La question du Sahara occidental et les positions internationales divergentes

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SAKHRI Mohamed

Le territoire contesté du Sahara occidental représente l’un des conflits géopolitiques non résolus les plus longs au monde, qui dure depuis plus de 40 ans depuis que l’Espagne a retiré son administration coloniale en 1975.[1] Les revendications contradictoires du Maroc et de la résistance autochtone du Front Polisario sahraoui compliquent les questions de souveraineté. L’impasse persiste malgré les efforts d’engagement des Nations Unies. Les positions internationales restent divergentes, les ambiguïtés juridiques permettant diverses interprétations. Cet article analysera le contexte historique, les principales parties, les échecs des règlements, les arguments juridiques, les implications étrangères et les perspectives de résolution du dilemme insoluble du Sahara occidental.

Arrière-plan
Le Sahara occidental occupe une région côtière désertique de l’Atlantique de 266 000 kilomètres carrés bordant le Maroc, la Mauritanie et l’Algérie.[2] La population autochtone sahraouie pratiquait traditionnellement un mode de vie nomade. La colonisation espagnole a commencé en 1885 et a duré jusqu’au milieu des années 1970. Alors que l’Espagne se préparait à partir, le Maroc et le Front Polisario (Front populaire de libération de Saguia el-Hamra et du Río de Oro) en quête d’indépendance cherchaient à prendre le contrôle du pays.

Le Maroc fonde ses revendications sur des liens historiques antérieurs à la domination espagnole. En 1975, la Cour internationale de Justice a confirmé certains liens tribaux sahraouis avec la monarchie marocaine, mais a estimé que leurs relations ne constituaient pas une souveraineté.[3] Cependant, le tribunal a également rejeté les revendications du Polisario en matière de nationalité. Face à l’ambiguïté juridique qui régnait, le Maroc a pris le contrôle de la majeure partie de la zone contestée. Cela a déclenché une insurrection du Polisario soutenu par l’Algérie et une fuite massive de réfugiés.

La Mauritanie a brièvement rejoint le Maroc dans l’occupation du Sahara occidental, avant de se retirer en 1979. Le Maroc a ensuite annexé l’ensemble du territoire, construisant des fortifications militaires contre les rebelles du Polisario.[4] Un cessez-le-feu a été conclu en 1991, en attendant un référendum sur l’indépendance. Mais le vote a été bloqué à plusieurs reprises en raison de querelles sur les règles d’éligibilité des électeurs, biaisées en faveur des deux côtés. La mission de maintien de la paix de l’ONU, la MINURSO, reste déployée pour surveiller le cessez-le-feu et les camps de réfugiés. Mais dans l’ensemble, l’impasse persiste.

LES PARTIES

Le Maroc

Le Maroc considère le Sahara occidental comme une province méridionale intégrale sous contrôle souverain depuis l’époque précoloniale. La dynastie alaouite au pouvoir épouse des revendications historiques pour consolider sa légitimité.[5] Le Maroc a offert l’autonomie sous son règne, mais s’oppose fermement à une indépendance pure et simple ou même à un référendum avec cette option. Au lieu de cela, Rabat continue de renforcer son contrôle économique et social sur la région, dans l’espoir de forcer l’acceptation de sa souveraineté comme un fait accompli.[6] Cela frustre le Polisario et ses partisans. Mais de nombreux observateurs considèrent une éventuelle absorption marocaine comme la seule solution réaliste.

Le Front Polisario

Le Front Polisario est apparu en 1973 comme un mouvement nationaliste réclamant l’indépendance sahraouie. Ses forces de guérilla ont combattu le Maroc et la Mauritanie, aidées par l’Algérie, où de nombreux réfugiés sahraouis restent campés. Le groupe rebelle se positionne comme le seul représentant légitime du peuple sahraoui. Cependant, sa fortune militaire déclinante l’a contraint à accepter le cessez-le-feu des années 1990 et à organiser un référendum.[7] Mais les manœuvres sur les listes électorales ont bloqué les votes, laissant le Polisario affaibli tout en restant opposé au contrôle marocain ou aux offres limitées d’autonomie. La plupart des membres réclament une République arabe sahraouie démocratique totalement indépendante. Certains analystes estiment que l’intransigeance du Polisario compromet les avancées réalistes.

