là, le vraquier Teal Bulker, qui naviguait vers l’est au nord de la Libye, a fait demi-tour. WSRW n’a jamais vu une manœuvre similaire et en déduit qu’elle doit être liée aux risques du transit par la Mer Rouge.

Le navire battant pavillon panaméen a quitté le port d’El Aaiún, en territoire occupé, le 16 décembre, avec du minerai de phosphate, et se dirigeait vers le canal de Suez. Après le demi-tour, il a changé sa destination pour Las Palmas, où son arrivée est estimée au 30 décembre.

Mais – et c’est là que réside le problème – rediriger des navires pour l’Asie via l’Afrique du Sud semble une route que le Maroc a tenté d’éviter.

Les exportations marocaines de phosphates du Sahara Occidental occupé violent le droit international et ont été jugées illégales par la Haute Cour d’Afrique du Sud.

Depuis que le vraquier NM Cherry Blossom a été arraisonné en Afrique du Sud le 1er mai 2017, toutes les cargaisons de minerai phosphate du Sahara Occidental occupé expédiées vers l’Asie ont emprunté la route de Suez.

La Haute Cour d’Afrique du Sud a statué en 2018 que la cargaison à bord du NM Cherry Blossom – 50 000 tonnes de minerai de phosphate provenant du Sahara Occidental occupé – avait été illégalement exploitée et exportée par la société nationale marocaine de phosphate OCP. Le navire a été libéré après une arrestation de 370 jours à Port Elizabeth, ce qui a coûté à l’affréteur environ 10 000 dollars de frais quotidiens, selon des documents judiciaires.

Western Sahara Resource Watch (WSRW) surveille quotidiennement le transport des produits du Sahara Occidental et aucun navire observé n’a emprunté la route sud autour du Cap de Bonne-Espérance depuis mai 2017. EN 2019, un cargo parti du Sahara Occidental avec une cargaison de poissons congelés a évité de justesse son arrestation en Afrique du Sud, en faisant demi-tour à l’entrée du port du Cap, échappant à un mandat d’arrêt international.

Une fois à Las Palmas, WSRW suppose que le Teal Bulker va reprendre du carburant pour faire le voyage vers l’Asie sans escale. Alors ce serait le premier cargo de phosphate a faire le voyage autour du Cap depuis avril 2017.

Ayant participé à la bataille juridique en Afrique du Sud en 2017-2018, l’OCP est bien conscient des risques juridico-financiers liés à cette voie.

Les importations asiatiques de ce produit ne sont pas négligeables. Paradeep Phosphates Limited (PPL), filiale de l’OCP – compagnie nationale marocaine de phosphate- située en Inde, figure ces dernières années parmi les plus gros importateurs de phosphate du Sahara Occidental occupé.

Le commerce des phosphates sahraouis vers l’Inde n’a réellement commencé qu’en 2016. Depuis lors, entre 18 et 64 pour cent de tout le minerai exporté chaque année de la mine de Bou Craa au Sahara Occidental ont abouti à l’usine de Paradeep en Inde.

La saisie de navires en Afrique du Sud – et au Panama – en 2017, à l’instigation du peuple sahraoui, a provoqué un changement radical dans la structure commerciale de ce produit de base. Les exportations vers certains pays se sont arrêtées, tandis que tous les échanges via le Panama et l’Afrique du Sud ont cessé brusquement et complètement. Après la saisie du NM Cherry Blossom en mai 2017, six mois se sont écoulés avant que le premier navire ne parte vers l’Asie – via Suez. D’octobre à la fin de cette année 2017, quatre navires transportant du phosphate sahraoui ont transité par Suez. Les navires à destination de la Nouvelle-Zélande via le Panama ont depuis emprunté la route via le détroit de Magellan au Chili.

La surveillance quotidienne du trafic maritime par WSRW en 2017, 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022 montre qu’au total, 61 navires ont navigué du Sahara Occidental occupé vers l’Asie depuis l’arrestation de NM Cherry Blossom.

Ils sont tous passés par Suez.

51 des 61 navires, ont navigué vers l’Inde, tandis que 2 sont allés aux Philippines, 6 en Chine et 2 au Japon.

Cela contraste fortement avec les expéditions de cargaison d’avant l’arrestation, lorsque les transports vers l’Asie via l’Afrique du Sud étaient beaucoup plus courants. Les deux navires partis du Sahara Occidental vers l’Asie en 2017 avant l’arrestation – le Spar Lyra en février et le GH Northern Dancer en avril – sont tous deux passés au large de l’Afrique du Sud.

Pour rendre la saga Teal Bulker de cette semaine encore plus complexe : le navire chargé affiche un tirant d’eau de 12,9 mètres, c’est à dire qu’il s’enfonce de 12,9 mètres sous le niveau de l’eau. Parmi tous les ports que le Maroc utilise actuellement pour importer le produit volé, le port de Paradip en Inde est probablement le seul à pouvoir recevoir un navire d’un tel tirant d’eau.

Le navire ne pourra probablement pas débarquer dans le port de Coatzacoalcos au Mexique, qui a été le plus important destinataire du phosphate ces deux dernières années. Les tirants d’eau des navires arrivant à Coatzacoalcos sont généralement de 11,8 mètres, en relation avec la capacité du port. Le tirant d’eau le plus important observé par WSRW des ports utilisés en Nouvelle-Zélande – celui de Tauranga – est de 12,8 mètres.

On ne sait pas clairement qui est le client du cargo Teal Bulker, mais compte tenu des tendances du commerce, il s’agit très probablement de Paradeep.

Un prospectus (ou téléchargement) déposé par Paradeep Phosphates Limited (PPL) en 2021 indique que la compagnie indienne a conclu un accord d’approvisionnement à long terme avec OCP le 1er janvier 2021 pour l’approvisionnement de ce que l’entreprise appelle « notre matière première de la plus importante valeur, le minerai de phosphate ». L’accord a une durée de trois ans, expirant le 31 décembre 2023, et peut être renouvelé tacitement pour des périodes successives de deux ans.

WSRW a contacté la société importatrice en Inde, PPL, à plusieurs reprises depuis 2015, sans jamais avoir reçu de réponse.

Teal Bulker est géré par la société japonaise First Marine Service Co. et enregistré auprès de la société Diamond Griffin S.A.

Le Sahara Occidental ne fait pas partie du Maroc et, donc, le Maroc n’a pas l’autorisation d’exporter les ressources du territoire qu’il maintient sous occupation.

https://wsrw.org/fr/nouvelles/avec-la-fermeture-de-suez-dilemme-de-pillage-pour-le-maroc

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