Ahmed Kateb, experto e investigador en relaciones internacionales: « La decisión de la CIJ ha sacudido a la entidad sionista ».

Interview réalisée par : Amel Saher

Les Ghazaouis, qui ont, jusqu’ici, survécu à la machine meurtrière de l’entité sioniste, risquent de mourir de faim. En effet, la décision à la fois choquante, violente, honteuse et irresponsable de certains États ­— parmi les principaux donateurs — de suspendre leur financement à l’UNRWA, alors même que la Cour internationale de justice a ordonné la mise en place de mesures immédiates permettant la fourniture d’aides humanitaires aux civils, risque d’emporter toute la population de Ghaza.

À vrai dire, plus rien ne semble freiner l’actuel Premier ministre du gouvernement fanatique de l’entité sioniste dans sa volonté de mener jusqu’au bout son projet politique. Le seul et unique principe qu’il prône et qu’il assume pleinement et publiquement depuis les accords d’Oslo est celui d’empêcher la création d’un Etat palestinien, soit en tuant les Palestiniens soit en les forçant à fuir vers le Sinaï ou la Jordanie.

Dans cet entretien, Ahmed Kateb, expert et chercheur en relations internationales, nous livre une lecture et une analyse des derniers développements de l’agression sioniste, des conséquences politiques de la suspension des fonds à l’UNRWA, décidée par plusieurs États occidentaux sur la base de simple accusations qui ne reposent sur aucune enquête indépendante et enfin sur l’action de d’Algérie au sein du Conseil de sécurité depuis le début de son mandat.

El Moudjahid : Plus de 700 Palestiniens ont été tués au cours des quatre jours qui ont suivi l’annonce de l’arrêt de la Cour internationale de
Justice sur les mesures d’urgence réclamées par l’Afrique de Sud qui reconnaît un risque de génocide imminent. Quel est le message de l’entité sioniste pour la communauté internationale et la CIJ, selon vous ?

Ahmed Kateb : Le message de l’entité sioniste ne souffre d’aucune ambiguïté, c’est un pied de nez à la communauté internationale, une façon de dire que seule sa stratégie est valable et qu’elle entend terminer ce qu’elle a commencé. C’est un affront à toute la communauté internationale par le biais de cette fin de non-recevoir dans les faits de la décision de la CIJ, et une fuite en avant pour signifier non seulement à cette communauté des Etats mais également aux opinions publiques que l’entité sioniste ne reconnait aucune autorité qu’elle soit juridique, politique ou même morale qui puisse s’exercer sur elle.

A bien y regarder, les sionistes signifient au monde entier que plus les pressions politiques, juridiques ou morales sont fortes, plus ils poursuivent leur stratégie de meurtre et de génocide au nom d’une soi-disant légitime défense que ses alliés se sont empressés de lui témoigner, d’une manière inconditionnelle, dès le 7 octobre 2023. Il est quasiment risible pour ne pas dire insultant pour l’intelligence de l’humanité entière de voir un Benyamin Netanyahu plaider pour faire croire à qui le veut que l’armée sioniste est l’armée la plus morale du monde ! La Cour internationale de Justice (CIJ) a ordonné que Tel Aviv prenne immédiatement des mesures pour garantir que son armée ne viole pas la Convention sur le génocide. La décision est historique tout comme le plaidoyer de l’Afrique du Sud et du soutien de toute l’opinion publique internationale. Cette première a fait très mal aux sionistes, à leurs affidés et à leurs soutiens. D’où leur acharnement contre les Palestiniens de Ghaza et de Cisjordanie occupée.

L’entité sioniste a accusé 12 agents de l’UNRWA d’avoir participé à l’opération Déluge d’El-Aqsa. Des accusations qui ont poussé instantanément plusieurs pays occidentaux à cesser l’aide humanitaire à l’agence onusienne. Quelles sont les véritables visées à l’origine de cet acte inattendu et brutal ?

Ceci est un écran de fumée pour détourner l’opinion publique internationale complètement acquise aux Palestiniens du véritable enjeu, soit l’arrêt de l’agression sioniste. Au lieu et place de cela, l’Agence onusienne d’aide aux Palestiniens UNRWA créée après la Nakba de 1948 se trouve accusée par les Sionistes d’abriter des militants de la résistance palestinienne qui auraient participé à l’opération Déluge d’El-Aqsa, le 7 octobre 2023.

Aujourd’hui, plus de 120 employés de cette agence onusienne ont été assassinés par l’armée sioniste dans les bombardements ciblés contre les écoles et les entrepôts de l’UNRWA, aux mises en garde de l’Onu, l’entité sioniste répond par une infamie et se transforme par enchantement d’accusée à victime.

Avec cette affaire, Tel Aviv a entrainé avec elle dans son délire ses alliés occidentaux et assimilés. La France, l’Allemagne, l’Italie, le Danemark, les Pays-Bas, la Finlande, le Royaume-Uni, la Suède, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon ont d’ores et déjà annoncé la suspension du financement de l’UNRWA. Les Etats-Unis l’ont déjà amorcé dès la présidence de Donald Trump il y a quelques années. On le voit, ces pays deviennent des complices dans l’entreprise criminelle de l’entité sioniste à l’encontre du peuple palestinien.

Avec cette manipulation de grande échelle, Tel Aviv implique ses alliés pour délégitimer l’UNRWA, un organisme onusien indispensable pour aider le peuple palestinien dans les questions de l’alimentation et de l’éducation, notamment.