L’Algérie

L’Algérie défend activement son allié Polisario comme moyen de contrebalancer son rival marocain. La lutte pour l’indépendance postcoloniale du Sahara occidental résonne avec la propre histoire de l’Algérie. L’Algérie soutient financièrement les camps de réfugiés sahraouis et reconnaît diplomatiquement la République arabe sahraouie démocratique. Cet alignement avec le Polisario étend également l’influence algérienne à toute l’Afrique du Nord et au Sahel. Mais certaines critiques suggèrent que l’Algérie utilise ce conflit insoluble pour affaiblir le Maroc tout en évitant de rendre des comptes pour l’absence de progrès.[8] La résolution du Sahara occidental supprimerait un pilier clé de la politique régionale algérienne.

La Mauritanie

La Mauritanie a initialement rejoint le Maroc lors de l’invasion du Sahara occidental en 1975, car elle revendiquait également des parties de la région. Mais la défaite militaire a conduit au retrait de la Mauritanie en 1979, après quoi elle a reconnu la République arabe sahraouie démocratique. Les liens avec le Maroc se sont détériorés. Cependant, la Mauritanie a depuis adopté une position plus neutre quant à la résolution du conflit territorial, cherchant à équilibrer les relations régionales. Il reste impliqué dans les négociations en cours à l’ONU, mais sans soutenir fermement aucune des parties. La Mauritanie donne la priorité à la stabilisation de la sécurité et du commerce en Afrique du Nord.

Les Nations Unies

L’ONU s’efforce depuis 1991 d’organiser un référendum sur l’indépendance du Sahara occidental et de maintenir le cessez-le-feu. Mais cela repose sur la coopération volontaire des parties en conflit qui conservent le pouvoir de décision. Le Maroc dispose d’un levier pour entraver le vote en contestant les listes électorales. Certains critiquent la passivité de l’ONU et son incapacité à faire respecter ses mandats. Mais les options sont limitées en l’absence de volonté politique de la part des principaux acteurs. L’approche de maintien de la paix de la MINURSO suscite également des critiques parce qu’elle gèle plutôt que résout la dynamique du conflit.[9] La crédibilité de l’ONU est affaiblie alors que le conflit de l’ère coloniale persiste et n’est pas résolu.

Les États-Unis

Historiquement, les États-Unis ont officiellement soutenu les efforts menés par l’ONU sur la question du Sahara occidental. Mais récemment, Washington a discrètement soutenu le plan d’autonomie du Maroc tout en renonçant à appeler à un État sahraoui indépendant.[10] Cela s’aligne sur la politique américaine plus large valorisant la sécurité régionale et la coopération antiterroriste avec le Maroc. Cependant, revenir sur l’approche adoptée de longue date par l’ONU nuit à la crédibilité des États-Unis. Les alliés européens et l’Union africaine conservent largement un soutien plus fort à l’autodétermination.

L’Espagne

En tant qu’ancienne puissance coloniale, l’Espagne revendique un rôle continu en soutenant le processus de paix de l’ONU. Mais certains reprochent à l’Espagne d’avoir brusquement abandonné le territoire en 1975, sans établir un processus de transition ordonné. Des considérations de politique intérieure ont conduit Madrid à se désengager précipitamment plutôt que d’arbitrer soigneusement entre les partis ou d’assurer un référendum crédible.[11] L’Espagne reste également obligée d’équilibrer ses relations avec le Maroc et l’Algérie sur des questions telles que la migration et l’énergie. Résoudre l’héritage colonial au Sahara occidental échappe aux solutions faciles pour Madrid.

Propositions de règlement échouées

Le Plan de paix de l’ONU

Le Plan de règlement des Nations Unies de 1991 proposait une transition vers un référendum sur l’indépendance ou l’intégration avec le Maroc. Mais les retards dans le cessez-le-feu ont permis au Maroc de se retrancher tandis que le temps a érodé la capacité du Polisario à mobiliser la résistance. Les désaccords sur l’éligibilité des électeurs ont bloqué le vote, même si plus de 80 pays reconnaissent le droit des Sahraouis à l’autodétermination.[12]

Le plan d’autonomie du Maroc

En 2007, le Maroc a proposé un plan d’autonomie limitée au Sahara occidental tout en conservant sa souveraineté. Mais le Polisario insiste sur une indépendance totale. Ils soutiennent que l’autonomie n’offre pas un contrôle local suffisant sur les ressources, la sécurité et les relations extérieures. Les États voisins craignent également que l’autonomie ne déstabilise la politique ethnique régionale.[13]

