En Algérie, Saida Neghza écrit à Tebboune et paie le prix fort

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En s’en prenant au gouvernement sur sa gestion économique et sociale, le président de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), considéré comme proche du pouvoir, espérait faire bouger les choses. Mais son initiative semble s’être retournée contre elle.

Pour Saïda Neghza, les troubles ont commencé le 7 septembre, lorsque la lettre ouverte qu’elle avait adressée au président algérien Abdelmadjid Tebboune a été rendue publique. Ce message, celle que le quotidien gouvernemental El Moudjahid présentait encore au début de l’été comme l’incarnation de « l’entrepreneuriat et le promoteur de l’option d’ouverture de l’Algérie, comme l’a demandé le président de la République », pointe un « récession généralisée » et « diverses persécutions et pressions de la part de différents représentants de l’État ».

Une nette rupture de ton de la part de la présidente de la Confédération générale des entrepreneurs algériens (CGEA) qui, en août, a participé à la conférence nationale autour de l’initiative politique visant à construire un « front commun contre les menaces extérieures » lancée par le président du groupe islamiste, le mouvement El Bina, Abdelkader Bengrina. Une initiative dont l’objectif, accuse l’opposition, serait avant tout de poser les bases d’un second mandat d’Abdelmadjid Tebboune.

En mai 2021, celle qui avait modestement investi dans le monde des affaires en 1990 avec une entreprise de torréfaction de café a même été reçue en grande pompe comme présidente. Officiellement pour remettre un rapport détaillé sur certaines régions défavorisées qu’elle avait visitées dans le cadre de sa tournée nationale.

Une manière pour le président, confie une source proche du pouvoir, de rendre la pareille à Saïda Neghza, qui, quatre ans plus tôt, avait refusé de soutenir la cabale orchestrée contre lui par l’ancien homme d’affaires et ancien patron du Forum des chefs d’entreprise ( FCE) Ali Haddad, et qui a fini par lui coûter son poste de Premier ministre trois mois après sa nomination.

Selon son entourage, Saïda Neghza espérait, avec cette proximité avec le président, élever sa confédération au rang de première organisation patronale d’Algérie. C’est aussi ce qui a motivé la diatribe qu’elle a lancée, en avril 2022, contre le Premier ministre, Aymen Benabderrahmane.

Ce dernier ayant choisi, dans le cadre des consultations avec les organisations patronales du pays en matière de relance économique, de recevoir en premier lieu Kamel Moula, président du Conseil algérien de relance économique (CREA), le patron de la CGEA l’avait accusé de dialoguer avec une organisation qui elle a qualifié de « réincarnation du FCE », laissant ainsi entendre que le Premier ministre perpétuait les pratiques en vigueur à l’époque d’Ali Haddad et de ses amis, sous l’ère Bouteflika.

Vidéo sur les réseaux sociaux

Depuis, Saïda Neghza œuvre au renforcement de son rayonnement sur le continent africain et dans le monde arabe. Avec succès. Elle a notamment été sacrée, en septembre 2022, à Genève, sous le haut patronage de l’ONU, présidente du club des meilleures femmes d’affaires d’Afrique, puis, en février 2023, elle a été classée par Forbes Afrique parmi les cinquante femmes les plus performantes. le plus influent du continent. Mais elle n’a pas l’occasion de rencontrer à nouveau le président Tebboune.

C’est cette absence de rencontre qui l’aurait convaincue d’adresser la lettre ouverte du 7 septembre au chef de l’Etat. La lettre était appuyée, le lendemain, par une vidéo mise en ligne sur les réseaux sociaux. Le responsable de l’organisation patronale évoque des amendes infligées à certains hommes d’affaires qui dépassent parfois le montant du patrimoine de leur entreprise, sans qu’ils aient accès à leur dossier pour se défendre. Elle revendique donc le droit de faire appel et propose de transformer ces amendes en obligation de lancer de nouveaux projets d’investissements productifs.

Pourtant, dans sa vidéo, elle aborde également la délicate question de l’acquisition d’un bien immobilier à l’étranger. Une affaire qui a valu de lourdes peines de prison à d’anciens hauts responsables et hommes d’affaires du régime Bouteflika. « Il faut tenir compte des particularités du pays, notamment la non-convertibilité des dinars et du carré [marché noir des devises, NDLR]… Tout homme d’affaires qui a réalisé un profit aspire à posséder un bien à l’étranger, mais la loi algérienne ne le fait pas. permettez-le », argumente Saida Neghza.

Appelant également à la création d’une commission chargée de mener des enquêtes sur « la délivrance de licences et de quotas d’importation dont certains bénéficient et pas d’autres », ce qui a conduit, selon elle, à « des prix élevés et une rareté des produits », Saida Neghza devrait obtenir l’arbitrage du président Tebboune. La réaction exprimée trois jours plus tard dans un article de l’agence officielle Algérie Presse Service (APS) n’a pas été celle espérée.

« Le mégaphone de l’ordre ancien »

Dans le texte publié par l’APS, la présidente de la CGEA est d’abord critiquée pour avoir diffusé massivement sa lettre ouverte sur les réseaux sociaux, bafouant ainsi « les pratiques de correspondance adressée à la Présidence de la République ».

L’agence accuse également Saïda Neghza d’être « la porte-parole d’intérêts qu’elle est censée combattre, ceux de l’ordre ancien, ceux d’une issaba dont le sport favori n’était pas la pratique du golf mais détournait l’argent du peuple. Le texte évoque également « des pressions qui rappellent l’époque où les groupes de pression, les lobbies et les oligarques – comme les organisations prédatrices comme l’ex-FCE dont l’existence a été exterminée et cela grâce au Hirak d’abord, puis grâce à l’élection présidentielle de 2019 – ont exercé leur chantage sur l’État.

Quant à la demande, formulée par Saïda Neghza, de relancer la « tripartite », ces rencontres entre gouvernement, syndicats et patronat constitueraient selon elle « le cadre approprié pour étudier la situation économique du pays, lever les contraintes et faire des propositions, à travers un dialogue socio-économique franc et large, pour une croissance économique inclusive et vigoureuse », a-t-il également eu l’effet inverse. « C’est la tripartite, insiste l’agence officielle, qui a distribué l’argent de la planche à billets au FCE et qui a coûté des milliards de dollars au Trésor public. » Quant aux propos du patron patronal sur les causes de la hausse des prix des produits de base, l’APS considère qu’ils constituent « un exemple de sa méconnaissance des réalités économiques ».

Lundi 11 septembre, Saïda Neghza a répondu à ces attaques sur son compte Facebook, expliquant que sa démarche était motivée « par la préservation des meilleurs intérêts du pays et de sa stabilité, et non par l’ambition d’en tirer des dividendes personnels ». « . Tout en demandant une nouvelle fois l’intervention du chef de l’Etat pour mettre fin aux pratiques qu’elle dénonce.

The Maghreb Times, 13/09/2023

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