Pour de nombreuses organisations humanitaires, sans l’UNRWA, la situation à Ghaza déjà apocalyptique risque d’empirer davantage et la réponse humanitaire de s’effondrer. A votre avis, les Etats qui ont suspendu les aides à l’UNRWA sont-ils en train de conforter la décision de la CIJ sur un risque génocidaire imminent ?

Consciemment et/ou inconsciemment, selon les cas, oui. Ces pays qui se sont alignés sur le narratif sioniste dès le début des massacres contre le peuple palestinien se trouvent complices de ce risque génocidaire imminent. Mais là, l’entité sioniste ne se souci pas ni du devenir du peuple palestinien au bord de la famine, ni du sort même de ses soutiens occidentaux, ce qui lui importe le plus c’est la réalisation de sa stratégie meurtrière et génocidaire. Les politiques sionistes se soucient davantage de leurs positions au sein du cabinet de guerre et des équilibres politiques que des réalités sur le terrain.

Les suprémacistes sionistes de l’acabit de Bengvir ou Smotrich qui opèrent une fuite en avant en imposant leurs agendas veulent par tous les moyens vider la Palestine de sa population. Le génocide actuel à Ghaza et les surenchères des colons en Cisjordanie visent à appliquer leur plan de transfert de la population palestinienne et de lui substituer une population constituée de migrants juifs
Mais sur ce point précisément, c’est le contraire qui s’opère avec la fuite de plusieurs dizaines de milliers de sionistes vers leurs pays d’origine car le mythe d’une entité sioniste protectrice de ses citoyens a volé en éclat, le 7 octobre 2023.

Une fois de plus, des pays occidentaux ont prouvé leur indignation à géométrie variable en réagissant instantanément aux accusations israéliennes tout en faisant la sourde oreille aux décisions de la CIJ. Sommes-nous face à une coalition qui s’est formée pour protéger l’entité sioniste et empêcher toute application des mesures d’urgence de la CIJ ?

Cette indignation à géométrie variable met en lumière le parallèle légitimement établi entre la question palestinienne et les événements en Ukraine. Les Occidentaux, américains, Britanniques et Européens se trouvent face à un complexe hérité de la Seconde Guerre mondiale. Pendant plus de 70 ans, le narratif sioniste a tourné à plein régime pour victimiser les Européens, aujourd’hui nous constatons dans les faits l’alignement systématique de ces pays sur les positions de l’entité sioniste.

Cependant, il ne faut pas ignorer la montée en puissance d’une opinion publique complètement décomplexée et libérée de la pesanteur de l’héritage de l’Holocauste et de la Shoah qui assimile aujourd’hui, les sionistes aux nazis dans leur mode opératoire et leur idéologie. C’est peut-être la plus grande victoire de la résistance palestinienne qui a su inverser la dynamique de l’histoire pour rétablir les faits.
La plainte de l’Afrique du Sud et la décision de la CIJ sont historiques dans la mesure où elles vont dans le sens de l’Histoire avec un grand H. C’est l’histoire qui donnera raison aux Palestiniens et inscrira la décision de la CIJ comme une première étape dans la démystification de l’entité sioniste et de ses sponsors politiques et idéologiques.

De nombreux pays ont salué l’action de l’Algérie, membre du Conseil de sécurité qui, depuis le début de son mandat, n’a cessé de multiplier les initiatives pour parvenir à un cessez-le-feu et permettre une mise en œuvre des mesures énoncées par la CIJ. En attendant, l’Algérie a déjà réussi à faire adopter une résolution exigeant l’élargissement des aides humanitaires destinées aux civils. Peut-on parler d’une dynamique diplomatique sans précédent en faveur de la question palestinienne au sein du Conseil de sécurité ?

Avec son mandat de deux ans au Conseil de sécurité, l’Algérie peut défendre, à la source, l’application de ses principes et ceux du droit international favorable à l’établissement d’un Etat palestinien avec El-Qods comme capitale. L’actualité dramatique que vit le peuple palestinien est cependant un accélérateur de l’histoire qui a, lui-même, besoin d’un facilitateur. De part sa position, l’Algérie est le meilleur facilitateur pour faire avancer la question palestinienne au Conseil de sécurité de l’Onu. Les convergences existent avec d’autres partenaires notamment la Russie, la Chine, le Mozambique pour ne citer que ceux-là pour proposer et défendre l’adoption de résolution favorables aux Palestiniens.

Et l’Algérie a réussi là où ses prédécesseurs ont échoué, à savoir, faire adopter à l’unanimité une résolution exigeant l’élargissement des aides humanitaires destinées aux civils palestiniens. Le texte proposé par l’Algérie et demandant la mise en œuvre des décisions de la CIJ circule entre les membres du Conseil, le soutien actif d’au moins trois membres permanents est nécessaire, à condition que les deux autres n’opposent pas de véto.

Depuis le début de la guerre génocidaire sioniste contre la bande de Ghaza, jamais le Conseil de sécurité de l’Onu n’a connu une telle dynamique constructive en faveur des Palestiniens, et cela est à mettre au crédit de la diplomatie algérienne.

https://www.elmoudjahid.dz/fr/monde/ahmed-kateb-expert-et-chercheur-en-relations-internationales-la-decision-de-la-cij-a-ebranle-l-entite-sioniste-212732

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