Accord-cadre soutenu par les États-Unis

En 2020, l’administration Trump a soutenu une proposition marocaine fondée sur la souveraineté, impliquant une autonomie limitée et des positions de leadership sahraouis. Mais le Polisario et l’Algérie ont protesté contre l’abandon par l’ONU des principes d’autodétermination. L’accord reste au point mort malgré la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental pour inciter à l’acceptation.[14]

Propositions de troisième voie

Certains observateurs proposent des compromis comme une entité sahraouie en libre association avec le Maroc, le partage du pouvoir ou une autonomie transitionnelle menant à un éventuel vote pour l’indépendance. Mais les écarts restent importants entre les positions maximalistes des deux côtés. Les mécanismes d’application et les garanties doivent également être renforcés pour permettre des règlements futurs crédibles.[15]

Ambiguïtés juridiques insolubles

Interprétations textuelles

Les partisans du référendum insistent sur le fait que le plan de règlement original de 1991 et les normes d’autodétermination postcoloniale imposent toujours légalement un vote avec l’indépendance comme option. Mais le Maroc fait valoir que les résolutions ultérieures du Conseil de sécurité se référant uniquement de manière générique à la résolution du différend remplacent ce mandat spécifique. Cela laisse de la place à des solutions alternatives basées sur la souveraineté marocaine.[16]

Liens précoloniaux

Le Maroc met en avant les conclusions de la CIJ validant certains liens précoloniaux entre les tribus sahraouies et le sultanat marocain. Mais le même avis rejetait ces liens comme établissant la pleine souveraineté. Le Polisario met plutôt l’accent sur les traditions d’autonomie sahraouie jusqu’à ce qu’elles soient perturbées par la colonisation espagnole. Les relations de pouvoir précoloniales ne parviennent pas à résoudre clairement le conflit territorial moderne.[17]

Droits sur les ressources

L’accès aux pêcheries et aux potentiels gisements pétroliers offshore accroît les enjeux économiques du conflit. Le Maroc profite de l’accès et des investissements existants en ignorant les revendications du Polisario sur les ressources. Mais les principes du droit international déconseillent le recours à la force pour priver les habitants de leurs droits aux ressources sans leur consentement. Cela ajoute à l’ambiguïté quant à la gestion des richesses naturelles du Sahara occidental.[18]

Dimensions humanitaires

Le conflit prolongé et la situation des réfugiés créent des souffrances considérables, souvent négligées par les parties focalisées sur les conflits de souveraineté. Les défenseurs des droits de l’homme exigent une plus grande priorité pour les besoins sociaux, économiques et humanitaires des civils et des réfugiés sahraouis pris dans l’impasse politique.[19] Mais le dialogue reste au point mort malgré les coûts pour les populations vulnérables.

Principes de force et de consentement

Des tensions fondamentales persistent entre le droit du Sahara occidental à l’autodétermination et la réalité du contrôle marocain. Les partisans de l’indépendance soutiennent que l’intégrité territoriale ne peut légalement être modifiée par la force. Mais le Maroc et les partisans de l’autonomie soutiennent qu’après des décennies, les exigences pratiques nécessitent à un moment donné de reconnaître un contrôle de facto, sinon les incitations au compromis s’affaiblissent.[20] Donner la priorité aux principes plutôt qu’à la stabilité ne laisse pas de réponses faciles.

Politique de reconnaissance diplomatique

La plupart des nations reconnaissent le droit du Sahara occidental à l’autodétermination, mais les positions pratiques varient.[21] Les membres de l’Union africaine soutiennent fermement l’indépendance, considérant la décolonisation comme incomplète. En revanche, la France et la Russie accordent une plus grande légitimité aux revendications du Maroc en faveur de liens stratégiques. La politique américaine a évolué plus favorablement vers un contrôle marocain. Ces divisions entravent l’uniformisation du message international nécessaire pour réaliser des progrès.

Nouveaux risques de conflit

La frustration résultant de quarante années de diplomatie au point mort risque de s’intensifier si les négociations restent gelées. Il semble peu probable que le Maroc abandonne son contrôle territorial. Mais un retour à un conflit ouvert pourrait générer une plus grande instabilité régionale. Les réfugiés sahraouis voient de plus en plus leurs espoirs d’indépendance s’évanouir. Les factions militantes pourraient décider que la lutte armée est la seule voie qui reste.[22] La violence sacrifierait des décennies de progrès fragiles. Toutes les parties doivent réévaluer leurs positions arrêtées pour parvenir à un compromis réaliste.

Conclusion

Le conflit du Sahara occidental a persisté au fil des générations, avec un compromis politique insaisissable malgré des tentatives répétées. Les défis consistent notamment à surmonter les ambiguïtés juridiques, à concilier les dynamiques de pouvoir régionales, à répondre aux besoins humanitaires et à fonder le dialogue sur les intérêts contemporains des sociétés plutôt que sur des revendications historiques rigides. Il n’y a pas de réponses faciles. Mais une diplomatie créative et un courage politique axés sur le bien-être des populations sahraouies offrent les meilleurs espoirs après tant d’années de dérive. Toutes les parties devraient réfléchir aux coûts de l’intransigeance et renouveler un engagement significatif en faveur d’un avenir commun.

Les références:
[1] Zoubir, YH et Pazzanita, AG (1995). L’échec des Nations Unies dans la résolution du conflit du Sahara occidental. Journal du Moyen-Orient, 614-628.

[2] Shelley, T. (2004). Fin de partie au Sahara occidental : quel avenir pour la dernière colonie d’Afrique ? Livres Zed.


[3] Cour internationale de Justice. (1975). Avis consultatif sur le Sahara occidental. Rapports de la CIJ.


[4] Nouvelles de la BBC. (2020). Profil du Sahara occidental. https://www.bbc.com/news/world-africa-14115273

[5] Slyomovics, S. (2005). Sahara occidental et Maroc : mises en scène d’histoires, stratégies de mémorisation. Journal numérique de culture et d’histoire, 4(2).

[6] Théofilopoulou, A. (2019). Nations Unies – Sahara occidental : une affaire sans fin. Institut américain pour la paix.

[7] Zunes, S. et Mundy, J. (2010). Sahara occidental : guerre, nationalisme et irrésolution des conflits. Presse universitaire de Syracuse.

[8] Mehdi, T. (2002). Sahara occidental sous contrôle du Polisario. Revue de l’économie politique africaine, 29(91), 291-300.

[9] Ramos-Horta, J. (2019). Le fonctionnement du Conseil de sécurité des Nations Unies dans le conflit du Sahara occidental. Académie Diplomatique du Pérou Javier Pérez de Cuellar.


[10] Théofilopoulou, A. (2021). Les États-Unis reconnaissent la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental : implications. Institut américain pour la paix.

[11] Barreñada, I. (2020). Le rôle de l’Espagne dans le conflit du Sahara occidental. E-Relations internationales.

[12] Jensen, E. (2005). Sahara occidental : anatomie d’une impasse. Éditeurs Lynne Rienner.

[13] Groupe de crise international. (2007). Sahara occidental : le coût du conflit. Rapport Moyen-Orient/Afrique du Nord 65.

[14] Maison Blanche. (2020). Le soutien du président Donald J. Trump à la proposition d’autonomie sérieuse, crédible et réaliste du Maroc. https://trumpwhitehouse.archives.gov/briefings-statements/president-donald-j-trumps-support-moroccos-serious-credible-realistic-autonomy-proposal/

[15] Groupe de crise international. (2018). Sahara occidental : une nouvelle lumière dans une vieille boîte. Rapport Moyen-Orient/Afrique du Nord 236.

[16] Riedel, U. (2011). À la recherche d’un État : la politique de souveraineté marocaine et le conflit du Sahara occidental. Le Journal des études nord-africaines, 16(4), 575-590.

[17] San Martin, P. (2010). Nationalisme, identité et citoyenneté au Sahara occidental. Le Journal des études nord-africaines, 15(4), 565-592.

[18] Hagen, R. (2016). Cartes contre l’autonomie : autodétermination pour le Sahara occidental. Journal de Leiden de droit international, 29(4), 1021-1039.

[19] Fiddian-Qasmiyeh, E. (2011). Déplacement sahraoui prolongé : défis et opportunités au-delà du campement. Centre d’études sur les réfugiés.


[20] Zoubir, Y., & Benabdallah-Gambier, K. (2005). Les États-Unis et l’imbroglio nord-africain: équilibrer les intérêts en Algérie, au Maroc et au Sahara occidental. Politique méditerranéenne, 10(2), 181-202.

[21] Barreñada, I. (2016). La politique de l’indifférence : l’Union européenne et la reconnaissance symbolique du Sahara occidental. Le Journal des études nord-africaines, 21(4), 626-643.

[22] Groupe de crise international. (2021). Guérir la fracture alors que le risque de guerre au Sahara occidental augmente. Rapport Moyen-Orient et Afrique du Nord 236.

Source

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